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en quête de cohérence et de sens

mis à jour le 18/04/2011


echanger dossier 1

La mise en œuvre du socle commun de connaissances et de compétences oblige à repenser l'enseignement du français au collège. Harmonisation disciplinaire, collaboration interlinguistique, travaux en groupes, activités différenciées constituent autant de tentatives de fonder une nouvelle cohérence.

mots clés : échanger, socle commun, pédagogie différenciée, compétences transversales, harmonisation de pratiques


À l'issue d'un stage de formation, les enseignants du collège du Haut Gesvres ont uni leurs efforts pour la mise en œuvre du socle commun de connaissances et de compétences. Comment harmoniser les pratiques en vigueur au sein d'une même discipline ? Comment articuler au socle commun les savoirs issus du programme d'une discipline ? Comment inventer des activités de nature à faire acquérir des compétences transversales ? Comment travailler les compétences civiques et sociales ainsi que l'autonomie et l'initiative ? Autant de questions auxquelles ont tenté de répondre les enseignants de ce collège, et plus spécialement les professeurs de lettres.

Le français en quête de formalisation

Toutes les disciplines ne se trouvent pas à égalité face au socle commun. Selon les pédagogies en vigueur, et les cultures relatives aux différentes disciplines, les situations varient. Ainsi, avant l'instauration du socle commun, un pôle scientifique interdisciplinaire était déjà constitué au collège, réunissant technologie, sciences physiques et sciences de la vie et de la Terre. Partageant le même classeur et les mêmes fiches, ces trois matières fonctionnaient déjà en croisant leurs regards sur des objets communs. La pratique de l'interdisciplinarité était donc acquise. En mathématiques, dès 2005, le programme était d'ailleurs conçu par compétences à acquérir dans une progression de nature spiralaire, par reprises progressives, à un niveau supérieur. En français, l'application du socle commun oblige à formaliser plus rigoureusement qu'auparavant les compétences en les mettant à plat, ne serait-ce que pour renseigner le livret personnel de l'élève. Un travail d'analyse des méthodes et des pratiques semble donc un préalable indispensable, comparativement à des disciplines plus rompues à l'approche par compétences.

Harmoniser les pratiques

Dès 2007, l'équipe de lettres, avec l'aide d'un inspecteur, s'est employée à harmoniser ses méthodes et ses pratiques afin de fonder son enseignement en cohérence de la sixième à la troisième. Cette plateforme comporte trois volets : les outils de la langue, l'écriture et la lecture. Pour ce qui est de la langue, les élèves disposent, de la sixième à la troisième, d'un porte-vues qui contient des fiches générales et par niveau, distribuées graduellement selon l'évolution des apprentissages, leur servant d'aide-mémoire. Dans le domaine de l'écriture, une volonté d'harmonisation a présidé à une évaluation plus homogène des écrits. Ainsi, des grilles critériées répondent au besoin de clarté et de transparence. Les enseignants multiplient les supports d'écriture à partir d'images, de documents sonores, d'exercices d'expression orale, de faits d'actualité, de lieux et d'objets. Ils fournissent aux élèves des outils nécessaires à la réussite, tels que ressources lexicales ou schémas relatifs à la typologie textuelle. Ils apportent un soin particulier à la réécriture en faisant travailler les élèves à partir de leurs brouillons. Ceux-ci sont ramassés, puis modifiés à l'aide d'une couleur par consigne. Les élèves se les lisent mutuellement et s'entraident afin de les améliorer sous forme d'une interévaluation. Un autre axe privilégié réside en la mise en évidence du destinataire des productions écrites. Pour ce faire, on multiplie les situations d'oralisation visant à agir sur, et faire réagir le récepteur : lectures, reformulations, rédaction d'écrits destinés à faire rire, émouvoir, persuader, etc. Enfin, au sein du collège, divers moyens sont employés afin de valoriser les écrits d'élèves par voie d'affichage, en recourant aux TICE, en organisant des concours, avec pour principal objectif la volonté de susciter et d'entretenir dans les classes le plaisir d'écrire. Du côté de la lecture, des fiches sont fournies aux élèves selon une progression relative à la typologie des textes. Tous ces outils sont autant de repères qui balisent la scolarité du collégien. Cette plateforme a constitué une première étape prédisposant à la mise en œuvre du socle commun de connaissances et de compétences. Sur cette base, s'est greffée la construction de compétences transversales. L'acquisition des compétences civiques et sociales est, par exemple, pratiquée via le travail en groupes. Lors de commentaires de textes en français, les élèves se divisent en groupes avec des fonctions spécifiques clairement définies. Le lecteur de consignes, le responsable du matériel, le maître du temps, le rédacteur, le porte-parole doivent remplir leur rôle. Il s'agit d'un "socle commun" au sens d'une méthodologie transdisciplinaire en vigueur dans l'ensemble du collège, destinée à évaluer les compétences sociales et civiques de même que l'autonomie et l'initiative.

