Certes, le cahier de progrès ou de réussite n'est pas une révolution en soi. Les enseignants en ont déjà un usage en maternelle sous forme de cahiers d'activités ou de fiches d'évaluation. Ce qui est nouveau ici, avec le carnet de progrès, c'est le lien entre les compétences à évaluer et la façon dont elles se déclinent en activités évaluables. Auparavant, par habitude, sans doute, un certain nombre d'activités étaient proposées sans que soit remis en cause le lien qui les reliaient à une compétence donnée. Ce qui est nouveau, également, c'est la sollicitation du regard de l'élève sur ses propres productions ou actions à tout moment de la journée. Dès lors que les élèves sont en activité, les enseignantes mettent les carnets en évidence. Chacun peut aller le feuilleter pour identifier visuellement la compétence travaillée ou pour coller une gommette qui indique à l'enseignante qu'une compétence peut être validée. Bien sûr, cette validation (ou non) sera l'occasion de reprendre la tâche avec l'élève, de mettre des mots sur l'activité, de voir si la maîtrise est réellement là ou si elle n'y est pas. Mais désormais, l'enjeu psychologique est moindre car la répétition, l'entraînement, les différents essais, permettent de valider plus tard ce qui n'est pas encore stabilisé aujourd'hui. Rien n'est perdu, tout est possible, et les deux enseignantes ont déjà remarqué à quel point la motivation des élèves est croissante. Ils veulent y arriver et l'atelier concerné reste à disposition de l'élève tant que celui-ci le souhaite. Ainsi, la compétence qui consiste à aligner des images dans le bon ordre est difficile à maîtriser en moyenne section pour un certain nombre d'élèves. Auparavant, lors du test de validation, l'enseignante qui constatait que trois images sur quatre étaient bien placées avait tendance à tergiverser... la compétence était-elle acquise ? Aujourd'hui, ce n'est plus possible car les élèves sont très rigoureux. Puisque, sur le carnet, ce sont quatre images qui doivent être dans le bon ordre, ils s'entraînent jusqu'à ce que cela soit réalisé. Les élèves sont aussi beaucoup plus détendus car la réussite reste toujours possible. Enfin, ils sont plus autonomes puisqu'ils peuvent choisir d'eux-mêmes de refaire telle ou telle activité. Et leurs demandes modifient le comportement des enseignantes qui se rendent compte que, les années antérieures, elles n'auraient sans doute pas laissé aussi longtemps les ateliers à la disposition des élèves. Sans doute seraient-elles passées à autre chose, et l'élève, lui, serait resté avec son échec et le sourire en coin du camarade plus chanceux...
