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les élèves parlent aux élèves

mis à jour le 03/11/2010


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Initié en 2006, un dispositif de tutorat, qui associe un élève de lycée et un collégien pour la durée de l'année scolaire, a été mis en place à Fontenay-le-Comte. Le principe est simple. Pour éviter les gros problèmes, et en premier lieu le redoublement, le mieux est de s'y attaquer le plus tôt possible, c'est-à-dire dès la sixième, pour le collège. On se comprend peut-être mieux entre pairs, et l'affaire profite à tous, petits et grands.

mots clés : soutien, accompagnement, diagnostic, remédiation


Nous sommes en tout début d'année scolaire. Cela se passe dans le réfectoire, il faut une grande salle. Ils sont une quarantaine d'élèves de sixième du collège Tiraqueau, à peine sortis de l'école primaire, qui attendent avec une certaine fébrilité. À l'extérieur du collège, un car vient de se garer. Il arrive du lycée agricole voisin, le lycée Bel-Air. Une quarantaine de lycéennes en descend. Elles entrent dans le réfectoire. Le moment est fort, se souvient le principal adjoint. Lycéennes et collégiens font connaissance, de petites tables ont été installées pour rendre plus conviviale cette discussion qui va engager une collaboration sur toute l'année scolaire. Les "couples" se forment : chaque élève de sixième va bientôt avoir "sa" tutrice. C'est parti ! Comment en est-on arrivé là? Notre enquête commence.

100000 étudiants pour 100000 élèves

C'est le nom d'un dispositif mis en place à la rentrée 2006 dans le cadre du plan de relance de l'éducation prioritaire. Et c'est lui qui a inspiré l'action menée dans la circonscription de Fontenay-le-Comte. Il s'agit à l'origine de mettre en place un accompagnement personnalisé entre les élèves des grandes écoles et des universités et des collégiens et lycéens relevant de l'éducation prioritaire. Tout en conservant le principe et les modalités de fonctionnement du dispositif, les responsables du collège Tiraqueau et du lycée agricole Bel-Air l'ont adapté à leurs publics respectifs et à leurs objectifs à court et moyen termes. C'est en ce sens que leur action entre pleinement dans notre problématique de l'alternative au redoublement. Le but est en effet d'accompagner, dès leur entrée au collège, les élèves les plus en difficulté, ceux qu'on pourrait d'emblée considérer comme de "potentiels redoublants". Pour éviter d'en arriver à cette mesure radicale, qui est loin d'être ici considérée comme une fatalité, il faut agir en amont, dans la durée, avec un accompagnement rigoureux des actions mises en place.

Un repérage précoce des difficultés

Remontons rapidement le fil du temps pour comprendre ce dispositif. La volonté de l'équipe éducative du collège Tiraqueau, collège en éducation prioritaire, était de proposer une aide aux élèves de sixième en difficulté, en plus des PPRE (programmes personnalisés de réussite éducative). Sa tâche a été facilitée par la mise en place, sur la circonscription primaire 1, de fiches de suivi de ces élèves particulièrement fragiles. Les professeurs des écoles fournissent sur ces fiches des informations sur les difficultés en mathématiques et en français, qui permettent un repérage rapide des enfants. Quinze à vingt fiches sont établies pour un ensemble de cent trente élèves, en moyenne, qui arrivent en sixième. Ces données sont ensuite croisées avec les résultats des évaluations sixième. L'ensemble permet une évaluation diagnostique précoce. Comment éviter le décochage de ces néocollégiens ? En leur donnant des points d'appui, en les accompagnant dans ce qui, pour certains, ressemble beaucoup à une course d'obstacles infranchissables.

Un esprit sain dans un corps sain

La coordination de l'action était assurée jusqu'à l'an dernier par une enseignante d'EPS, madame Floze. À la rentrée 2006, une équipe se met en place autour d'elle pour accompagner ces élèves. Il est capital, pour ne pas alourdir le poids des difficultés qu'ils rencontrent, que le dispositif ne leur apparaisse pas comme une punition supplémentaire. Tout le monde y met du sien. L'administration aménage leur emploi du temps et libère pour eux le mercredi matin. Pour joindre l'utile à l'agréable, des activités sportives leur sont proposées sur ce créneau horaire : danse, relaxation, piscine. La volonté est de prendre l'élève dans sa globalité. Un élève en difficulté est souvent un jeune individu en souffrance, et les difficultés s'expriment aussi dans sa relation au corps. Une enseignante du premier degré, madame Plaut, vient prêter main-forte à l'équipe d'encadrement. Outre l'organisation et le suivi de l'action, les adultes se chargent essentiellement de la remédiation didactique ponctuelle. Mais, pour l'essentiel, l'accompagnement est assuré par d'autres élèves. C'est ici qu'entrent en jeu les lycéennes du lycée Bel-Air. Elles sont six la première année, toutes préparent une formation de service aux personnes (BEP - brevet d'études professionnelles) et bac SMR (service en milieu rural) et sont volontaires. Le fait que le groupe ne comporte que des filles n'est évidemment pas un choix délibéré, mais il se trouve qu'il n'y a que des jeunes filles dans les sections concernées. Elles sont les tutrices de trois collégiens au maximum.

