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construire l'estime de soi

Il est essentiel que l’enseignant encourage chez ses jeunes élèves une nécessaire conviction qu’ils sont porteurs de qualités et de potentialités plutôt que se focaliser prioritairement sur leurs défauts ou leurs incompétences.
On comprend que les élèves de Segpa puissent avoir construit une représentation négative d’eux-mêmes du fait d’un parcours qui aura montré, sinon leurs incompétences, du moins leur incapacité à suivre un cursus ordinaire. Il convient donc de lutter énergiquement contre ces sentiments dévalorisants afin d’éviter l’abandon et la rupture définitive. "Permettre aux élèves d'aller à leur rythme dans l'acquisition, prendre en compte les compétences qu'ils  maîtrisent, les amener à travailler en équipes avec des rôles et des objectifs à atteindre, voilà les leviers de notre réflexion" précise Cyrille Addadi. "Mais ça ne suffit pas : nous voulions rendre visible le trajet de chacun. Nous avons retenu l’idée d’un diagramme qui guide l'élève dans sa progression par rapport à un nombre de compétences acquises. C’est plus intéressant qu'une note, car l'élève se voit progresser et voit par matière une valeur qui augmente au cours des quatre années de Segpa".

La prise de conscience de ses propres compétences, pour soi et au service des autres, est favorisée par la reconnaissance officielle dans la classe (être "expert" de compétences validées). Ce statut obtenu, l’élève est invité à partager ses compétences auprès d’élèves demandeurs de sa classe, sous forme de tutorat : "tout le monde peut aider tout le monde". Par cette gratification, chacun développe un regard de soi positif, ce qui n’est pas négligeable pour des élèves qui n’ont pu accéder à un enseignement ordinaire.
À cette réflexion sur le sens donné à leurs apprentissages s’est greffée une autre réflexion axée, elle, sur l’adéquation entre leur comportement et les attendus du collège. "Sur ce dernier point, nous avons retravaillé notre 'système de valorisation' (qui fonctionne de mieux en mieux) et qui tend à remplacer le traditionnel système de punition du collège : selon leurs comportements, les élèves accèdent à des degrés (de couleurs différentes) offrant des responsabilités dans la classe" ajoute Cyrille Addadi. "Nous voulons montrer qu'un travail plus important doit être fourni pour atteindre les objectifs".
Résumons dans un tableau les principaux leviers qui favorisent ou découragent l’estime de soi pour ces élèves :

Ce qui permet de soutenir l’estime de soi Ce qui altère l’estime de soi
Se savoir reconnu socialement :
- Le regard, les propos, les encouragements des enseignants.
- Le regard des autres élèves.
- L’affichage de classe.

Se savoir en réussite :
- Changer de statut, et devenir "expert".
- Savoir et savoir expliquer.
- Vouloir et pouvoir aider un camarade.
- Réussir en français et en mathématiques.
- Pouvoir visualiser ses progrès.
- Avoir des compétences reconnues.
- L’accumulation d’échecs (matérialisés par les résultats).
- L’environnement social (jugement des autres : adultes et élèves).
- Une vision négative de soi.
- Une incapacité à devenir "expert", donc un rôle d’aidé et non d’aidant.
- Une incapacité à comprendre : les attendus, le sens des activités, etc.
- Un manque de reconnaissance parentale.

La circulaire du 28 octobre 2015 précise que "si la Segpa permet aujourd’hui la mise en œuvre d’une pédagogie attentive aux besoins des élèves qui en relèvent, elle doit nécessairement évoluer pour mieux répondre à leurs besoins éducatifs particuliers, aux attentes des familles, s’adapter davantage aux compétences des élèves". En partant de cette dernière injonction, on comprend que le regard porté sur les élèves de Segpa ne doit pas pointer leurs difficultés mais leurs réussites. Plus encore, il ne peut être que valorisant pour ces élèves de bénéficier d’une reconnaissance sociale de leurs compétences. Le seul constat chiffré ne saurait remplacer la prise de conscience de sa capacité à pouvoir aider les autres. Les adolescents attendent ce retour positif qui atteste de leurs compétences et qui les aide à comprendre qu’ils peuvent être utiles aux autres même dans des domaines scolaires.

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