innovation pédagogique

Mettant en avant le fait que les élèves de première n'ayant pas eu de séances d'accompagnement personnalisé régulières et organisées en seconde vont être très difficiles à mobiliser, J. Pierret et J.-L. Tharreau parviennent à convaincre assez facilement leurs dix collègues chargés de l'accompagnement personnalisé d'inventer un projet pensé à l'année : les élèves devront organiser un tournoi de sports qui aura lieu entre avril et mai. Ce but affiché n'est bien entendu qu'un prétexte fil rouge' qui va permettre aux élèves de s'investir tout au long de l'année. Pour s'y intégrer au mieux, ils seront répartis en cinq groupes de besoins répartissant les quatre-vingts élèves venant de cinq sections différentes. Cette organisation mobilise au minimum cinq professeurs auxquels J. Pierret vient s'ajouter pour piloter la séance de deux heures du jeudi en début d'après-midi (distribuer les documents, faire l'appel dans chaque salle, répondre aux imprévus de dernière minute...) et non pas en classes divisées en deux groupes, ce qui mobiliserait dix professeurs.

L'ensemble des collègues voit ainsi son horaire sur l'accompagnement personnalisé réparti sur l'année. Certains sont mobilisés chaque semaine jusqu'au départ en stage de leur classe, d'autres interviendront ponctuellement en coanimation ou pour diviser encore les groupes qui ont besoin d'être à effectif réduit. L'année n'est donc pas non plus découpée classiquement en semestres, mais en quatre phases numérotées de 0 à 3, avec la phase 2 qui prend en compte un obstacle de taille au travail décloisonné : les départs en stage, différés, s'étalant de janvier à février.


Les professeurs peuvent donc facilement prévoir leurs interventions ponctuelles, puisque le calendrier est prêt dès le mois de septembre et que la charge de travail a été prise en compte et répartie en fonction des stages. La phase 0 prévoit la mise au point des contenus (deux semaines de concertation sans élève) puis la présentation de ces contenus en amphithéâtre à l'ensemble des élèves. Cette phase 0 a pour objectif d'impliquer les élèves dès la "genèse du projet" : aux élèves de décider quels sports seront représentés lors du tournoi (vote par bulletin) et de comprendre ainsi comment les groupes de la phase 2 seront constitués. La phase 1 (de septembre aux vacances de la Toussaint) propose aux élèves de préparer l'organisation des tournois. Les élèves sont répartis de façon aléatoire dans cinq groupes. Chaque groupe travaille sur un sport. Le groupe doit élaborer en autonomie un dossier composite contenant la présentation du sport, le règlement adapté et l'organisation du tournoi ainsi qu'une présentation multimédia de ce dossier (voir annexe). Cette phase est importante pour le reste de l'année ; elle va permettre aux professeurs d'observer les élèves en activité et ainsi d'identifier leurs besoins en matière de compétences transversales. Ce sera la phase de positionnement (voir annexe). Une séance de rassemblement de deux heures en amphithéâtre viendra clôturer cette phase. Chaque groupe y proposera sa présentation multimédia et mettra ainsi en pratique son travail.

La phase 2 peut alors commencer, elle s'étalera sur une période de trois mois en raison des départs en stage différés. Il s'agit de former des groupes de besoins dont les effectifs changeront, ce qui favorisera la souplesse au niveau des rythmes. Ces ateliers sont également au nombre de cinq, et leur appellation reprend la métaphore du jeu (Jeu gère/Jeu de mains/Jeu parle bien, jeu parle mieux/Jeu d'écrits/Jeu m'éclate). Chaque élève participera à deux ateliers. Le rôle des professeurs est, cette fois, de proposer des activités pour acquérir ou améliorer des compétences transversales (organisation, confiance en soi, expressions orale et écrite...). J. Pierret et J.-L. Thareau ont proposé à leurs collègues de formaliser les consignes de travail et les documents-ressources (voir annexe). Ces derniers sont déposés dans un classeur en libre accès pour les élèves et aussi sur le réseau informatique, dans leur espace personnel. Ce procédé permet d'impliquer professeurs et élèves en jouant la transparence et la mutualisation. La phase 3 commencera relativement tard, après les vacances d'hiver et une fois que tous les élèves seront revenus de stage. Sa mise en place printanière mettra les élèves dans un processus de réalisation concrète du tournoi, basé sur un travail en équipe, organisé et rigoureux, dont, faut-il le préciser, l'évaluation sera simple et basée sur des critères objectifs : tournoi réalisé, participants satisfaits, règles de sécurité et règles du jeu respectées.

Les deux professeurs initiateurs du programme Accompagnement personnalisé auront eu à relever deux grands défis : en début d'année, il leur a fallu gagner l'adhésion de leurs collègues dans leur projet et celle des élèves. Le premier est apparemment relevé, puisque certains collègues se sont approprié la démarche en procédant à un travail de feedback très utile : dès novembre, ils ont transmis aux deux pilotes les fiches de travail qui avaient été conçues en début d'année, fiches modifiées, amendées, bref, évaluées en temps réel sur leur efficacité et leur pertinence. Cette saine critique mise en place dès le début permettra au dispositif de s'améliorer d'année en année et de rendre un maximum de professeurs porteurs du niveau. Les élèves, eux, semblent aussi conquis : jeudi 14 h autour du patio du rez-de-chaussée vitré et baigné d'une lumière chaleureuse, les élèves se sont installés dans la salle attribuée à l'atelier auquel ils participent pendant deux à quatre semaines. Certains sont assis, d'autres debout, mais tous très attentifs à ce que ce qui se passe : le professeur animateur fait le point avec eux du travail qu'il reste à effectuer, de la manière dont ils vont s'organiser, se répartir les tâches. Les élèves semblent être impliqués comme ils pourraient l'être au début d'une journée de travail. Les questions et propositions fusent avec comme objectif évident de se mettre vite en activité pour ne pas perdre le temps. J. Pierret, un des professeurs pilotes, fait le tour du patio et des différents ateliers. Il n'est pas en charge d'un groupe en face à face, mais il en est le coordinateur qui vérifie que chaque groupe est en place et que, surtout, chaque professeur en charge est bien au fait de ce qui doit se faire aujourd'hui. Il y a une professeure de mathématiques, un professeur de français accompagné du professeur d'EPS... Visiblement, ils n'ont pas décidé du contenu de la séance, prévu depuis des semaines en concertation. Ils ne décident pas non plus du qui fait quoi, ce sont aux élèves de s'organiser. Ils sont plutôt là pour animer la séance, accompagner les élèves dans cette prise de décision et pour les guider au cas où ils se perdraient sur le chemin qui mène à l'autonomie.

Reste maintenant à savoir comment les élèves se seront approprié le projet sur l'année. Des questions demeurent en suspens : les besoins en matière de compétences transversales ont été définis par les professeurs, les ateliers attribués de manière unilatérale. Quelle perception les élèves auront-ils eu de cette démarche ? Quel bilan vont-il en tirer et de quels apports vont-ils avoir bénéficié ? Un projet sur l'année ne se sera-t-il pas essoufflé tant pour les élèves que les professeurs ? Les périodes de stages auront-ils fait perdre le rythme ou le fil des ateliers de la phase 2 ? Ce qui est sûr, c'est que pendant les cinq semaines de tournois en avril et mai, l'équipe éducative dans son ensemble et quatre-vingts élèves de première professionnelle auront toutes les raisons (bonnes ou mauvaises) de dire si le jeu en valait la chandelle...