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les problèmes DUDU

mis à jour le 09/12/2014


echanger dossier 3

Aux collèges de Pornic et de Loué, deux frères, professeurs de mathématiques, soucieux de rendre la matière attractive à leurs élèves, de les réconcilier avec le domaine scientifique et de développer leur esprit critique, ont imaginé une manière originale de faire des mathématiques.

mots clés : échanger, quatrième, troisième, mathématiques, vidéo, remobiliser, tâche complexe


aire le constat que l'ennui à l'école contribue à l'échec scolaire est une chose, chercher des solutions pour y remédier en est une autre. Porteurs d'un projet de réconciliation de tous les élèves avec les mathématiques, Arnaud et Julien Durand professent dans deux établissements de 450 élèves, aux antipodes l'un de l'autre dans l'académie. Depuis six ans, l'un enseigne au collège Bellevue de Loué, l'autre, depuis trois ans, au collège Jean-Mounès de Pornic. Ils ont conçu et mis en place le dispositif des problèmes DUDU depuis le mois de mars 2013, qui s'adresse à des classes de quatrième et de troisième d'une vingtaine de collégiens : six problèmes en 2012-2013, cinq depuis le début de l'année scolaire 2013-2014 ont été soumis à la sagacité des élèves. Les collégiens ont, inscrites à l'emploi du temps, quatre heures de maths en troisième et trois heures et demie en quatrième. Les problèmes DUDU s'inscrivent dans les heures disciplinaires. Mais avant de présenter, de détailler et d'analyser le dispositif innovant mis en place, attardons-nous quelques instants sur les dispositions d'esprit et les expérimentations qui ont conduit les deux frères à faire évoluer leurs pratiques pédagogiques.

Une certaine idée du métier

Lutter contre l'ennui en classe, susciter l'intérêt des élèves, les remettre en confiance, sont un credo commun aux deux enseignants. A. et J. Durand sont depuis leur entrée dans l'Éducation nationale tournés vers l'innovation au service des élèves, dans le cadre de la discipline et au-delà de la discipline, à travers des démarches et des dispositifs modestes ou plus ambitieux. Ainsi, ils ont créé avec une troisième collègue une association qui s'occupe de gérer un site d'évaluation sans note, par compétences, scolatix.org, qu'Arnaud a conçu il y a sept ans et sur lequel il s'appuie pour évaluer sa classe de quatrième. À l'échelle de leur spécialité, les deux frères ont toujours eu le souci de mettre en œuvre des situations d'apprentissage propices à secouer la torpeur de leurs élèves. Arnaud par exemple pose une situation-problème : combien de balles de ping-pong dans un bus ? Aux élèves de chercher des informations sur la taille d'un car pour résoudre le problème. À la recherche d'idées nouvelles, A. Durand fait beaucoup de veille sur internet, et un jour, il est tombé sur le site d'un professeur de mathématiques américain, D. Meyer, qui remet en cause la manière traditionnelle d'aborder la matière. Une vidéo l'a interpellé : D. Meyer remplissait de liquide un réservoir octogonal pendant cinq secondes, et le film s'interrompait sans qu'aucune question ne soit posée. Il revenait aux étudiants de se poser la question attendue : combien de temps le réservoir va-t-il mettre pour se remplir ? Retenant l'outil de l'image animée comme élément déclencheur de la réflexion et la manière d'opérer de D. Meyer, Arnaud a alors créé sa première vidéo à l'intention des élèves : il s'agissait de les faire réagir aux images d'un personnage photocopiant un billet de banque, dont le format était réduit à trois reprises à 88 % de la taille d'origine. Sans libellé de sujet sur lequel s'appuyer, certains élèves ont calculé les dimensions du produit final, d'autres se sont intéressés au calcul des pourcentages. Les deux démarches étaient recevables. Toutefois, Arnaud a senti les limites de l'exercice. L'accroche était trop austère et la situation trop artificielle pour retenir l'attention de tous. De son côté, Julien a développé dans son collège de Pornic les missions mathématiques. Ce dispositif propose aux troisièmes de résoudre des problèmes concrets qu'un écureuil de film d'animation, Scrat, bien connu des collégiens, présente sur une affiche. La mission mathématique est toujours reliée d'une manière ou d'une autre au personnage fictif, comme par exemple réaliser un devis pour un travail de peinture avec la couleur préférée de l'écureuil. Les élèves, réunis en groupes, qui ont trois semaines pour rendre une affiche-réponse, apprécient l'accroche humoristique de l'exercice. De la combinaison de l'expérience filmique inspirée de D. Meyer et du dispositif des missions mathématiques, est née l'aventure des problèmes DUDU, dont la dimension ludique et le renvoi à la vie quotidienne constituent les moteurs.