Un accompagnement humain et méthodologique

Leur rôle est autant d'ordre social et éducatif que scolaire. Mais là encore, il s'agit de ne pas faire mal en voulant bien faire. Ces jeunes ne sont pas des professionnelles de l'éducation. Certes, elles se destinent à l'accompagnement des autres, mais elles sont en formation. Elles sont donc elles-mêmes formées et accompagnées dans ce tutorat. Les objectifs qui sont les leurs sont explicités dans le contrat de tutorat signé par les différentes parties : il s'agit de favoriser l'écoute, d'établir une relation de confiance, d'inciter à la réflexion et l'analyse et d'apporter une aide méthodologique. En plus des apprentissages réalisés au lycée, qui trouvent ici une application pratique régulière, une formation initiale est assurée en début d'année. Les adultes sont toujours présents et accompagnent les tutrices en cas de besoin. Des fiches méthodologiques sont fournies aux lycéennes (voir l'annexe 1 et 2). Gageons que certains des conseils donnés sont aussi utiles aux tutrices qu'à leurs pupilles ! Elles viennent deux mercredis sur trois au collège, hors les périodes où elles effectuent des stages. Le bilan de cette première année est très positif, les liens qui se sont noués sur l'année ont été forts et productifs. Collégiens et lycéennes sont aussi satisfaits que les adultes de l'équipe.

2007-2008 : une ampleur et un ancrage nouveaux

L'une des manifestations de cette satisfaction tient en un chiffre. Elles étaient six la première année, elles sont dix-huit l'année suivante. Le lycée valorise cette action en l'incluant concrètement dans la formation des élèves sous la forme d'une option dont les points au-dessus de la moyenne sont pris en compte pour l'obtention de l'examen. Les tutrices rédigent un rapport qui donne lieu à une soutenance. L'ensemble est évalué et noté. Du côté du collège, on ne chôme pas non plus. Un nouvel aménagement du temps est mis en place. Chaque semaine, toutes les classes de sixième sont alignées la dernière heure du mardi pour une séance consacrée à l'aide et l'accompagnement. Tous les élèves sont concernés, ce qui ne marginalise pas ceux en difficulté. Dix-huit d'entre eux vont travailler avec leurs tutrices respectives, tandis que les autres sont pris en charge par petits groupes par les enseignants. La dotation horaire permet de faire intervenir huit professeurs pour cinq classes. C'est un lourd investissement en temps et en personnel. Le mercredi matin est conservé pour les autres activités, physiques en particulier. Un projet autour du slam, avec l'intervention d'un artiste slameur, permet de conjuguer le rythme, le corps et les mots. Une représentation de la création est donnée en fin d'année.

Une évaluation positive

L'évaluation de l'efficacité du dispositif est encourageante. La satisfaction des tuteurs comme des collégiens est unanime. Pour ce qui est des données chiffrées, elles ne constituent qu'un aspect de l'évaluation, qu'il convient de considérer avec mesure. En sixième, huit redoublements sont prononcés en fin d'année, mais certains concernent des élèves pour lesquels une fiche de suivi n'avait pas été établie, ils n'ont donc pas été intégrés au dispositif de tutorat. Sur les dix-sept élèves pour lesquels avait été établie une fiche, cinq redoublements ont été décidés. Qu'en conclure ? L'équipe reste mesurée quant aux conséquences à tirer de ces seules données chiffrées. Le dispositif permet sans doute de réduire le taux de redoublement, mais aussi de rétablir une relation plus sereine à l'école. Le nombre de candidats tuteurs est également un signe important. Six la première année, dix-huit l'année suivante, ils sont trente-neuf cette année. Le faible taux d'absentéisme des collégiens est aussi un indice positif. Tous éprouvent de sérieuses difficultés scolaires et pourtant, ils sont fidèles au poste lors des rencontres avec leurs tuteurs. Quand l'un des membres du binôme manque à l'appel, pour une raison ou une autre, l'autre membre est réellement déçu, note d'ailleurs le principal adjoint, monsieur Thomassin. Une chose est sûre : cette action est positive à bien des égards, que ce soit pour les lycéens tuteurs ou pour les collégiens accompagnés. Sur le plan de l'éducation à la citoyenneté, des relations humaines, de la capacité à s'entraider et à réfléchir ensemble sur le vécu scolaire, ce projet est incontestablement d'une grande richesse. C'est également vrai sur le plan de la relation à l'école. De là à dire qu'une telle action résout toutes les difficultés scolaires, il y a un pas que personne ici ne franchit.

