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enseigner des capacités en mathématiques

mis à jour le 22/11/2011


echanger dossier 1

Au collège Villaret-Clairefontaine du Mans, quelques classes expérimentent l'apprentissage et l'évaluation par capacités, sous la conduite de leur professeure de mathématiques. Les inspecteurs de mathématiques ayant souhaité apporter quelques éclairages complémentaires, leur contribution est publiée en annexe.

mots clés : compétences, scolatix, autonomie, mathématiques


L'origine de ce projet tient à la conviction de cette jeune professeure de mathématiques : "Comment peut-on exiger d'un élève qu'il maîtrise un savoir-faire à une date précise ? On ne laisse pas leur chance à ceux qui mettent plus de temps". Ce constat, Tifenn Durand-Favreau l'établit dès le début de son année de stage, et c'est sur le conseil d'une formatrice de l'IUFM (Institut universitaire de formation des maîtres) qu'elle décide d'enseigner par capacités, fonctionnement qu'elle estime plus formateur et plus juste pour les élèves.

De la transition...

Une réflexion didactique s'impose alors. La professeure s'attelle dans un premier temps à examiner les programmes de mathématiques pour dégager précisément les capacités que les élèves doivent acquérir pour chaque niveau. De là, découle la présentation des chapitres auprès des élèves : le professeur liste les capacités en jeu et les préacquis. Les séances sont ensuite progressives ; les capacités sont introduites une par une, puis la tâche se complexifie, les élèves doivent être capables de mobiliser plusieurs capacités dans un même exercice. Les capacités à valider sont très ciblées, ce qui exige une adaptation constante de l'enseignant qui reprend certains exercices dans le manuel, en invente d'autres pour pointer précisément les capacités en jeu dans son chapitre. Les exercices proposés en devoir reprennent cette progression, de la maîtrise d'une compétence simple à l'articulation de plusieurs capacités. Ainsi, un exercice pourra demander de savoir calculer une aire de disque, pointant une compétence précise. Puis le suivant, plus étoffé, exigera en outre de connaître la formule, de maîtriser le calcul et de rédiger le raisonnement. Dans l'évaluation du second exercice, si certains élèves calculent le rayon au lieu du diamètre, l'enseignante considère que la compétence est en cours d'acquisition : le résultat n'est pas le seul critère qui compte dans l'évaluation. Pauline, élève de cinquième, apprécie ce système d'évaluation : "On ne note pas seulement le résultat, mais aussi la démonstration, c'est plus juste". Dans cette nouvelle approche des apprentissages, le professeur exclut les contrôles de leçons : c'est l'application qui est évaluée. Aux élèves d'assimiler qu'apprendre la formule ou le théorème n'est qu'une étape obligatoire pour réussir.

... à la création d'un site internet

Une des difficultés de cet enseignement consiste à aider les élèves à mesurer leur degré d'acquisition des capacités au fil des séances. Au bout d'un certain temps, le nombre de capacités s'élargit et les élèves ne savent plus où ils en sont, manquent de repères. Pour pallier cet obstacle, Tifenn Durand-Favreau a créé avec deux collègues un site internet, Scolatix 1. Sur le site, le professeur indique pour chaque niveau de classe les connaissances et capacités à valider, subdivisées en items. Les items en gras indiquent aux élèves que cette compétence relève du socle commun. À l'aide d'un mot de passe, chaque élève peut se connecter quand il le souhaite sur son compte et visualiser son niveau d'acquisition des capacités, modifié par le professeur à l'issue de chacun des vingt devoirs effectués tout au long de l'année. L'élève dispose de plusieurs vues, sur l'année, ou par devoir : cette double entrée permet de cibler les capacités à acquérir à un moment précis et d'observer l'ensemble, plus global, sur l'année. L'élève se repère aisément, ce que souligne Antoine, en cinquième, qui nous précise que le code de couleurs communément utilisé (vert : acquis ; orange : en cours d'acquisition ; rouge : non acquis) lui permet de visualiser ce qu'il a compris et ce qui lui reste à travailler. L'évaluation globale est chiffrée par un pourcentage qui évolue tout au long de l'année scolaire.

Vers l'autonomie

Cet outil internet est conçu aussi pour inciter l'élève à devenir plus autonome. En effet, chaque compétence est accompagnée d'un lien vers le site Sesamath qui propose des exercices d'entraînement et leurs corrigés. Les élèves qui utilisent régulièrement le site le visitent avant les devoirs ou avant le conseil de classe. Mais ils le consultent aussi après une série d'exercices s'ils sentent qu'ils n'ont pas parfaitement acquis une compétence, ou sur le conseil de leur professeur pendant le cours. Il y a donc des interactions constantes entre le cours et le site. Pour M. Bertrand, principal du collège, l'avantage de ce dispositif est justement que l'élève bénéficie d'un suivi personnel, évolutif et visualisable, tout au long de l'année : "Le site, complémentaire des cours, constitue un outil de différenciation pédagogique", précise-t-il. Du côté de l'enseignant, la connexion professeur permet d'identifier rapidement les capacités les plus difficiles à acquérir pour envisager, par exemple, des travaux de remédiation, ou créer des groupes de travail. Cette qualité de précision apporte un réel avantage par rapport aux notes.