Un format identifiable

Le problème DUDU (voir annexe) se présente sous la forme d'une très courte histoire filmée, sortie de l'imagination des frères Durand, dont le dénouement déclenche un problème mathématique. A. et J. Durand ont imaginé deux personnages égaux, aux traits physiques semblables, qu'ils incarnent à l'écran, porteurs tour à tour de l'erreur et de la vérité. La vidéo illustre toujours une situation concrète, une situation-problème qui renvoie à une question ou à une notion mathématique. Dans toutes les saynètes tournées, à l'exception de la première, les deux frères engagent une discussion et finissent par se chamailler parce qu'ils ont un désaccord. Aux élèves de déterminer lequel des frères a raison, lequel a tort, et de justifier leur réponse. L'architecture du scénario est immuable. Dans l'exemple d'un sketch sur un client abusé, le personnage d'Arnaud reçoit un mail de sa banque lui proposant de gagner 100 000 euros pour le versement d'un centime de frais de dossier ; le lendemain et les autres jours, 10 000 euros de plus pour une somme versée qui double chaque jour et ce, pendant un mois. Les deux personnages ne sont pas d'accord, l'un pensant gagner de l'argent au bout des 30 jours de versement, l'autre en perdre. Le libellé de la question, à la fin de la saynète, est également identique d'une vidéo à l'autre : Qu'en pensez-vous ? Les auteurs ne disent jamais de manière explicite ce qu'ils attendent. Aux élèves de formaliser le problème. Parfois, la résolution réclame des outils supplémentaires. Dans une vidéo, à partir de laquelle est étudiée la vitesse à l'aide d'un tableau de proportionnalité, les personnages tombent en panne de voiture en rase campagne et s'accrochent sur le temps qu'ils mettront pour rentrer à leur domicile à pied. Les élèves ne disposent pas de toutes les informations, de tous les paramètres, comme c'est souvent le cas dans la vie courante. Dans un premier temps, troublés par le manque d'informations, ils ont dû s'adapter, formuler des hypothèses, trouver des outils : à quelle vitesse marche-t-on ? Quelle distance reste-t-il à parcourir ? Le problème DUDU place les mathématiques au plus près du réel. A. et J. Durand créent leurs vidéos à l'aide d'un caméscope numérique, disposent d'un fond vert pour les effets spéciaux et utilisent un logiciel libre de montage sous Linux, Kdenlive. Ils tournent leurs saynètes pendant les vacances, ou le week-end lors de rassemblements de famille. La durée du court-métrage n'excède jamais deux minutes, quitte à accélérer les moments creux avec les outils du logiciel.

