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mis à jour le 19/10/2011


echanger dossier 5

Un événement culturel, le dix-huitième festival du premier roman, sert de cadre à la mise en place expérimentale de l'enseignement de l'histoire des arts. À cette occasion, un groupe d'élèves de troisième va lire des romans mettant en scène les périodes étudiées en cours d'histoire, et rencontrer des auteurs contemporains dans le cadre d'une manifestation culturelle.

mots clés : histoire des arts, littérature, histoire, écrivain, guerre


Bien des projets déjà existants peuvent s'inscrire dans l'enseignement de l'histoire des arts. Au cours de cette première année d'expérimentation, le collège de Montsûrs a intégré dans l'histoire des arts un projet déjà impulsé à la fin de l'année précédente par la professeure documentaliste. En effet, il entrait tout à fait dans ces nouvelles exigences : un lien avec un partenaire culturel et un cadre interdisciplinaire.

Dix-huitième festival

Chaque année, depuis dix-huit ans, l'association lavalloise Lecture en Tête sélectionne une quinzaine de premiers romans qui vont passer dans les mains de centaines de lecteurs dans les bibliothèques, maisons de retraite ou maisons d'arrêt, librairies ou lycées... Échanger en a déjà, bien sûr, rendu compte par le passé (voir n° 34 "Autour du livre en classe", déc. 1997). Si les lycées sont en effet très nombreux à y participer chaque année, rares sont les collèges qui ont osé s'y inscrire. Sur les douze établissements scolaires participant cette année, il s'en trouve trois, dont le collège de Montsûrs. Dès le mois de juin, la documentaliste y avait inscrit son établissement et entraîné dans l'aventure deux collègues, professeurs de français en classe de troisième, qui ont participé aux réunions de l'association pour organiser la journée de rencontre avec les auteurs, ainsi que les ateliers d'écriture et de lecture. Il leur a fallu aussi lire les cinq romans parmi les douze, proposés plus particulièrement à la lecture des élèves, et choisir ceux qu'ils estimaient lisibles pour des collégiens de troisième. Deux ont été sélectionnés, en raison de la période historique qui y était traitée.

Une HDA ? Pourquoi pas !

Ainsi, lorsqu'à la rentrée, il a été question de mettre en place un enseignement de l'histoire des arts, on s'est appuyé sur cette initiative. C'est une équipe pédagogique qui se trouve engagée pour mettre en place une situation pédagogique transdisciplinaire : aux deux professeurs de français et à la documentaliste, s'est adjointe la professeure d'histoire-géographie. Ce travail se fait en lien avec un partenaire culturel, l'association "Lecture en Tête" de Laval, organisatrice du festival du premier roman. Le projet répond aux objectifs d'acquisition de connaissances et de compétences proposés : les élèves vont ainsi développer leur curiosité et se construire une culture personnelle tout en aiguisant leurs capacités d'analyse d'une œuvre d'art en participant à un événement culturel. Les deux romans choisis illustrent la période historique étudiée en troisième. Le premier, L'Homme barbelé, de Béatrice Fontanel (Grasset 2009), met en scène une narratrice qui essaie de reconstituer la vie d'un héros de la guerre de 14, Ferdinand, qui prolonge cette guerre sur le front d'Orient, puis participe à la campagne de Syrie jusqu'en 1919. Résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, il est arrêté par la gestapo et déporté au camp de Mauthausen où il meurt en 1945. Le second, L'Été chagrin, de Henri Husetowski (Buchet Chastel, 2009) se veut une sorte de journal tenu par un enfant "ancien Juif", David-Édouard, qui vit avec sa mère, madame veuve Duval, entre le 14 juillet et le 8 août 1942, période de la rafle du Vél'd'Hiv. Le projet entre bien dans l'un des domaines proposés: art du langage, littérature. Il correspond à un des thèmes, Créations, cultures. Et il traite de la période historique exigée, le XXe siècle.

Mise en œuvre

La documentaliste est passée dans les deux classes de troisième ; elle a présenté les deux romans, en a lu quelques passages, et surprise... au lieu d'une dizaine d'élèves espérée, ce sont vingt-quatre qui se sont portés volontaires, et pas seulement des bons lecteurs! Ils se sont engagés à lire au moins un des deux romans. Qu'est-ce qui les a décidés ? Les raisons sont très diverses : la liberté de s'inscrire, la possibilité de rencontrer les auteurs, le partage de la rencontre avec des lycéens, mais aussi les histoires qui les ont bien accrochés dès le début, l'époque des deux guerres mondiales... Les livres, une dizaine pour chaque titre, achetés par le collège, ont circulé de décembre à février. Tous ont lu L'Été chagrin, dont l'écriture se veut proche du langage d'un enfant, et la moitié d'entre eux L'Homme barbelé, plus difficile d'accès, mais aussi plus chargé de mystère. Les élèves se sont réunis deux fois avec leurs professeurs de français au CDI pour échanger sur leurs impressions de lecteurs, formuler toutes leurs questions, repérer celles qu'ils soumettront à leur professeur d'histoire, celles qu'ils poseront aux auteurs. Ils ont rédigé ensuite quelques traces écrites de leurs lectures.

