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l'art se faufile

mis à jour le 24/03/2011


echanger dossier 5

L'histoire des arts repose sur la mise en place de liens entre les différents enseignements. De fait, cet enseignement n'est pas réductible à sa composante d'arts plastiques ou arts visuels. Mais il ne l'exclut pas. C'est donc ce maillage qu'Échanger est venu observer dans cette classe et cette école de Saint-Martin-du-Fouilloux, dans une année placée sous le signe d'une opération départementale : De fil en livres, l'art se faufile !

mots clés : échanger, projet d’école, projet départemental, cahier des arts, livres et arts visuels, partenariats bibliothèques


Les professeurs de cette école, dont Ginette Legué, chargée des élèves de cycle III, ont, depuis la mise en place de l'histoire des arts - et même un peu avant ! - réfléchi à la question des traces à garder pour assurer la cohérence de cette forme d'enseignement. Est alors née l'idée de regrouper l'ensemble des activités et connaissances dans un beau et grand cahier : "Mon cahier d'arts". C'est donc en feuilletant ces pages que nous avons choisi d'entrer dans la démarche proposée. Dans cette classe, mais aussi dans cette école. En effet, le projet départemental que les conseillères pédagogiques du département ont proposé vient offrir une occasion supplémentaire de travailler dans une autre dimension le projet de la classe et de l'école.

Au fil des pages

Dans ce cahier, le champ des arts se décline dès la couverture. Sur cet exemplaire, six carrés y figurent, et le titre court autour à la manière d'une ribambelle enluminée. Mais la seconde de couverture donne, elle aussi, le ton. Bien sûr, on y découvre le titre : "Mon cahier d'arts", mais aussi une série de mots-clefs comme "histoire de l'art", "œuvre, arts, peinture ou musique." D'autres apparaissent, peut-être plus énigmatiques, tels que "jardin ou objet." "Gavroche ou Paul Klee." Mais soyons sûrs que de nouveaux termes viendront s'accrocher à ce fil artistique, l'année n'est pas finie ! La première séquence qui apparaît dans ce cahier concerne la musique classique. Les élèves ont écouté une composition de Mozart, mais ils ont aussi travaillé un texte sur sa biographie, appris à manipuler et réutiliser des termes comme sonate, symphonie ou concerto. En replaçant aussi d'autres compositeurs célèbres, ils ont réalisé une frise chronologique : occasion d'un véritable travail mathématique. L'univers de la Flûte enchantée et de l'opéra sont aussi l'objet d'un travail où maîtrise du langage et histoire prennent toute leur place. Page suivante : une autre séquence se profile qui, à partir de chansons révolutionnaires comme La Marseillaise ou La Carmagnole, permet de mettre au point des repères chronologiques et des connaissances historiques comme les trois ordres. Et ainsi de suite...

Des fils tendus entre 8 000 élèves

Mais revenons aux carrés de notre couverture de cahier ! Le projet de cette classe, comme bien d'autres en Maine-et-Loire, se trouve fortement infléchi cette année par des histoires de carrés, cousus de fils rouges. Les conseillères d'arts visuels du département ont mis au point et proposé une opération qui vise à tisser des liens entre la création plastique, l'histoire de l'art et le livre (voir annexe). Le projet a été proposé aux enseignants lors d'une conférence pédagogique. Il s'agit concrètement d'une création artistique à partir d'un écheveau de fil rouge. Chaque élève des classes participantes aura à créer un carré qui sera numérisé de façon à produire une immense mosaïque. Mais chacun pourra retrouver son propre carré en cliquant dessus. Magique ! Le fil, d'accord ! mais le livre ? C'est là qu'intervient le partenariat, un fil tendu, encore, avec les bibliothèques du département, réunies autour de la bibliothèque départementale de prêt. Ce sont les bibliothèques locales qui vont recevoir les carrés pour réaliser une exposition. Ce sont elles qui recevront les livres réalisés à partir des carrés. Ce sont elles aussi qui vont offrir un cadre de références pour consulter les multiples livres-objets mis à disposition des élèves. Ce sont elles enfin qui seront le cadre de salons où les livres réalisés seront exposés.

Au fil des mots... faire sa pelote !