Une exploitation adaptée au niveau de la classe

Le tournage des notions à illustrer se fait en fonction des besoins de l'un ou de l'autre frère. Julien et Arnaud n'ont pas les mêmes progressions de classe. Julien avait prévu de traiter le théorème de Thalès. Un film a donc été réalisé, qu'Arnaud utilisera plus tard dans l'année avec ses quatrièmes. En mathématiques, des notions comme le théorème de Thalès ou de Pythagore, le calcul des pourcentages sont utilisées en quatrième et en troisième. L'acquisition des compétences mathématiques présente une structure pyramidale et s'organise selon une programmation et une progression spiralaires, avec des notions qui se complexifient. Les problèmes seront résolus plus facilement par les troisièmes qui ont à leur disposition des outils que les quatrièmes n'ont pas. En mathématiques, plus on va vers la sortie du collège, plus les outils sont efficaces pour résoudre les problèmes posés. Ainsi, la proportionnalité est un fil rouge depuis la sixième, qui peut être abordé quatre ou cinq fois dans l'année, en troisième, dans des séquences différentes ; on va y faire appel pour l'associer à d'autres notions. Une vidéo aborde la question des pourcentages à partir d'une erreur d'un expert du journal télévisé. Les quatrièmes ont les moyens de s'emparer du problème et de le résoudre : ils s'en sont sortis grâce à un tableau de proportionnalité, mais de manière fastidieuse, toutefois ; les élèves de troisième qui ont dans leur manche l'outil des fonctions linéaires peuvent répondre plus facilement. Les frères Durand attendent que les élèves s'appuient sur leur niveau de compétences. Et la différence entre les élèves de quatrième et ceux de troisième se situe dans la capacité à approfondir la réflexion. Dans la saynète de la proposition d'enrichissement de la banque, les plus jeunes se sont contentés de constater, à la lumière des résultats de leurs calculs, qu'il s'agissait d'une escroquerie bancaire ; les plus âgés des collégiens sont allés de leur propre chef au-delà de la résolution du problème. Les troisièmes ont eu envie de savoir combien de temps le personnage de monsieur Durand mettrait pour rembourser la banque, comment il allait s'en sortir. Ils sont partis du postulat que la victime gagnait le SMIC et après être allés rechercher sur internet à quelle somme d'argent correspondait le salaire minimum, certains ont réagi : il faut garder de quoi vivre ! Les élèves ont compris que le personnage n'aurait pas assez d'une vie pour rembourser ses dettes. L'exercice mathématique, en lien avec la réalité, développe l'esprit critique des élèves. C'est d'autant plus nécessaire qu'on pourrait être persuadé que la télévision dit toujours la vérité. Dans la vidéo sur le calcul des pourcentages, certains ne concevaient pas que l'expert d'un journal télévisé puisse se tromper. De la même façon que pour l'exemple précédent, les troisièmes sont allés plus loin que les quatrièmes : les premiers ont cherché et trouvé le bon résultat alors que les seconds se sont limités à constater l'erreur.

Comme un moment de respiration

Le problème DUDU qui est défini par A. Durand comme un moment de respiration n'a pas de place fixe dans la progression annuelle. Créer un moment fort dont les élèves se souviennent, telle est l'ambition du dispositif mis en place par les frères Durand. Placé en position de lancement ou de clôture d'une séquence, le problème DUDU fait office de séance d'accroche ou d'évaluation sommative ; déconnecté de la séquence en cours, il sert à réactualiser les connaissances ou à les faire acquérir pour des besoins proches ou plus lointains : ainsi, pour le cumul de pourcentages, un simple rappel de la vidéo suffit pour que les élèves rectifient une erreur de calcul. A. Durand justifie cette souplesse de positionnement du dispositif par une manière de procéder personnelle et par l'imbrication des notions mathématiques. Pour favoriser le processus de mémorisation, l'enseignant débute chaque cours par une activité mentale sous la forme de cinq questions simples posées aux élèves qui, balayant l'ensemble du programme, ont pour but de réactualiser les connaissances ou de préparer ce qui sera étudié plus tard. Les élèves ne sont donc pas surpris par la place mouvante du dispositif. Le problème est posé et travaillé sur le temps scolaire, mais la plupart des élèves consacrent du temps à sa résolution en dehors de la classe, en particulier pour la réalisation d'affiches ou de maquettes, correspondant à la phase d'évaluation. Le travail sur les mathématiques à partir des vidéos représente à peu près le quart de la totalité des heures de cours. C'est un travail d'équipe qui est demandé. Au début, des groupes de trois à quatre élèves ont été définis par le professeur. Des questions d'affinités ont nécessité une révision de la constitution des groupes qui aujourd'hui sont formés de deux à cinq membres. "L'essentiel est qu'ils travaillent et qu'ils progressent", proclame A. Durand.

