L'apprentissage du langage et celui de la vie collective selon le rythme quotidien qu'elle impose sont essentiels et intrinsèquement liés, en maternelle. La directrice de l'école constate que tous les moments de vie, hors de la classe, sont ceux où les enfants parlent le plus et le mieux, sans retenue et avec des interlocuteurs variés. Ils sont dans l'action, ils sont concernés par ce qui se passe. Les enfants ont par exemple des conflits qu'ils règlent entre eux : dans les rangs, quand ils se lavent les mains... Dans ces moments, le fonctionnement en multi-âges a un effet immédiat sur les petits. Stimulés par les plus grands qu'ils considèrent comme des modèles, ils prennent la parole plus souvent, plus facilement. L'hétérogénéité facilite aussi la socialisation et l'échange, puisque les plus petits, qui découvrent au début l'emploi du temps de la journée, imitent les grands et s'adaptent plus vite. Dans une classe homogène, l'acquisition des rituels de la journée est très longue. Avec cette nouvelle organisation, le travail de socialisation et de développement du langage a donc lieu à tous les moments de la journée, inattendus et spontanés, et deviennent aussi des moments d'observation précieux, pour les enseignantes. Cette année, un grand frère et sa petite sœur allophones ont été placés dans la même classe. Ils auraient pu se contenter de rester ensemble, de ne parler qu'entre eux. L'effet inverse s'est produit. Ils se sont sentis sécurisés et se sont ouverts aux autres. Dès le début du second trimestre, ils ont commencé à parler français. Si, dans la cour de récréation, les groupes d'âges ont tendance à se reformer, les jeux des grands n'étant pas ceux des petits, dans les couloirs, en revanche, au moment de l'entrée dans la salle de classe, les groupes hétérogènes sont recréés. On observe aussitôt l'entraide qu'ils favorisent. Les grands sont très fiers de donner des explications aux petits. À la sortie de la classe, ils sont toujours prêts à les aider à mettre leur manteau ou à les accompagner aux toilettes, par exemple. Dans ces classes multi-âges, les déplacements sont plus fréquents, car à certains moments de la journée, la répartition s'opère par groupes de niveaux. Ce rythme quotidien implique des rituels nouveaux : changer de salle et d'enseignante silencieusement pour les uns, rester avec le même professeur et commencer une activité différente pour les autres. Cela met un certain temps à se mettre en place en début d'année scolaire. "Une fois le rythme acquis, les déplacements se font calmement et l'ambiance dans toutes les classes est sereine", explique S. Harbach.