Voilà donc pour le projet dans ses grandes lignes. Suivons de près la façon dont il se met en place dans cette classe et dans cette école. En effet, ce sont toutes les enseignantes qui se sont inscrites dans ce projet commun déterminé dans le projet d'école. Un moyen, non une fin. Pour se lancer dans cette aventure, reprenons le fil des mots. Une belle occasion de revenir au sens étymologique de la lecture : lire, n'est-ce pas choisir, élire ? Une belle occasion de construire tout un champ de mots de la même famille qui s'associent de manière attendue, "fil, filandreux, ou filature", mais aussi de manière plus incongrue avec "filou, filage ou filetage." Mais de tous ces fils, que faire ? Là encore, recours au lexique : cette fois, les élèves font le point des verbes et des actions liés au fil. On peut couper, mais aussi tresser, enfiler ou étirer. Effilocher ou mailler. Bref, au fil de ces verbes, des images naissent. D'autant que les investigations lexicales se poursuivent en suivant des expressions imagées : "de fil en aiguille", ou "cousu de fil blanc". À ce moment, les lettres et expressions se font calligrammes sur le cahier, et l'objet de la collecte linguistique se visualise sous forme de pelote (voir annexe).

L'école se fait ateliers

Dans cette école, depuis quelques années, les élèves de l'école maternelle et de l'élémentaire se rencontrent quatre fois dans l'année pendant une demi-journée, sur un projet et des activités communes. Cette année, donc, l'activité est toute trouvée : les carrés de fil rouge qui vont se faire livres. Les élèves sont répartis en différents groupes où les plus grands aident les plus jeunes. Chaque atelier dure un peu plus de trente-cinq minutes et ils doivent participer à trois d'entre eux. Autant d'occasions d'expérimenter esprit de coopération et ouverture sur l'art, les maîtres mots du projet d'école. Puisqu'ils vont avoir à travailler avec les bobines de fil rouge qui leur ont été fournies, certains commencent par expérimenter le fil et le corps. Ils reprennent les expressions évoquées plus haut et tentent des mises en œuvre et mises en scène qui donnent lieu à des photographies. Apprentissage par corps, donc ! Autre étape du parcours, la découverte des livres-objets. Puisque les bibliothèques sont partenaires de ce projet, elles mettent à la disposition des écoles un choix d'ouvrages créés sous toutes les formes. Un autre atelier vise à prendre connaissance de la couleur rouge dans les œuvres d'art. Pour les aider, chaque classe a accès à un cédérom qui collecte nombre d'œuvres artistiques à travers le temps. C'est ainsi qu'ils vont pouvoir se familiariser avec les différentes valeurs du rouge. Rouge, symbole de puissance ou de sang. Rouge tache ou rouge révolte. Cet aspect se retrouvera développé dans les cahiers de nos élèves lorsque, suivant le cours normal de la classe, ils aborderont le XIXe siècle et la Révolution. À cette occasion, on retrouve dans leurs cahiers d'arts une étude du tableau de La Liberté guidant le peuple de Delacroix. Tableau où figure le rouge du drapeau républicain. D'autres ateliers, encore, portent sur une écriture poétique : les expressions font alors dessins, lignes et calligrammes.

Des références pour réaliser son carré

Place maintenant à l'imagination et à la création avec nos fameux carrés. Le cahier des charges stipule que chaque élève va réaliser son carré avec le fil rouge reçu. Mais, parce qu'ils savent que l'on ne crée pas à partir de rien, les enseignants ont le souci de nourrir l'imaginaire des élèves par une bibliothèque artistique de références. Une artothèque ! Pour faciliter cette acculturation, les conseillers arts visuels ont mis sur cédérom toute une série d'œuvres, de Picasso à Michel Jouet, de Mondrian à Soulages ou Braque. Aux élèves de savoir si, avec leur fil rouge, ils vont souligner un dessin, tisser, nouer, effilocher... On le voit, les verbes étudiés et présents dans le cahier sont à nouveau interrogés. C'est aussi dans cette classe l'occasion d'un travail spécifique sur la ligne. Les élèves travaillent sur la lecture approfondie d'un tableau de Paul Klee. En 1926, cet artiste a réalisé un dessin à la plume intitulé Jardin botanique, section des plantes à feuilles radiales. Les élèves observent et reproduisent les techniques. Les lignes parallèles aident-elles l'œil à construire le fond ? Ils se familiarisent avec les différentes formes non figuratives en même temps qu'ils apprennent à les nommer : arabesques, lignes brisées, courbes ou obliques ?... autant de lignes qui vont permettre de dessiner son projet de carré. Place à l'imagination et à la réalisation !