Deux séances pour résoudre le problème...

Des séances d'une heure, à une semaine d'intervalle chaque fois, sont nécessaires au traitement d'un problème DUDU : la vidéo est vue une première fois par les élèves. Parfois des questions sont posées, des éclaircissements sont nécessaires, puis l'activité est lancée. Commence alors le travail de résolution du problème. La vidéo tourne en boucle pendant l'heure, volume sonore réduit. A. Durand autorise la circulation entre les groupes pour que ceux qui sont dans une impasse se relancent. La seconde séance poursuit le travail engagé. Entre-temps, certains élèves ont continué chez eux à réfléchir à la question posée, d'autres ont sollicité le professeur après les cours pour qu'il porte un regard sur leurs propositions de résolution. Lors de la deuxième séance, l'enseignant peut proposer des pistes, rappeler des outils pour rationaliser un travail empirique des élèves : dans la vidéo sur une proposition de placement d'argent à la banque, l'enseignant demande aux élèves de se souvenir de l'usage du tableur pour supprimer des erreurs d'un calcul fait à la main ou à la calculatrice. L'outil informatique amène un gain de rapidité et de fiabilité, mais le professeur ne remet les élèves sur les rails qu'après qu'ils ont emprunté des chemins de traverse. La prise de conscience de l'intérêt du tableur n'en est que plus efficace et mémorable. L'exercice appartient toujours au programme ; l'an dernier, au diplôme national du brevet, une question de l'épreuve était basée sur une formule de calcul d'un tableur. La seconde séance permet d'approfondir la réflexion et prépare également la troisième séance avec le début de la rédaction de la réponse qui prendra le plus souvent la forme d'une affiche.
 

... Et une séance pour le mettre en forme

Le travail sur les problèmes DUDU, quel que soit le positionnement de l'exercice dans la progression, est noté. C'est le groupe qui est évalué, ce qui responsabilise chaque membre et crée une émulation pour que le meilleur résultat possible soit obtenu. C'est en tout cas le cadre de fonctionnement de la plupart des groupes. La socialisation de l'individu à travers le travail en équipe est aussi une compétence du socle commun à faire acquérir. Le professeur attend une réponse qui "claque", une réponse "artistique". La justesse de la réponse, la capacité à rendre compte d'une part, et la qualité esthétique du produit d'autre part sont évaluées à parts égales. A. Durand ne veut pas d'un devoir classique, avec une description détaillée du raisonnement. Il attend une mise en forme esthétique de la réponse. Pour autant, la démarche pour obtenir le résultat doit être compréhensible. Aux groupes de faire des choix pour rendre leur réponse synthétique intelligible, pour que la démarche pour arriver au résultat soit comprise du lecteur. La troisième séance est donc consacrée au début ou à la poursuite du travail sur la mise en forme de la réponse. La proposition se fait en principe sur une feuille de format A4. Certains élèves, enfermés dans un espace de création trop étroit, passent à la feuille A3 ou réalisent des maquettes, avec un souci esthétique : sur un problème de contenance, un groupe avait l'an dernier rempli une bouteille d'un liquide opaque et sollicité la mère de l'un des membres pour graver sur le verre l'explication et la réponse. Des élèves ont même prévu, sur le problème en cours de traitement, de réaliser une vidéo pour présenter le résultat de leurs recherches. La plupart du temps, les collégiens emportent en salle de permanence ou chez eux l'affiche pour finaliser le travail. La présentation des résultats se fait devant la classe, et les groupes jugent la qualité esthétique de la production de leurs pairs et portent un regard critique sur l'exposé de la démarche de résolution du problème. L'avis des jeunes est sollicité. Le document est affiché, à la vue de tous, dans les couloirs du collège. Par sa dimension sociale, cette exposition participe à la motivation des élèves, qui n'hésitent pas à consacrer du temps à sa réalisation. Ils adhèrent à la démarche du professeur et à sa volonté de rendre belles les mathématiques.

