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le musée imaginaire

mis à jour le 07/04/2011


echanger dossier 5

Le programme imposé de l'option théâtre peut être l'occasion d'une ouverture sur d'autres domaines artistiques. Ces lycéens de terminales ont pu ainsi effectuer des rapprochements entre des œuvres picturales, littéraires ou dramatiques, repérer les constantes d'un courant artistique tout en réalisant en 2010 un "tableau" dans l'esprit de l'époque.

mots clés : échanger, transdisciplinarité, courants artistiques, théâtre, peinture, vanités, carnet de bord


L'histoire des arts n'est pas obligatoire cette année en lycée, mais dès l'an prochain, les lycéens devront y consacrer vingt-quatre heures durant leurs trois années de scolarité. Si ce projet ne correspond pas exactement au programme officiel, il s'en rapproche par de nombreux aspects et peut donc ouvrir des pistes qui pourront être poursuivies l'an prochain.

L'Illusion comique et les vanités

Ce projet est tout simplement né d'un double regret de l'enseignante. Au cours du premier trimestre, les élèves ont lu et joué l'Illusion comique de Corneille, pièce au programme de l'option théâtre des terminales littéraires. À la fin de ce travail, l'enseignante a trouvé que les élèves n'avaient pas assez rêvé leurs personnages, ni suffisamment investi la matière poétique qui s'en dégage. Elle a surtout constaté qu'ils n'avaient pas eu le temps de s'inspirer assez concrètement de l'esthétique baroque du début du dix-septième siècle pour leur mise en scène. En effet, les liens entre la pièce de Corneille et les tableaux de vanités ou de natures mortes représentant le caractère éphémère de la vie sont très forts. Alcandre met en scène, sous forme théâtrale, les aventures de Clindor depuis qu'il a quitté la maison paternelle, et précise bien à Pridamant, son père, que ce qu'il va voir est représenté par des "spectres parlants", des "fantômes vains" ou encore des "ombres". On retrouve la présence du clair-obscur et la mélancolie qui habitent beaucoup de vanités et de natures mortes du XVIIesiècle. Les élèves pourraient donc montrer ce qui reste pour eux de ces fantômes vains qu'a vus Pridamant (lui-même en étant un pour le spectateur), les traces de leur passage sur scène. En ce qui concerne la "vanité", au double sens du terme ("vanité" au sens courant, mais aussi au sens latin de vanitas, vide), elle est brillamment incarnée par Matamore, dans la pièce. Mais elle est aussi présente de façon sous-jacente dans toute la pièce qui met en question la futilité et l'essentiel, le lien entre la quête du plaisir ou de l'argent (Clindor) et l'angoisse de la mort, du non-être.

Une mise en projet

Pour que les élèves puissent effectuer un retour sur leurs personnages, il leur a été proposé d'abord de rédiger un portrait chinois du personnage qu'ils avaient joué, puis de retrouver "le sillage de ce personnage" à la lumière d'une citation du metteur en scène italien Georgio Strehler (voir annexe). Puis l'enseignante leur a montré plusieurs tableaux de vanités et de natures mortes du XVIIe, avec une brève analyse de leur symbolisme 1, notamment la Nature morte à l'échiquier, de Lubin Baugin, la Nature morte aux instruments de musique, de Evaristo Baschenis, une nature morte de De Heem et, pour les vanités, la Madeleine Terff de De La Tour, ou l'autoportrait de David Bailly. Alors l'enseignante leur a passé la commande de réaliser un "tableau" en trois dimensions qui serait une "vanité" ou une "nature morte" de leur personnage, en s'inspirant soit des tableaux présentés en cours, soit de tableaux qu'ils auraient eux-mêmes découverts, et de leur réflexion préalable (portrait chinois et écriture à partir de la citation). La consigne était la suivante: "À partir de ces deux portraits, vous composerez une "nature morte" ou une "vanité" qui représente, selon vous, votre personnage et son parcours dans la pièce. Vous lui donnerez un titre. Vous serez attentifs aux choix des objets et des matières, à leur disposition les uns par rapport aux autres, aux couleurs, à la lumière. Vous choisirez un lieu dans la salle pour construire votre disposition, et un support qui la cadre. Vous vous transformerez ensuite en guide qui nous fera découvrir votre tableau et ses significations".

