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mixage des publics en lycée pro : incidences sur les pratiques enseignantes

mis à jour le 03/06/2020


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Au lycée professionnel des métiers Léonard-de-Vinci de Mayenne (53), trois enseignants de maths-sciences accueillent des groupes mixtes d’élèves : dans leurs classes les lycéens sont en formation initiale, en apprentissage, ou en reconversion professionnelle. Cette nouvelle forme d’hétérogénéité les a amenés à repenser leurs pratiques et ainsi à répondre au mieux aux attendus de la formation professionnelle. Plus généralement, leur questionnement invite à comprendre dans quelle mesure le fait de mixer les publics modifie les pratiques des enseignants en lycée professionnel.

mots clés : échanger, lycée professionnel, apprentissage, mixité, statut, pratiques professionnelles, différenciation pédagogique


Depuis 2005, les enseignants du lycée professionnel Léonard-de-Vinci de Mayenne (53) sont à la recherche d’une organisation permettant notamment aux apprentis de pouvoir pleinement trouver leur place dans leur établissement scolaire sans pour autant éprouver des difficultés liées à une présence intermittente au milieu de lycéens constamment présents. Autrement dit, comment aider les apprentis à ne pas se sentir étrangers au lycée et comment aider les lycéens à ne pas se sentir en décalage vis-à-vis des expériences des autres ? Ce questionnement est aussi celui de l’institution qui incite à mixer les statuts, voire les parcours, dans un établissement scolaire. Par exemple, la circulaire de préparation de la rentrée de 2011 (circulaire n°2011-071 du 2 mai 2011) encourageait l’apprentissage en Établissement public local d’enseignement (EPLE), “en s’appuyant sur la mixité de publics”. Aujourd’hui, ce choix répond aussi à une des attentes de l’école inclusive : accueillir dans un établissement scolaire un public qui historiquement n’y était pas accueilli. Cependant, modifier le profil des apprenants dans une classe de lycée, et plus encore constituer des classes mixées, suscitent des interrogations chez les enseignants puisque ce bouleversement a des incidences sur leurs pratiques pédagogiques.

A Mayenne, c’est progressivement et sous l’impulsion de certains enseignants, dont Franck Cléraux et Yohann Suhard, que l’idée de mélanger dans une même classe lycéens et apprentis a germé pour finalement se concrétiser localement. Les enseignants soulignent qu’initialement, “cette organisation a été pensée pour les Techniciens en Chaudronnerie Industrielle (TCI), à la demande du bassin économique et dans le but également de pérenniser la section : avec peu d’élèves sous statut scolaire, la section TCI ne s’en trouvait que fragilisée”. Accueillir des apprentis a notamment permis d’étoffer les groupes d’élèves, mais cela n’a pas été réussi pour la section Production Imprimée (PI) qui a dû fermer en 2012, après quatre années d’expérimentation, faute d’apprentis. Pour les autres sections, l’expérimentation a débuté en septembre 2015 pour les GA (Gestion administrative), et en 2017 pour les MVTR (Maintenance des véhicules de transport routier). Ces enseignants expliquent qu’il s’agissait aussi de “trouver une alternance entreprise-lycée la moins contraignante possible pour les apprentis et pour les professeurs”.
La disparition du CFA de Mayenne en août 2019 pour une absorption par le lycée de Vinci et l’arrivée d’une nouvelle équipe de direction du lycée (Messieurs Sylvestre et Couronné) a permis de prolonger cette ambition de donner, non plus seulement aux apprentis mais aussi à ceux qui s’engagent dans une reconversion professionnelle, une vraie place au lycée.
 
La mixité est le résultat du mixage d’apprenants ayant des statuts différents (ils sont uniquement lycéens, ou lycéens-apprentis, ou en reconversion professionnelle), et/ou des parcours différents et donc des âges différents, ce qui a des incidences concrètes sur la gestion du parcours de chacun.
 