Des collègues qui s'emparent du dispositif

Les professeurs de mathématiques de Loué se sont approprié le dispositif des frères Durand ou sont en passe de le faire. Ainsi, C. Peuvrel a compris quelle valeur ajoutée apporteraient à son enseignement les problèmes DUDU et, depuis la rentrée 2013, elle propose à ses élèves de troisième les vidéos conçues par Arnaud et Julien. Le visionnage se fait en classe, le problème mathématique soulevé est discuté et posé dans la foulée, et les élèves le résolvent individuellement chez eux. Les réponses, dont la présentation est libre, sont évaluées sans être notées. Ce qui a intéressé au premier chef C. Peuvrel, c'est que les élèves, en se frottant aux problèmes DUDU, accomplissent une tâche complexe : les collégiens doivent faire preuve d'autonomie et prendre des initiatives, comme obtenir des informations complémentaires, choisir des outils pour résoudre le problème, mettre en lien une situation concrète et des notions mathématiques sans être guidés. L'enseignante a réfléchi aux ressorts de la motivation des élèves lorsqu'ils travaillent sur les problèmes des frères Durand : "D'abord, parce qu'ils sont confrontés à une situation-problème concrète qui leur parle, qui souvent les intrigue, parce que la prise d'informations est différente de celle d'un exercice sur feuille, ils n'ont pas l'impression de faire des mathématiques, mais de s'amuser en cherchant. Mais surtout, dans ces vidéos, les adultes acceptent d'être faillibles, d'être remis en cause par le truchement du raisonnement mathématique. Les élèves ressentent alors le besoin de trancher entre les deux frères et de convaincre, donc ils aboutissent à une argumentation, non pas parce que le professeur l'exige, mais pour faire changer d'avis celui des deux frères qui se trompe. Et ils vont au bout de leur démarche, car ils veulent pouvoir conclure et traiter d'égal à égal avec l'adulte. Cet exercice leur permet d'exercer leur esprit critique". Et elle ajoute : "L'impact sur les élèves et leur mémoire est fort, surtout lorsque la situation a fait débat. La résolution des problèmes traités dans ces situations offre aux troisièmes des outils pour faire face à un nouvel énoncé, permet de construire de nouvelles notions. Aujourd'hui, les problèmes DUDU sont une référence commune pour les élèves d'un même niveau au collège Bellevue". Autre enseignante de mathématiques de l'établissement, N. Bricard construit, pour sa classe de quatrième, des séquences et des évaluations communes avec les classes d'A. Durand ; du dispositif, elle en a retenu toutes les étapes.