Le musée imaginaire

Chaque élève a donc réfléchi et recherché des éléments évocateurs du personnage pour composer sa "nature morte". Miroirs, éventails, étoffes brillantes rappelleront le désir vain de paraître. Une petite télévision sera même le symbole contemporain de la gloire éphémère. De la richesse de Géronte, il ne restera que quelques perles au fond d'un verre. La fugacité des sentiments amoureux se traduira par une rose fanée sur la robe d'Isabelle, ou un mouchoir mouillé. On ouvrira la valise de Primadant, le père qui a recherché son fils de ville en ville, pour y découvrir quelques feuilles mortes, des photos jaunies, une liste de noms griffonnés, un poème inachevé... De la vie éphémère du personnage de théâtre, il ne reste que le masque de comédia ou le costume, voire l'armure de Matamore, mais placée encore au centre de la scène ! Ainsi s'exprime une élève sur ce dernier : "Matamore est un personnage du paraître (miroir, éventail). Il pense qu'il est un guerrier redoutable (deux armes ridicules), un personnage romantique, mais dérisoire (lettre d'amour)" (Florine). Des recherches ont été menées sur la symbolique des couleurs et on retrouvera sans surprise un fossile en forme de crâne ou le dessin d'une tête de mort sur la blancheur immaculée d'une robe. Ces installations ont été disposées dans la salle de théâtre (voir annexe). Les élèves étaient dans le noir, chacun avait trouvé une source de lumière et composait son personnage de guide ; ils avaient même la possibilité de s'insérer dans leur tableau. Chaque composition devait se trouver dans un lieu de la salle qui serait un "lieu du monde" (ou lieu théâtral) correspondant au personnage. Ainsi Alcandre, le magicien metteur en scène, a-t-il été placé à la régie, en haut des gradins ; la valise de Primadant a été ouverte derrière les rideaux après un parcours dans le noir. Matamore a eu droit à un discours funèbre évoquant le souvenir de ce qu'on faisait au lycée grâce à... Jack Lang !

"Vanité des vanités, tout est vanité"

En parallèle de ces plaisantes activités, s'en mène une autre beaucoup plus aride, mais sur la même réalité : l'étude des Pensées de Pascal ! Même si Pascal décrie la peinture dans un des fragments des Pensées, il n'en est pas moins proche des peintures de "vanités" de son époque dans l'image qu'il présente de l'homme. Les liasses au programme dépeignent la misère de l'homme sans Dieu et sa grandeur possible, s'il accepte de trouver son salut dans la foi et dans ce qui lui reste de son état d'avant la Faute. Mais, avant d'aborder ce salut possible dans la foi, Pascal se livre à une peinture très noire de l'homme après le péché originel, notamment dans la liasse intitulée justement "Vanité". Pour amorcer cette étude, donc, il a été nécessaire de définir avec les élèves les différentes acceptions du mot "vanité" et surtout son sens étymologique et biblique : Du latin vanitas = "vide" : ce qui est vide, dépourvu de valeur, de sens ; futilité, insignifiance, fausseté, caractère éphémère et passager. Dans le domaine religieux, ce qui est "vain" s'oppose à ce qui est authentique, solide, éternel, vrai. Le thème de la vanité vient de la Bible, l'Ecclésiaste : "vanité des vanités, tout est vanité !" car mémento mori (souviens-toi que tu vas mourir). Les élèves abordent progressivement le texte, une lecture analytique en est effectuée en classe. L'étude synthétique, avec différentes problématiques, n'est faite qu'après avoir achevé la lecture et l'explication réalisées ensemble.