Mon carré, ton carré... une œuvre collective


Chaque élève prépare d'abord une ébauche de son projet. C'est grâce à cette phase qu'il déterminera le matériel nécessaire et la longueur de fil qui lui sera nécessaire. Certains s'inspirent des œuvres rencontrées, étudiées. D'autres reprendront une forme d'enluminure. Toujours est-il qu'il leur faut anticiper avant de véritablement entrer dans la réalisation. À ce moment, l'enseignante fait état de ses réflexions et surprises. Tout se passe en effet comme si les élèves de cette classe d'âge accordaient une grande place au figuratif, comme s'ils avaient besoin de se démarquer des plus jeunes, et l'abstraction souffre d'être assimilée à un travail de "petit" et cela malgré le travail d'acculturation entrepris. En effet, elle constate que bon nombre d'élèves dessinent d'abord un objet du réel et en soulignent les contours avec le fil rouge. Peut-être les enfants de la classe, à qui le projet global a été présenté, pensent-ils déjà que leur carré sera intégré dans un livre, et qui dit livre, à cet âge, dit histoire. C'est peut-être cela qui a motivé une réalisation figurative. Travaux plastiques, donc ! Une fois la réalisation terminée, tous les carrés, ceux de la classe et ceux de l'école, sont photographiés et collectés. Collectés d'abord dans le cahier d'arts de chaque élève sous forme de vignettes. Mais ils vont aussi donner lieu à une exposition, mise en scène grâce à la présence de Micheline Oger qui, en dehors de son emploi vie scolaire, est aussi artiste, dans la salle de la bibliothèque voisine. Une exposition ouverte tout un mercredi et un samedi aux regards des parents. Mais les carrés vont bientôt devenir œuvre collective, puisque désormais, chaque photo est intégrée en version numérique dans la mosaïque de huit mille carrés.

De fils en livres

Le travail continue en classe, toujours au fil des séances d'histoire, d'histoire littéraire, de vocabulaire et de lecture de textes. Les élèves parcourent le XIXe siècle et apprennent à distinguer les œuvres et la vision du monde des romantiques, réalistes ou autres impressionnistes et poètes symboliques. Autant de questions qui vont venir nourrir, à leur tour, la prochaine étape de leur travail : la réalisation de leur livre. Non seulement les élèves ont, lors des ateliers d'école, découvert des livres de tous genres à la bibliothèque, livre-accordéon, livre en volume... mais ils peuvent aussi y revenir en consultant un cédérom. Mais voilà ! Cela va être le moment de réaliser son livre-objet à partir du carré d'un autre. Ils font ainsi une expérience artistique, celle de l'interprétation. Ils se montrent souvent surpris de la réalisation : ils doivent accepter que "ce que l'artiste a voulu faire ou dire" reste une inconnue. Entrer dans une esthétique de la réception, c'est accepter de se laisser aller à exprimer ce que l'on voit, ce que l'on flaire.

Création !

À chacun maintenant de concevoir ce livre ! Là encore, on commence par une phase de projet et de prévision de matériel. C'est ainsi que les idées les plus folles naissent avant de laisser place à des réalisations possibles. Feuilletons-en quelques ébauches à ce moment où la classe a encore une apparence de "malle aux trésors." Éléanor voit dans "son" carré un soleil. Il lui vient alors l'idée de réaliser un livre-planétarium. Elle dessine alors un système solaire, imagine de récupérer des photos de chaque planète, et réalise enfin le croquis de l'objet qui sera son livre. Eh ! oui, la création artistique emprunte quelquefois le chemin de la connaissance scientifique ! Pour d'autres, le maillage du carré reçu évoque la fable de La Fontaine, Le lion et le rat. C'est donc cette idée qui va présider à la réalisation du livre. Pour d'autres, tout va commencer par la réécriture d'une histoire au sens littéraire du terme. L'œil perplexe, une élève décide que l'œuvre reçue a l'air d'un "jardin en bazar." Elle va donc imaginer l'histoire de ce désordre. Pour l'enseignante, le moment est alors à l'écoute, à l'échange. Elle accueille les propositions, les plus insolites parfois, règle les débats d'interprétation. Guider vers le possible sans brimer, telle est la gageure.

Une suite en forme de salons des livres des écoliers

Voilà donc où nous en sommes avant les congés de printemps de cette année. Il restera pour cette opération à restituer toutes ces œuvres achevées via les bibliothèques. Ce sera alors le lancement d'une série de "salons du livre de l'écolier."Mais l'aventure ne sera vraiment achevée que lorsque chacun recevra le livre fabriqué par un autre élève à partir de son propre carré de fils. Débats et expositions, encore ! Et si, comme le dit avec malice l'une de ces jeunes élèves : "C'est un peu bizarre, juste avec un fil, de faire une œuvre !" gageons pourtant que ce n'est pas encore la dernière page de ces cahiers des arts.
 
auteur(s) :

C. Riou

contributeur(s) :

G. Albert Legué, École élémentaire Pierre-Ménard, Saint-Martin-du-Fouilloux [49]

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