Au cœur d'une classe de quatrième, un jour de problème Dudu

N. Bricard a cours ce jeudi-là de 13 h à 14 h Comme toutes les trois semaines, les élèves de quatrième savent qu'ils vont avoir à résoudre un problème DUDU. Les collégiens ont l'habitude, ils sortent un stylo et un cahier ou une feuille. C'est la dernière production des frères Durand qui est vidéo-projetée à deux reprises. Le contexte de Noël et des fêtes est l'occasion d'exposer un nouveau problème mathématique, dans un emballage humoristique : Arnaud et Julien ont fait un paquet cadeau d'un cadeau dont on ignore la nature. Il ne manque plus qu'à entourer le colis d'un ruban. Une chamaillerie éclate entre les deux frères à propos de la longueur du ruban à utiliser : pour l'un, un mètre suffit, pour l'autre, ce sera insuffisant. Arnaud claque la porte. La question rituelle clôt le film : "Qu'en pensez-vous ?". Pendant la diffusion, la plupart des élèves relèvent les indications qui leur sont données : longueur, largeur et hauteur de la boîte. Aussitôt la projection terminée, c'est l'effervescence : les groupes se forment sans tarder, en fonction des affinités ; des groupes de trois ou quatre personnes. Les discussions s'engagent, des contradictions apparaissent. Certains groupes ont besoin d'explications supplémentaires, d'autres sont autonomes. N. Bricard se met en retrait. Elle n'intervient qu'à la demande des groupes, tantôt pour une aide ponctuelle, tantôt pour relancer la vidéo. Pour résoudre l'énigme, les élèves ont besoin de l'outil du théorème de Pythagore sur lequel ils sont en train de travailler dans la séquence de cours. C'est à eux d'y penser. La vidéo ne suggère rien. La résolution du problème n'est pas tout, il ne s'agit pas d'un exercice d'application, il faut aussi mobiliser les connaissances appropriées : on sollicite bien la prise d'initiative chez les élèves, l'une des caractéristiques d'une tâche complexe. Les élèves ne pensent pas tout de suite au théorème mathématique. Ils ont besoin de visualiser l'objet. Une maquette à échelle réduite est créée, un trait figurant le ruban. Mis à plat, les différents éléments sont ensuite assemblés en solide pour que le paquet retrouve sa forme originale. La reconstruction de l'objet, le passage par le concret constituent un déclic : le théorème de Pythagore est bien l'outil dont on aura besoin pour donner raison à Arnaud. Toutefois, les résultats divergent : Capucine, Claire, Audrey et Chloé pensent qu'il faut 1,17 mètre de ruban. Adrien, Camilo, Axel et Basile, 1,20 mètre. Qui a raison et qui a tort ? Le suspense durera jusqu'à la remise de la production finale.

Poursuite du projet et point de vue des élèves

Si tous ne sont pas d'accord sur le résultat, la grande majorité des élèves s'accorde pour dire du bien des problèmes DUDU : "C'est marrant, c'est mieux que de faire des exercices, on apprend en s'amusant et ça peut aider, dans la vie. Et on apprécie de travailler en groupes". Le point de vue des garçons n'est pas différent de celui des filles : "La solution est trouvée par nous quatre et non pas par la prof qui explique. On fait appel à elle simplement si on en a besoin". Pas de divergence, donc, d'appréciation du dispositif entre les adultes et les adolescents. L'heure n'est pas achevée que les groupes qui pensent avoir trouvé la solution sont déjà passés à la phase de création. Pour le groupe des filles, l'idée est de récupérer une boîte aux dimensions de celle du film, de l'entourer de papier cadeau et d'un ruban, et de donner le résultat et la démarche sur le dessus de la boîte. Les garçons qui ont adopté la méthode de la division du travail ont prévu une lettre au père Noël, et c'est Basile, en difficulté en mathématiques, mais plus à l'aise en arts plastiques que ses camarades, qui se chargera de la mise en forme.