Littérature et peinture

Deux tableaux de "vanités" religieuses du seizième et XVIIe siècles ont été projetés en classe, Les Ambassadeurs, de David Holbein 2, et l'autoportrait de David Bailly 3. Les deux tableaux représentent des vanités dont parle Pascal dans les Pensées, la vanité des richesses, de la science, de l'amour... Le premier présente l'intérêt de contenir une anamorphose, la tête de mort n'est vue que si l'on choisit l'angle juste d'observation. Cela le relie au questionnement de Pascal, qui parle de la difficulté à trouver le "point fixe" ou le juste milieu pour juger du monde et de l'âme humaine. Pascal était un scientifique, et ses préoccupations ainsi que ses découvertes (sur le vide, par exemple) influençaient son questionnement moral et religieux. De plus, Holbein, comme Pascal, montre la vanité des sciences, et suggère, par la présence d'un crucifix caché derrière le rideau, que l'homme ne voit pas son salut, qui est en Dieu. Pour Bailly, la mise en abyme de la peinture dans le tableau était intéressante (Pascal parle de la "vanité de la peinture"), ainsi que le fait qu'il se représente jeune en train de se peindre vieux (thème du temps qui passe, aussi présent chez Pascal), même si Bailly semble plus positif que Pascal sur les pouvoirs de la peinture. Face à ces deux tableaux projetés, les élèves devaient d'abord trouver les éléments caractéristiques de la peinture de vanités en partant des définitions vues précédemment, puis repérer quelles vanités étaient dépeintes dans ces tableaux. Enfin, ils devaient faire le lien avec Pascal et indiquer les fragments du texte qui se retrouvaient dans les tableaux. Ce travail a permis une évaluation intermédiaire visant à synthétiser ce qu'ils avaient découvert.

Et l'Histoire des arts ?

Cette activité ainsi réalisée ne pourrait se prévaloir de correspondre tout à fait aux exigences du programme concernant l'histoire des arts en terminale. En effet, la période historique évoquée ici correspondrait plutôt à celle proposée en seconde. L'intervention du professeur d'histoire n'a donc pas pu être possible. Cependant, il s'agit bien d'un travail autour d'une thématique commune croisant les domaines du spectacle vivant, des arts visuels et du langage. Il a permis d'effectuer un rapprochement entre des œuvres diverses appartenant à un même courant esthétique. Les acquis correspondent à ceux exigés. Les élèves ont acquis une connaissance des œuvres, ont construit des repères artistiques et historiques. Ils maîtrisent des notions et un vocabulaire précis. Ils peuvent situer ces œuvres dans leur contexte artistique et culturel. Mais surtout, dans le cadre de cette pédagogie de projet, ils ont pu laisser libre cours à leur curiosité et exprimer leur créativité artistique ; ils ont fait preuve d'esprit d'initiative et d'autonomie. La compréhension des œuvres s'est faite à travers la réalisation d'une œuvre personnelle. De tout ce travail, il reste des traces, réflexions personnelles, réactions, appréciations, analyse des œuvres dans leur carnet de bord, sorte de "cahier personnel d'HDA" anticipé.

1. Sources : La peinture du baroque, Taschen, "époques et styles", par Andreas Prater et Herman Bauer, Munich, 1997 et Le musée des beaux-arts de Nantes, Fondation Paribas, ville de Nantes, sous la direction de HC Cousseau, Paris, 1991.
2. Hans Holbein Le jeune, Les ambassadeurs, 1533, National Gallery de Londres.
3. David Bailly, Vanité, Nature morte avec portrait d'un jeune peintre, 1651, Stedelijk Museum, Leyde, Pays-Bas.
 
auteur(s) :

M. Le Bihan

contributeur(s) :

J. Bahuaud, Lycée Douanier-Rousseau, Laval [53]

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