Une remise en question constante

En revanche, la difficulté, réelle, elle aussi, réside dans le choix et la désignation des capacités. Tifenn Durand-Favreau a établi une liste annuelle de soixante-dix capacités pour le niveau sixième à cent capacités pour le niveau quatrième, à partir du programme de mathématiques. La liste est ambitieuse, trop, selon elle, "quarante capacités, ce serait plus raisonnable pour les élèves comme pour le professeur". Mais comment établir des limites objectives ? Prenons l'exemple du théorème de Thalès : il faut le connaître, savoir l'utiliser dans une situation simple, puis dans une situation complexe. À partir de ce seul théorème, on peut constituer une véritable liste de capacités à maîtriser. De même, si l'on demande aux élèves d'effectuer une succession d'opérations sous différentes formes (par calcul mental, à la main, à l'aide d'une calculatrice) : dégage-t-on trois capacités ou une seule ? Le risque est bien évidemment celui du fractionnement, de la succession de microcompétences. La maturation de la pratique et un travail de réflexion collective de l'équipe pédagogique aboutiront assurément à perfectionner la liste.

Concevoir autrement le temps de la séance

Un autre ajustement s'impose : ce fonctionnement nécessite de passer beaucoup de temps avec les élèves pour expliquer les capacités. Cela est vrai pour tous les élèves quand, en début de chapitre, le professeur présente les capacités à acquérir. Mais comme chacun est incité à suivre son propre rythme, certains anticipent les capacités à venir et sont alors en demande d'explications. De même, il y a ceux qui acquièrent les capacités avec un peu de retard au regard de l'avancée dans le chapitre. Il y a donc une nécessaire et constante adaptation du professeur à l'égard de chaque élève, ce qui implique aussi une nouvelle conception du temps de la séance. Le cours se partage entre explications magistrales, travail en autonomie et, en parallèle, des échanges individualisés avec le professeur qui répond aux questions ou est appelé à mesurer des acquis. Les élèves savent qu'ils peuvent à tout moment montrer au professeur qu'ils maîtrisent désormais une compétence non validée. Si l'enseignante constate à l'occasion d'un exercice réalisé en classe qu'une nouvelle compétence est acquise, elle la valide. L'élève comprend très vite qu'il faut donc travailler tout le temps pour faire évoluer son pourcentage. Tifenn Durand-Favreau constate que si l'enseignement et l'évaluation par capacités ne produisent pas de miracles pour les élèves très faibles, il est en revanche stimulant pour ceux qui manquent de confiance en eux, ceux qui ont des difficultés, mais qui travaillent. Le point d'appui, pour ceux-là, c'est qu'"ils savent toujours ce qu'ils vont avoir à prouver". C'est d'ailleurs pour encourager ces élèves-là que le professeur a fait le choix de maintenir la mention "en cours d'acquisition".


Une nouvelle manière de préparer un devoir

Il y a une identité absolue entre les capacités proposées sur le site et celles qui sont travaillées en cours. La surprise ne tient ici aucune place: à l'annonce d'un devoir, le professeur précise les capacités qui seront évaluées et crée l'en-tête de son devoir (qui liste les capacités) à partir du site (voir annexe). La formulation est donc identique, un facteur rassurant pour nombre d'élèves. Si certains peuvent être déstabilisés par l'outil, au début, les élèves motivés comprennent vite l'intérêt d'aller visualiser leur page du site. Ils voient immédiatement quelles capacités du devoir à venir sont déjà validées, et lesquelles restent à travailler. À eux ensuite de conjuguer les révisions du travail effectué en classe et des exercices du site Sesamath pour préparer, de manière efficace, le devoir. L'évaluation apparaît alors moins comme une possible sanction que comme un outil pour évaluer son niveau à un moment précis. Cela peut éviter le stress pour certains élèves, même si l'enjeu reste fort : Pauline le précise, "j'ai toujours aussi peur d'avoir faux ou de ne pas avoir le temps de réaliser tous les exercices". Le compte-rendu du devoir corrigé par le professeur ne donne donc lieu à aucune note, l'enseignante utilise le système des couleurs et laisse parfois devant une compétence un point d'interrogation, si l'exercice n'a pas été fait ou si l'élève a utilisé une autre compétence que celle qui était requise pour l'effectuer. À la fin du trimestre, les élèves sont tout de même demandeurs d'une note, celle qu'il est d'ailleurs nécessaire de faire apparaître sur le bulletin scolaire, afin de se situer. Cette note est calculée par le site Scolatix en fonction des capacités travaillées en classe et supposées acquises par l'élève.
Cet enseignement relève au final aussi du défi, celui de rendre des élèves acteurs de leur évaluation et de leur parcours tout au long de l'année. Il a cette efficacité auprès des élèves travailleurs qui ressentent des difficultés, qui ont besoin d'être rassurés et de connaître exactement leurs points faibles et forts. Or, la validation des capacités permet justement de pointer des réussites progressives fondées sur une perception différente du cours et de l'évaluation.

1.  Le site est ouvert aux enseignants de toutes les disciplines, l'inscription est gratuite.
 
auteur(s) :

N. Le Rouge

contributeur(s) :

T. Favreau, Collège le Villaret-Clairefontaine, Le  Mans [72]

fichier joint

information(s) technique(s) : pdf

taille : 248 Ko ;

ressource(s) principale(s)

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