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la recherche et la place du corps à l'école

Dans un récent dossier de novembre 2018, Marie Gaussel, chargée d'étude et de recherche au service Veille et Analyse de l'Institut français de l'Éducation (IFE), s'intéresse à la question du corps à l'école. Dans sa synthèse elle rappelle que c'est une question “négligée” dans la littérature de recherche mais très importante comme le montre la conclusion de son étude : “questionner la place du corps à l'école, c'est par capillarité s'intéresser conjointement à la forme scolaire, au bien-être, à la réussite des élèves, à la construction de l'identité, à l'estime de soi, aux objets didactiques, aux représentations, à la santé et à la culture”. Elle souligne que “l'école souffre des conséquences du dualisme corps/esprit”. Elle achève son propos en s'appuyant sur ceux de l'anthropologue Marcel Mauss en 1936 : “le mouvement comme l'immobilité influencent l'apprentissage et les enseignements, […] le corps est le premier outil de l'homme”.

Voici quelques citations représentatives de cette étude sur le thème du corps à l'école pouvant apporter un éclairage à la problématique de la classe flexible :

Concepts et usages sociaux du corps “Il faut attendre les années 1970 pour que les sciences sociales se préoccupent véritablement du corps. L'opposition corps/esprit dans les recherches a été historiquement construite en occident en séparant la chair et le sexe d'un côté et l'âme et la conscience de l'autre”.

“Au contraire, selon les concepts portés par la sociologie des corps et la philosophie [...], il convient d'aborder l'être humain comme une entité totale”. (Cf. Mauss, 1936 ; Merlau-Ponty, 1945 ; Bourdieu, 1979)
La place ou la “non-place du corps” dans l'espace scolaire Selon l'étude réalisée par Pujade-Renaud, le corps de l'élève est “éduqué à la norme scolaire où seul l'intellect est valorisé”.

“La structuration de l'espace scolaire est […] emblématique d'un ordre institutionnel qui place d'un côté les adultes, se tenant debout, en surplomb, et face à tous et de l'autre des élèves en position assise, arrimés à un bureau”.

“L'élève peut parfois compenser son manque de mobilité corporelle par une mobilité fictive, en faisant usage de son regard panoptique”.

“De nombreux sens sont mobilisés dans la classe, pas seulement pour acquérir de nouvelles connaissances, mais aussi pour respecter les rituels scolaires et maintenir les pressions exercées sur le corps”.
Les questions de l'apprentissage du et sur le corps “Dans l'enseignement secondaire, le corps est un thème largement exploré dans les programmes de sciences. Les dimensions abordées rejoignent en général les apprentissages liés aux fonctions vitales”.

“Bien que cela soit obligatoire de la maternelle à l'université, l'éducation à la sexualité, inscrite dans les programmes scolaires, est peu mis en œuvre dans les établissements scolaires”.
Les mises en scène des corps dans les interactions et interrelations corporelles au sein de la classe “Les relations corporelles au sein du milieu scolaire se montrent complexes puisqu'elles concernent le corps de l'enseignant.e, le corps enseigné, le corps dans l'enseignement, le corps vécu et les mouvements du corps”.

“La peur de toucher relève d'une culture haptophobique dans laquelle seules les professions de la santé sont autorisées à toucher les individus. Le corps de l'élève est intouchable, virtuel”.

“Le corps doit être contenu afin d'évaluer les fonctions cognitives de l'élève, on lui demande de rester assis, de se concentrer, de faire silence”.

“La médiation par le corps a un impact certain sur la relation entre climat et réussite scolaire. […] Des concepts tels que les stratégies collaboratives, la coopération, la prise en compte des différences, la prise en compte de l'autre pour apprendre font que le corps peut être considéré comme moteur d'inférence dans cette relation”.

“L'espace de la classe est un espace de travail dont l'organisation impacte l’enseignement et les apprentissages. Son appropriation par l'enseignant et les élèves conditionne l'activité, facilitant ou au contraire limitant les interactions”.

“La proxémie ou proxémique se réfère aux distances subjectives que chaque individu maintient dans un contexte social et culture spécifique”.

“Typologie de Hall : distance intime, distance personnelle, distance sociale, distance publique”.

“Plus l'enseignant est proche de l'élève, plus l'élève concentre son attention, plus elles et ils sont motivés. La proximité a pour effet de capter l'attention de l'élève et de le motiver à réaliser la tâche”.

“Le placement des élèves tout comme le degré de facilité d'accès de l'enseignant aux espaces de la classe […] et ses déplacements ont une incidence sur la façon dont les tâches sont organisées et réalisées”.

“Des réflexions liées à l'espace-classe sont […] partagées au niveau européen avec le Future Classroom Lab (FCL), porté par le réseau European Schoolnet. […] Des ambassadeurs sont chargés de développer les espaces-classes de demain pour une meilleure prise en compte des corps, du mouvement et des interactions”.

Source

Gaussel Marie, Que fait le corps à l’école ?, Dossier de veille de l’IFÉ, n°126, novembre 2018, Lyon : ENS de Lyon.

Une autre chercheuse, Anne Dizerbo, a également travaillé sur le sujet du corps à l'école et elle fait part de ses conclusions dans un ouvrage publié en 2016 : “Être et avoir un corps à l’école, Enjeux biographiques du contrôle du corps dans l’institution scolaire”, 2016. En voici le résumé publié par le CAIRN :

“Le corps de l’élève, le plus souvent agi à la fois par la règle scolaire et par la pression d’une évaluation sociale, peine à être considéré comme lieu et élément solidaire des processus d’apprentissage. Sa disciplinarisation est lourde d’enjeux politiques et biographiques qu’il est intéressant de questionner dans leur histoire et leur actualité.
Dans les constants remaniements de sens et de valeurs qui caractérisent la société de la modernité avancée, le corps devient le lieu et le vecteur d’une revendication d’existence singulière. Celle-ci ne se décline pas à l’école sur le mode de l’être, le corps y étant en quelque sorte "soustrait" à l’élève qui ne peut en disposer à sa guise. L’institution scolaire, héritière des représentations du dualisme cartésien, s’approprie et discipline le corps, envisagé comme dissocié de l’esprit et contraint à se faire oublier :  on envoie d’abord les enfants à l’école, non pour qu’ils y apprennent quelque chose, mais pour qu’ils s’y accoutument à rester tranquillement assis et à observer ponctuellement ce qu’on leur ordonne, afin que dans la suite ils sachent tirer à l’instant bon parti de toutes les idées qui leur viendront”.

Source

Dizerbo, Anne, Être et avoir un corps à l’école : Enjeux biographiques du contrôle du corps dans l’institution scolaire, Dans : Christine Delory-Momberger éd., Éprouver le corps : Corps appris, corps apprenant (pp. 69-79). 2016 Toulouse, France.

Autres lectures possibles

• Cohen David, De l’importance du corps et de la posture des apprenants, 2018, Article de blog en ligne.
• Visioli Jérôme & Petiot Oriane, Les connaissances actuelles sur la communication corporelle des enseignants en situation de classe : quelle place accordée à la complexité au sein des recherches ? Carrefours de l’éducation, n°45, p. 223-244, 2018.
• Jarraud François, “L'architecture scolaire peut-elle changer la pédagogie ?” Article présentant les dernières recherches en matière d'architecture scolaire (concours Archi scola).
• Vigarello Georges, “Le corps redressé” Étude qui montre comment le corps a toujours été un lieu où s'exercent les pouvoirs politiques.

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