Jour J, le bus s'élance vers la grotte de Champclos,

située à une heure trente. L'équipement est minutieusement vérifié et réfléchi ; longes, baudriers, casques, eau, nourriture, trousses de secours. Les gestes et attitudes ont fait l'objet d'un document spécifique (
voir annexe). Chacun est responsable du matériel collectif qui passe tantôt à l'un, tantôt à l'autre, en fonction des cavités traversées. Pas question d'oublier un sac sur le circuit ! Le pique-nique, lui aussi, a nécessité un soin particulier. Sous terre, où très peu de bactéries prolifèrent, la moindre miette de pain abandonnée peut devenir énorme moisissure. Les précautions écologiques s'imposent. Le repas se prend sur une grande bâche, repliée par la suite (voir ci-contre). Au menu, il n'y a pas de fruits pour ne pas jeter de noyau. On déguste un taboulé par aspiration dans un sac congélation, puis une salade de pâtes et une compote en sachet. Le transport des déchets s'effectue par bidon étanche, à l'instar du pique-nique en canyoning. Il n'est pas question de l'oublier. Au détour d'une cheminée - sorte de boyau vertical - d'une boîte aux lettres - faille horizontale à travers laquelle on descend dans le boyau inférieur - ou de rus insoupçonnés, les premiers spéléologues ouvrent la voie. Les derniers, sous l'œil du moniteur, vérifient que rien ne reste derrière le passage du groupe. Ici, en termes d'éducation aux risques, sécurité rime forcément avec altérité. Chaque élève gère sa sécurité et vérifie celle du voisin. Le baudrier qu'il porte est fixé à une corde par deux longes. La corde est fixée aux parois régulièrement. Un impératif : un élève seulement entre deux points fixes. À ses côtés, son comparse suit attentivement ses gestes et reproduit fidèlement les conseils de leur professeur. Il n'est nul besoin de répéter, l'attention est à son apogée. Il faut gérer le stress, aussi ; certains doivent dépasser leur peur, angoisse de l'obscurité, phobie de l'enfermement. Chacun sonde, en plus de la grotte, la frontière de ses propres limites. Au détour d'un boyau, les élèves peuvent choisir de sortir par les cheminées où Éric La Quec, l'autre enseignant d'EPS, les attend, ou de continuer et finir en rampant dans l'eau, casque contre le plafond de trente centimètres seulement. Il faut se gorger d'un nouveau souffle, vers un autre soi-même. Félicitations à cet élève de Segpa (Section d'enseignement général et professionnel adapté) ne sachant pas nager en début d'année et qui rampe sans trembler ni coup férir jusqu'au bout du parcours. Corinne Poisson, professeur des écoles en Segpa, et accompagnatrice du voyage, se félicite de la progression personnelle de ce jeune. Certains hurlent, d'autres se réfugient derrière une carapace de silence, certains s'injurient, en se dirigeant vers la lumière salvatrice du grand jour.