Mise en cohérence des savoirs

Le professeur d'histoire a dû répondre à leurs interrogations concernant le personnage de Ferdinand, le héros de L'Homme barbelé, qui ne rentre pas dans ses foyers après l'armistice de novembre 1918, mais continue de faire la guerre dans les Balkans contre les Bulgares. Il y croise des marins qui se mutinent à Sébastopol... Cette campagne d'Orient est, en effet, un aspect de la Première Guerre mondiale qui est rarement traité en cours d'histoire. L'Été chagrin se situe en juillet et août 1942. Dans son journal, le héros, David, évoque la rafle des Juifs. Cette rafle a-t-elle existé ? Sensibilisés, tous les élèves ont regardé l'émission documentaire sur la rafle du Vel'd'Hiv à la télévision. France collaborationniste, mais aussi France résistante. La documentaliste en a profité pour emprunter à l'Onac (Office national des anciens combattants) une exposition sur Jean Moulin en une vingtaine de panneaux. Les élèves ont dû, à partir d'un questionnaire, constituer la biographie d'un grand résistant. L'histoire des arts et l'histoire des idées se conjuguent.

Le travail de l'écrivain

La rencontre avec les deux auteurs a été l'occasion de découvrir le travail de l'écrivain, et ainsi, de remettre en cause bien des idées reçues, les deux auteurs travaillant très différemment. Avec Béatrice Fontanel, les questions ont porté d'abord sur le contenu du roman, car le comportement ou les réactions des personnages avaient fortement surpris les lecteurs : Pourquoi Ferdinand est-il un monstre à la maison et un héros à la guerre ?, Comment peut-il dire à son propre fils, lors de l'enterrement de celui d'un camarade de guerre : J'aurais préféré aller à ton enterrement ?... Occasion d'échanger sur la complexité de l'être humain, car David, le héros de l'autre roman, intrigue aussi par sa méchanceté. Mais beaucoup de questions portent sur l'écriture et les choix formels de l'écrivain. Pourquoi cette construction en puzzle avec des retours en arrière ? Qui est le narrateur ou la narratrice ? Journaliste ou membre de la famille, puisque "vous dédicacez le livre à votre père..". Ils découvrent alors que Béatrice Fontanel a effectué un long travail de recherches en amont pendant près de dix ans, dont deux ans aux archives militaires, et qu'elle écrit dans les trains! Ainsi la narratrice, c'est elle, et Ferdinand est son grand-père ! Certains décident alors de relire le roman. À l'opposé, Henri Husetowski n'a pas effectué de recherches historiques, mais s'appuie sur ses souvenirs de cette période historique qu'il a vécue. Pourquoi avoir choisi la forme du journal ? Pourquoi avoir mis en scène un héros non positif ? Il a fait appel à son expérience professionnelle d'éducateur et à sa connaissance des préados en colère, livrés à eux-mêmes. C'est aussi l'ambiguïté, l'ambivalence du personnage, à la fois juif et catholique, qui l'a intéressé.

Le monde de l'édition

Tous les deux viennent de publier leur premier roman, puisqu'ils participent à ce festival. Mais Béatrice Fontanel appartient déjà au monde de l'édition, elle a écrit beaucoup d'ouvrages pour la jeunesse, dont de nombreux documentaires - ce qui donne un éclairage particulier à sa façon d'écrire son roman. Husetowki, par contre, a eu quelques difficultés à se faire publier. Quelle n'a pas été la surprise des élèves d'apprendre que son roman avait été envoyé à trente éditeurs qui tous l'avaient refusé ! Son prochain livre, pour autant, n'a pas été accepté, l'éditeur lui a demandé de le remanier, de le retravailler. Ils découvrent ainsi le monde de l'édition et la complexité de la relation entre auteur et éditeur. Ils se demandent alors qui choisit le titre, qui décide de la couverture. Le premier roman publié n'est pas forcément le premier roman écrit. Avant L'Été chagrin, l'auteur en a écrit deux autres, mais qu'il n'a pas jugés suffisamment réussis pour les présenter à un éditeur. L'écriture est plus laborieuse qu'on ne le pense, même pour un écrivain reconnu.

Un événement culturel

Les élèves ont eu l'impression d'être pris au sérieux, d'avoir vécu une aventure d'adultes. Les romans lus étaient ceux de la sélection officielle proposée à tous les lecteurs. Selon eux, quelques scènes un peu osées n'auraient pas pu se trouver dans des lectures scolaires ! Ils ont participé à un véritable événement culturel, un festival important, reconnu ; ils ont été impressionnés par le public, nombreux, présent dans une salle imposante! La prestation des lycéens les a marqués. En effet, ceux-ci avaient préparé une lecture publique de passages des cinq romans sélectionnés. Cinq groupes de lecteurs se tenaient derrière chaque auteur et lisaient ou récitaient des extraits de chaque roman. Les collégiens étaient attentifs et heureux de reconnaître les textes qu'ils avaient lus. Lors de la rencontre avec l'auteur, ils ont osé poser leurs questions au milieu de celles des lycéens, et une collégienne a même proposé à Béatrice Fontanel de lire un passage. Un petit regret, que le collège ne leur ait pas permis de rester aux ateliers de lecture et d'écriture l'après-midi. Maintenant, chacun se met au travail d'écriture. Option facultative, travail supplémentaire, et pourtant, des élèves heureux et fiers ! Chacun, discrètement, vient demander à la documentaliste une photocopie de la dédicace des auteurs pour la glisser dans son dossier !
 
auteur(s) :

M. Le Bihan

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