Un bilan après deux trimestres d'expérimentation

Toutes les vidéos ne satisfont pas de la même façon les Durand. Pour l'une portant sur le calcul de surface, la question posée sur l'incidence de l'orientation d'une feuille pour mesurer les besoins de couverture d'un monument a moins bien fonctionné. L'explication en est simple : la saynète était moins bien connectée au réel, à une situation concrète. Les deux enseignants tiennent compte de la réception de leur film pour procéder à des ajustements sur les suivants. Toutes les autres vidéos ont très bien fonctionné. Pourtant, Arnaud et Julien ont craint, lorsqu'ils ont créé leurs personnages, de perdre en crédibilité en se mettant en scène à la manière des duos de cinéma comique. C'est le contraire qui se produit. Les élèves, respectueux d'enseignants qui se mettent en quatre pour les faire progresser, sont motivés au point qu'un parent s'est plaint auprès de J. Durand de devoir accompagner sa fille chez des camarades le mercredi après-midi pour qu'elle travaille sur un problème DUDU. Mais ne rêvons pas ! Certains élèves n'ont pas transformé leur rejet des maths en passion, en travaillant la matière avec les problèmes DUDU, mais par le biais de la vidéo, l'intérêt à résoudre la question est toutefois manifeste. Les effets sont positifs. Certes, l'implication de la classe hors problème DUDU, si elle est toujours mesurable, retombe quelque peu lorsque la leçon se fait plus traditionnelle, mais des notions à travers les vidéos ont été comprises et apprises par des élèves qui n'ont ni l'habitude ni le goût du travail personnel. Certains réussissent des exercices par le souvenir des problèmes abordés dans les films. Lors de la première séance, tous les élèves sans exception travaillent et se mettent en posture de recherche. La dimension ludique de l'exercice, la situation concrète les mettent en appétit. La souplesse du dispositif convient également à des collégiens en crise d'adolescence, qui refusent d'entrer dans un moule. Globalement, avec l'introduction des vidéos comme outil pédagogique, l'atmosphère est plus sereine en classe et la relation aux élèves s'est largement améliorée. Au début, certes, les élèves ont été surpris, et même de très bons élèves, habitués à résoudre des problèmes posés de manière classique avec un libellé de sujet et tous les éléments mis à leur disposition, ont été déstabilisés, incapables de capter des informations sur une vidéo. Mais le côté décalé, humoristique des situations emporte l'adhésion d'une très large majorité, permet d'entrer dans des problèmes abstraits pour ceux qu'une approche traditionnelle aurait rebutés, comme le calcul des surfaces, par exemple. Affirmer que les élèves en difficulté ont eu, en l'espace de deux trimestres, une progression spectaculaire serait présomptueux. Par contre, ils ont pris confiance en eux, étape et attitude nécessaires pour espérer progresser, et leur travail a commencé à porter ses fruits. Ce que visent les auteurs et les utilisateurs des vidéos, c'est que la bonne humeur qui se dégage des séances favorise les apprentissages et développe l'autonomie.

L'innovation, c'est contagieux !

Les vidéos sont mises en ligne volontairement sans mode d'emploi sur un site, mathix.org, et sont à la disposition de qui veut s'en emparer. Le site, qui est aussi accessible par un agrégateur de blogs, planet-educalibre.org, reçoit 450 visites par jour. Preuve du succès et de l'efficacité des problèmes DUDU, des enseignants d'autres académies consultent le site et utilisent les films : l'un d'entre eux en a fait le fil rouge de ses séquences. En classe de quatrième, à Loué, un élève interroge N. Bricard : "Les problèmes DUDU, c'est dans toute la France ?". Le dispositif imaginé par les frères Durand a donné naissance à un autre dispositif filmique, Mathaloué, qui s'inspire de la démarche du modèle original. Toute l'équipe disciplinaire de Loué, cette fois, est mobilisée pour la réalisation et la réussite de ce projet qui s'adresse tout particulièrement au public des cinquièmes. Le collège de Pornic n'est pas en reste : le dispositif des missions mathématiques a évolué de l'image fixe vers la vidéo. Les démarches innovantes, mobilisatrices, ne sont pas prêtes de s'interrompre dans les deux collèges, à la grande satisfaction des chefs d'établissement et bien sûr des élèves. Le mot de la conclusion revient à C. Peuvrel : "Depuis qu'on travaille dans cet état d'esprit, on ne perd plus d'élèves !".
 
auteur(s) :

J. Jauze

contributeur(s) :

A. Durand, N. Bricard, C. Peuvrel, J. Durand, Collège Bellevue, Loué [72]

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