Cependant, la demande institutionnelle consistant à réunir des élèves ayant des préoccupations et des statuts différents a rencontré des oppositions surtout liées à des inquiétudes sur les contraintes techniques, sur la cohérence des parcours et sur les habitudes pédagogiques. À ces réticences, le lycée de-Vinci répond par l’expertise de son savoir-faire et par l’adaptation des enseignants pour personnaliser au mieux l’accompagnement de chacun. Les bénéfices sont multiples, aussi bien pour l’établissement, pour les élèves, pour les enseignants, pour l’apprentissage.
 
Pour illustrer cette réflexion, le profil de six classes de première et terminale TCI, MVTR et GA, sous forme de présentation concrète, permet de découvrir la répartition entre scolaires et apprentis dans chacune de ces classes. Accompagnée d’un emploi du temps d’une classe, cette présentation permet également de comprendre que le mixage des publics impose une autre manière de penser son enseignement afin de proposer une offre pédagogique adaptée à chacun et de construire malgré la diversité une dynamique de groupe.
 
Effectivement, l’organisation d’une classe avec une diversité de publics nécessite de bouleverser ses habitudes de travail et de différencier son enseignement pour accompagner chacun malgré ses contraintes (emploi du temps, absences liées à l’apprentissage, disponibilité pour travailler, …). Les enseignants ont compris que pour rendre efficient le mixage des publics, il faut accepter de proposer des distanciels aux apprentis, il faut optimiser leur temps de présence au lycée, revoir les modalités d’évaluation, accorder dans son enseignement une place au travail effectué en entreprise, diversifier les approches, les supports, les outils, adapter les exigences… et accepter de travailler en équipe. Bref, il s’agit de repenser la globalité de sa manière d’enseigner.
 
Récemment arrivée dans ce lycée, Sophie Pierdet a rapidement saisi que, si l’enseignement face à des classes mixtes demande un investissement personnel et collectif, il offre de nombreux intérêts. Secondée par ses deux collègues de maths-sciences, elle donne certains conseils pour s’engager dans une telle organisation : savoir anticiper, travailler en équipe, utiliser l’ENT, … À écouter ces trois enseignants, on constate que la mixité des publics en lycée professionnel rejoint le concept d’“école inclusive” de la loi de Refondation de l’École de juillet 2013 : que l’on soit dans le premier degré ou dans le second, on est amené à composer des classes de publics divers tout en se montrant capable de “prendre en compte la diversité des publics”, comme le demande le référentiel de compétences professionnelles de 2013.
 
Enfin, parler d’une organisation scolaire peut prendre davantage d’intérêt lorsque l’on interroge les principaux concernés, à savoir les apprenants. Un petit questionnaire soumis à quelques-uns pour recueillir leurs points de vue fait apparaître différentes appréciations du dispositif : si certains apprécient les échanges entre apprentis et non-apprentis, et si d’autres reprochent le manque de maturité des jeunes lycéens, globalement ils trouvent davantage d’intérêts que de raisons d’insatisfaction dans la mixité.
Pour conclure, si elle induit pour les enseignants de réajuster leurs pratiques, cette organisation offre comme ambition première la volonté d’enrichir les échanges et les compétences d’une classe et ainsi de redynamiser la voie professionnelle. Les derniers chiffres révélés par le Ministère du travail en février 2020 montrent un sursaut de l’apprentissage, qui progresse en France de 8,4% entre 2018 et 2019.
Les trois enseignants s’accordent pour affirmer que “La voie professionnelle en lycée est un jardin, construit collectivement, dans lequel la culture des uns, les scolaires, et celle des autres, les apprentis, s’enrichissent mutuellement.”
 
auteur(s) :

C. Delogé

contributeur(s) :

S. Pierdet, F. Cléraux, Y. Suhard, LP Lycée des métiers Léonard-de-Vinci - Mayenne [53]

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