Une pédagogie différenciée

En français, lors de commentaires de textes, divers questionnaires sont distribués. Complémentaires et convergents, ils sont modulés selon le profil des élèves. Le socle commun de connaissances et de compétences est en effet aussi affaire de pédagogie différenciée. Il s'agit de fractionner les questions d'analyse textuelle afin de réaliser une gradation quant à leur difficulté. Ainsi, en troisième, lors du commentaire d'un extrait du Meilleur des mondes d'Aldous Huxley, dans le cadre de l'étude de l'argumentation indirecte via le genre romanesque, deux séries de questions et de consignes sont proposées, relatives à l'écriture argumentative (voir annexe). Pour ce qui est de l'étude d'Antigone de Sophocle, chaque groupe traite un aspect spécifique de la tragédie (voir annexe). Le fruit des recherches est mis en commun, des échanges ont lieu, une synthèse finale est réalisée. Le travail en groupes active non seulement les capacités d'expression orale de la compétence "la maîtrise de la langue française" du socle commun, mais aussi celles correspondant à la compétence "l'autonomie et l'initiative". L'acquisition de l'autonomie est poursuivie, et l'accent est mis sur l'argumentation et l'investigation afin de développer une démarche réflexive. Diverses activités sont conçues afin de mettre en œuvre une pédagogie différenciée. On peut agir sur différentes variables telles que les objectifs de lecture et d'écriture. Par exemple, l'écriture d'un conte peut être guidée par divers objectifs pour une même évaluation : développer les étapes narratives, ou mettre l'accent sur leur enchaînement, ou bien encore, faire attention à l'ordre des actions. Mais il est aussi possible de différencier le travail personnel en fonction des compétences acquises en diminuant ou augmentant la longueur des exercices. Ainsi, à la fin de chaque trimestre, à partir des activités d'écriture qu'il a réalisées, chaque élève détermine ce qui est acquis et ce qui ne l'est pas. L'enseignant sélectionne trois notions, et l'élève écrit, sur le thème et selon la forme de son choix, de courts textes avec un objectif précis tel que, par exemple, l'emploi de l'imparfait ou du passé simple. Au final, le socle commun passe avant le programme lui-même ou, plus exactement, il importe de penser les contenus à enseigner en termes de socle commun afin d'élaborer un dispositif pédagogique approprié.

Décrire et to describe

Un exemple de travail en interdisciplinarité a porté sur la description en français et en anglais. Cette séquence bilingue, axée essentiellement sur l'acquisition du vocabulaire spécifique et la réalisation de portraits, s'est déroulée selon un va-et-vient d'une matière à l'autre. Les heures de cours étant consécutives, la continuité s'en trouvait renforcée. Dans le cadre du texte descriptif, l'étude du portrait a été menée à partir de personnages de bandes dessinées, soit Corto Maltese, Adèle Blanc-Sec et Jérôme Bloche, respectivement issus de l'imagination de Hugo Pratt, Tardi et Dodier (voir annexe). La séquence a débuté en anglais par l'observation des personnages dessinés et a offert l'occasion de réviser le lexique relatif au physique. En français, les élèves en ont ensuite rédigé une description à l'aide d'un vocabulaire plus élaboré. Parallèlement, en anglais, les élèves ont approfondi leur maîtrise du lexique en réalisant une présentation d'eux-mêmes. Enfin, en français, ils ont intégré leur portrait à un récit plus vaste. Ce va-et-vient interdisciplinaire a eu pour effet d'aborder le vocabulaire anglais du portrait avec un intérêt plus marqué, du fait qu'ils avaient les mêmes préoccupations dans les deux matières. Ils ont ainsi enrichi et approfondi leurs capacités lexicales grâce à l'alternance des deux langues. La maîtrise d'un vocabulaire juste et précis constitue précisément un domaine répertorié dans la compétence du socle commun relative à "la maîtrise de la langue française", alors que le fait de posséder un vocabulaire suffisant pour comprendre des sujets simples se trouve mentionné dans la compétence "la pratique d'une langue vivante étrangère", référée au cadre européen commun. Certes, les attentes ne peuvent être similaires lorsqu'il s'agit d'une langue vernaculaire ou étrangère, mais le transfert de capacités de l'une à l'autre est bien à l'œuvre. Enfin, la saisie informatique de leurs textes a permis d'activer des capacités de la compétence relative à "la maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication".