2008-2009 : on continue !

À la rentrée 2008, ce sont donc trente-neuf lycéennes qui sont volontaires. Pour certaines, l'attrait des points supplémentaires pour l'examen ne rentre plus en ligne de compte puisqu'elles ont déjà obtenu le module en question. Des fonctions de coordination sont d'ailleurs confiées à certaines d'entre elles. La professeure d'EPS ayant obtenu sa mutation, ce sont le principal adjoint du collège et trois enseignants qui assurent la coordination du projet : deux enseignants pour le lycée, messieurs Floze et Piedebout, et le professeur de technologie, monsieur Imarachen, pour le collège. Le premier s'occupe de toute l'organisation tandis que les deux autres prennent en charge le suivi et l'accompagnement pédagogiques. L'un des axes développés en ce début d'année scolaire est la formation des tutrices. Elles sont reçues par l'équipe en début d'année pour un véritable mini-stage de formation au cours duquel un dossier complet leur est remis. Les premières séances sont encadrées par les quatre adultes, qui observent et peuvent apporter leur aide au besoin. Des mesures sont à l'étude pour accroître encore la valorisation de l'engagement des lycéennes, qui s'investissent considérablement dans le projet. Une attestation pourrait, par exemple, leur être délivrée à l'issue de l'année de tutorat pour faire valoir à qui de droit. Une réflexion est également en cours autour de la durée du tutorat. Pour certains élèves, il s'avère qu'une année scolaire est une durée trop longue : une aide sur un trimestre pourrait suffire. Plus de souplesse dans la gestion du temps serait bénéfique mais elle n'est pas simple à mettre en place.

Car rien n'est jamais simple

L'organisation d'une telle action est lourde. Les difficultés ne manquent pas. La restriction de la dotation horaire ne permet plus cette année de mettre des enseignants en surnombre, de manière à avoir des petits groupes pour les autres élèves de sixième. Certains membres de l'équipe éducative trouvent que cette action dévore trop de moyens au détriment d'autres projets. Le coût hebdomadaire du car pour le transport des lycéennes est intégralement pris en charge par le collège. Ce n'est pas rien. Le tutorat en lui-même doit être suivi de près par les adultes. Certaines tutrices manquent de maturité, elles ont parfois des lacunes disciplinaires qui peuvent être un frein. L'entraide fonctionne alors à tous les niveaux: entre pairs lycéennes comme entre tutrices et adultes. Quoi qu'il en soit, ce dispositif, grâce aux liens tissés entre les jeunes, est une belle réussite. D'abord parce que les objectifs et les moyens sont soigneusement explicités : il ne s'agit pas pour les tutrices de "faire à la place de" mais d'accompagner le collégien pour l'aider à faire seul, en lui donnant les outils pour y parvenir. Tout le monde profite de cette aide : l'accompagnant comme l'accompagné. Et l'entraide fonctionne à tous les niveaux: adultes, lycéens, collégiens. Prévenir et guérir, l'un ne va pas sans l'autre. Et c'est plus facile quand tout le monde y met du sien, à commencer par les élèves en difficulté eux-mêmes. L'école, cette institution que certains d'entre eux vivaient comme inhumaine et hostile, a finalement un visage bien différent...

1. Pour ce qui est du travail mené en primaire, on pourra consulter dans le numéro73 d'Échanger, "Les réussites paradoxales", l'article intitulé "Un climat propice aux apprentissages".
 
auteur(s) :

D. Grégoire

contributeur(s) :

F. Forgeau, C. Thomassin, Lycée agricole Bel-Air et Collège Tiraqueau, Fontenay-le-Comte [85]

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ressource(s) principale(s)

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