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mixité des publics en lycée professionnel : réticences initiales et bénéfices

Il subsiste une petite différence entre les pratiques en organisation professionnelle (entreprises, associations, structures administratives…) et celles qui peuvent se faire dans un établissement de formation. Elle est principalement liée à la contextualisation de l’activité : dans le premier cas dans un véritable environnement professionnel, et pour le second dans un environnement autre qu’est le lycée ou le CFA ; cet écart est un peu plus prononcé pour les enseignements généraux. Or, comme pour toute nouveauté, le projet de mixer les groupes a rencontré quelques freins notamment du fait de ce décalage milieu professionnel/lycée, mais les trois enseignants soulignent que les nombreux bénéfices ont gommé les inquiétudes initiales.

Quelques réticences
Au niveau national, l’idée du mixage a fait réagir à ses débuts : les enseignants opposés à ce projet ont pu mettre en avant certains arguments organisationnels, humains, économiques : ce mélange d’apprenants très différents dans un même parcours de formation pourrait complexifier la logique de parcours, créer des contraintes administratives, mettre en avant que lycée et entreprise n’ont pas la même culture, entraîner des changements d’effectifs en cours d’année, dégrader la qualité de la formation scolaire, perturber les parents, occasionner des décalages entre élèves, constituer une surcharge de travail pour les élèves qui ont une double activité, montrer une vision trop économique de la formation.
Les trois enseignants rencontrés pour cet article aboutissent à une toute autre conclusion : “Il est vrai que cela crée une surcharge de travail pour l’apprenti, et une surcharge de travail pour les enseignants, mais tout n’est pas aussi négatif.”

Bénéfices pour les établissements

Sur le plan institutionnel, initialement il s’agit surtout de réaffirmer le rôle et l’entité de “Lycées des métiers”, comme c’est le cas pour le LP de Mayenne, présentant une offre diversifiée, avec des filières pérennisées et des groupes d’élèves étoffés et variés, tout en oeuvrant pour améliorer les relations avec le monde économique et professionnel.

Bénéfices pour les élèves
Pour tous les apprenants : la mixité permet une meilleure personnalisation des parcours. En effet, leurs enseignants sont davantage engagés dans la prise en compte du profil, du niveau d’aptitude, de l’expérience, du parcours et des objectifs de formation de chacun. Les trois enseignants de Mayenne reconnaissent que : “l’apprenant développera davantage au lycée des capacités de compréhension et d’analyse pour tout type de situation. En revanche ses capacités d’exécution seront nettement plus rapides que celles d’un élève sous statut scolaire.”

Pour les lycéens : la mixité permet aux apprentis et aux stagiaires de la formation continue de devenir progressivement des personnes ressources pour les scolaires, ce qui est valorisant. Les lycéens bénéficient en effet de leurs retours d’expériences ; c’est pour eux un complément de formation, et donc une plus-value aux contenus proposés par les enseignants. De même, les échanges avec les stagiaires de la formation continue présentent aussi l’intérêt non négligeable d’être transgénérationnels du fait d’une différence d’âge avec les lycéens, même si parfois cette différence peut parfois s’avérer problématique : “Ce qui est compliqué à gérer, c’est la différence d’âge et de mentalité” avouent Émilie et Géraldine (élèves de terminale, Bac Pro, GA). Enfin, et Yohann Suhard de le confirmer, la mixité favorise une prise de conscience : “les scolaires découvrent que le rythme en milieu professionnel n’est pas identique au rythme scolaire. Les apprentis se rendent vite compte du rythme de travail imposé.”

Pour les apprentis et les stagiaires de la formation continue : la mixité est gratifiante pour eux, notamment parce qu’ils peuvent évoquer en classe leur vécu d’entreprise et, de fait, partager les apports et la richesse de leur expérience professionnelle. La mixité leur offre ainsi de vraies possibilités d’insertion et de reconnaissance ; elle permet également de sécuriser les parcours, en facilitant le passage d’un statut à l’autre, sans avoir à changer d’établissement.
De même, la mixité amène inévitablement les apprentis à apprendre à s’organiser, à gérer seuls leur emploi du temps et notamment à trouver du temps pour réaliser les travaux proposés en distanciel par le lycée.

Bénéfices pour les enseignants
Les trois enseignants interrogés confirment que la mixité incite à revoir les méthodes pédagogiques : Franck Cléraux et Yohann Suhard, par exemple, reconnaissent que cette organisation invite à “une remise en question sur [leur] pédagogie ; c’est une réflexion permanente sur notre façon d’enseigner (prise en compte des parcours, des statuts, mise en place d’une pédagogie différenciée, etc.)”. Mais ce questionnement est plutôt salutaire, car il bouscule les habitudes et apporte quelques motifs de satisfaction :

Pour les enseignants Vis-à-vis des élèves
Travailler davantage en équipe
S’interroger sur les postures pédagogiques 
Faire évoluer ses propres pratiques
Nécessité de s’adapter et donc de questionner des pratiques, pour qu’elles ne soient pas routinières 
Pouvoir prendre appui sur la restitution du vécu en milieu professionnel.
Porter un autre regard sur les élèves
Pouvoir différencier davantage et ainsi mieux manager et gérer le parcours de chacun
Comprendre et prendre en compte les difficultés de chacun
Créer du lien entre apprenants de statuts et parcours différents

Yohann Suhard et Franck Cléraux constatent également des effets sur le climat de classe : la mixité semble avoir la vertu “d’apaiser une classe (lorsque les apprentis ont de la maturité)”, et “de recréer un dynamisme de travail”, ce qui est confirmé par certains élèves. Effectivement, élèves et enseignants s’accordent pour constater que dans ces classes mixées s’est développée une certaine cohésion entre les scolaires et les apprentis : “s’il y a très peu de problèmes relationnels entre eux, c’est peut-être dû en partie à l’apport d’une certaine maturité des apprentis.” précise Yohann Suhard.

Bénéfices pour la formation professionnelle
Puisque l’apprentissage est inscrit dans les lycées professionnels au cœur de la formation, est alors renforcée la place de l’Education nationale dans l’apprentissage. C’est ainsi prendre conscience qu’un EPLE peut ne pas accueillir que de la formation sous statut scolaire. 
En proposant une complémentarité entre la voie scolaire et l’apprentissage, la mixité favorise l’acculturation du jeune à la voie professionnelle et au monde économique. Le vécu personnel en milieu professionnel trouve sa place lors des deux heures hebdomadaires de REVE (Récupération et exploitation du vécu en entreprise) ; ce qui permet aux lycéens de compléter leur formation grâce à des pairs, de découvrir d’autres aspects de l’entreprise, voire d’en modifier leurs représentations. Pour les enseignants, cette résonance du vécu professionnel entre dans les attendus de la formation qui souhaitent que l’expérience professionnelle se transforme en compétences évaluables.

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