Convergences et échanges

De même, plusieurs disciplines se sont rencontrées autour de Roméo et Juliette. Les élèves ont visionné des extraits d'un film en anglais, ont analysé une œuvre représentant le célèbre couple en arts plastiques, ont écrit puis joué une scène de balcon en français. Ce projet relève plutôt de l'histoire des arts, en l'occurrence. En revanche, pour ce qui est des périodisations historiques, les progressions ne sont guère concordantes en français, histoire-géographie et arts plastiques. Il faut donc susciter des convergences autour d'objets d'étude communs. En français, en troisième, un quart d'heure hebdomadaire de lecture silencieuse a été instauré de manière ritualisée. Les élèves apportent un livre, issu d'une liste ou pas, et se plongent dans une sorte de communion qui a pour effet de désinhiber les lecteurs moins avertis. Comme si la lecture collégiale favorisait la lecture individuelle qui n'est pas solitaire pour autant. Ils remplissent ensuite leur carnet de lecteur-écrivain, qu'ils décorent à l'occasion, où ils consignent leurs impressions et rendent compte de leur lecture. En les échangeant, ils exercent leur capacité de jugement et comparent divers points de vue. Puis des échanges oraux s'instaurent autour des livres. Les compétences de lecteur ainsi que celles relatives à l'expression orale qui figurent dans "la maîtrise de la langue française" se combinent ainsi avec les compétences "d'autonomie et d'initiative". Connaissances, capacités et attitudes se trouvent donc intrinsèquement mêlées.

L'apprentissage des tâches complexes

L'esprit du socle commun contribue à une évolution de la notion même d'évaluation. Ni notation, ni validation, l'évaluation d'une compétence, à un temps t mais de manière évolutive, oblige à proposer aux élèves des tâches complexes à réaliser. En effet, dans la mesure où une compétence combine connaissances, capacités et attitudes, son évaluation nécessite que l'élève soit confronté à une situation-problème. Or, les statistiques du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) montrent que les collégiens français sont assez mal placés pour ce qui est de la résolution de situations complexes. Même s'ils possèdent des connaissances, ils semblent éprouver quelques difficultés à mobiliser leurs acquis. D'ailleurs, les instructions officielles stipulent que "maîtriser le socle commun, c'est être capable de mobiliser ses acquis dans des tâches et des situations complexes, à l'école, puis dans sa vie ; c'est posséder un outil indispensable pour continuer à se former tout au long de la vie 1". Évaluer par compétences initie donc à des modalités d'apprentissage qui pourront se poursuivre tout au long de l'existence. La pédagogie différenciée autorise par ailleurs à donner des consignes modulables selon le niveau atteint par les élèves. L'essentiel est que ceux-ci soient clairement informés desdites compétences à acquérir et à évaluer, lesquelles figurent dans la présentation des séquences ainsi que dans les grilles critériées lors des évaluations.

La maîtrise transdisciplinaire de la langue française

Des notions peuvent aussi conférer une cohérence à la progression annuelle. Ainsi, en français, en troisième, l'étude des propositions constituait, cette année, un fil rouge. Mais la maîtrise de la langue française concerne toutes les matières. En 2010-2011, les enseignants du collège Le Haut Gesvres projettent, en interdisciplinarité, de se focaliser sur une notion à faire acquérir, le participe passé, en l'occurrence. Tout au long de l'année, chaque fois que les élèves rencontreront des participes passés et quelle que soit la discipline, leur enseignant s'arrêtera sur cet objet précis et attirera leur attention sur leur accord. Une évaluation spécifique portera sur ces règles orthographiques. Qu'il s'agisse de compétences disciplinaires ou transversales, l'essentiel est, grâce au socle commun, de conférer plus de cohérence et donc de sens à l'enseignement dans sa globalité.

1. Préambule à Le socle commun de connaissances et de compétences. Tout ce qu'il est indispensable de maîtriser à la fin de la scolarité obligatoire, Décret du 11 juillet 2006.
 
 
auteur(s) :

J. Perru

contributeur(s) :

C. Billard, Collège Le Haut Gesvres, Treillières [44]

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information(s) technique(s) : pdf

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