innovation pédagogique

Pour cet accompagnement personnalisé, les douze classes de seconde sont donc alignées, de deux à quatre classes en concomitance, et les plages horaires concernées sont plutôt situées en toute fin de matinée, en clair, de 11 à 13 heures. Seul un groupe de classes est situé sur le créneau 13-15 heures. On le voit là encore, le choix de plages horaires connues pour être propices aux apprentissages est symbolique de l'importance accordée à cet accompagnement. Il ne s'agissait pas de reléguer cet accompagnement en fin de journée, ce qui l'aurait apparenté à une option facultative ou à du soutien, voire même à une sanction. Les horaires des autres enseignements de seconde se sont donc calés par rapport aux horaires de l'accompagnement personnalisé, ne donnant pas alors totale satisfaction aux enseignements disciplinaires placés en fin de journée. Quoi qu'il en soit, du côté des élèves, l'image qu'ils portent à l'accompagnement est réévaluée en raison de ces décisions, tant ils seraient tentés de ne voir dans ce dispositif que la continuation de l'accompagnement éducatif qu'ils connaissaient au collège, d'autant plus qu'ils peuvent ne pas connaître ce qu'était le lycée avant qu'ils n'y entrent.

Le programme d'accompagnement personnalisé est conçu sur l'année autour de cycles obligatoires correspondant à des dominantes trimestrielles. Concrètement, un système de rotation est mis en place et l'élève doit se rendre aux séances hebdomadaires d'accompagnement personnalisé correspondant à l'atelier auquel il est convié. Chaque semaine, l'élève rencontre deux enseignants différents qui lui apportent des notions, des techniques et des méthodes variables selon la période de l'année et selon la classe à laquelle il appartient. Toutes ces notions ont à voir avec le projet dont il est question dans le groupe de classes fonctionnant en barrette (rechercher, rédiger, planifier, réaliser). Il ne s'agit pas pour l'élève d'un parcours fait de séances successives d'apprentissage, mais d'élaborer un projet qu'il poursuit tout au long de l'année avec ses camarades. Sur les deux heures successives d'accompagnement, il est entouré pendant une heure de l'intégralité de la classe à laquelle il appartient, et pendant l'autre heure (qui suit ou précède celle en classe entière), il se retrouve dans un groupe qui est l'équivalent de la moitié d'une classe.

Les enseignants, au nombre de trois par classe, participent pendant une heure à l'accompagnement personnalisé en ayant devant eux une classe entière ou une demi-classe. Ils sont de six à douze, selon les regroupements de classes (rappelons, de deux à quatre classes) et il a été décidé que l'un d'entre eux doit être un professeur de lettres, un autre, un professeur de sciences, et un autre (ou le même), le professeur principal. Pour mettre en place les séances d'accompagnement personnalisé, ils ont dû se concerter, quittant ainsi la concertation des conseils d'enseignement liés à leurs disciplines respectives, et allant enfin vers l'interdisciplinarité souvent souhaitée, rarement réalisée. Si la liberté a été laissée du côté de la constitution des équipes intervenant en accompagnement personnalisé, des choix ont donc été opérés dans la mise en place concrète des heures. Ces heures sont intégrées dans l'emploi du temps des enseignants, et le plus souvent, dans leur service obligatoire, ce qui leur donne là encore une légitimité nécessaire à la mise en place de cet accompagnement. Seuls quelques enseignants voient l'accompagnement personnalisé apparaître en heures supplémentaires.

Parmi les regroupements de classes de seconde, deux projets se détachent pour l'instant ; il s'agit d'abord d'un projet visant à emmener les élèves à Rome. Il faut donc travailler en accompagnement sur ce projet par différentes entrées qui sont définies, précisées et affinées au long des séances: recherche documentaire, écriture, connaissance de la civilisation romaine, connaissance de l'histoire italienne contemporaine, langue de l'Antiquité, organisation concrète du voyage par des prises de contact avec des voyagistes, recherche de partenaires, information des familles. Il s'agit, dans un autre regroupement, de construire un véhicule modèle réduit pour participer au concours "Course en cours" ; le lycée Touchard ayant les moyens techniques, les locaux et les compétences nécessaires à ce projet, il est aisé de comprendre que ce projet pouvait correspondre aux élèves accueillis dans cet établissement, notamment en regard des enseignements exploratoires qu'ils peuvent y trouver. À travers ce projet, de multiples activités peuvent donc prendre forme: recherche documentaire, écriture à travers des textes de motivation, rédaction d'articles, de journaux de bord, prises de photographies, élaboration technique, dessin, usinage, montage, réflexion quant aux métiers qui sont concernés par ces activités. De nombreux enseignants peuvent ainsi intervenir auprès des élèves afin de construire avec eux ce parcours vers une participation effective à ce concours.

On le voit, les élèves, voire les parents, parfois trompés dans leurs représentations de ce qu'est l'accompagnement personnalisé, croyant y voir un soutien visant à préparer un devoir ou à revoir une notion, ne peuvent que constater l'ambition dans laquelle l'élève est invité et se doit de s'investir. Même s'il ne s'agit pas d'un travail personnel encadré dans lequel un groupe d'élèves réalise un projet, il est ici question d'une volonté de travailler les compétences des élèves en s'appuyant sur celles qu'ils ont déjà, pour mieux développer celles qu'ils n'ont pas, ou pas assez. Toutefois, pour cette première année de la réforme, ces projets sont sujets, voire contraints, aux nécessités de la mise en place de ce nouvel enseignement. C'est au long de l'année que les difficultés ou même les impasses se font jour, requérant alors de la part des enseignants et des élèves des capacités d'adaptation. Il devient alors nécessaire de ne pas multiplier les déceptions qui mineraient l'investissement et la volonté des enseignants ayant contribué à ce que la réforme puisse voir concrètement le jour après avoir été écrite.

Malgré toutes les bonnes volontés, des problèmes sont apparus ; ainsi, un premier diagnostic de début d'année a mis en lumière le manque de méthode des élèves de seconde. C'est la raison pour laquelle, pendant quelques séances, l'entrée méthodologique a été privilégiée par l'accompagnement personnalisé, tant les élèves ne savaient que très difficilement s'organiser, organiser leur semaine de "travail", prendre des notes, réviser, faire des fiches, apprendre par cœur. Ensuite, entre les vacances d'automne et celles de Noël, des conseillères d'orientation-psychologues sont venues rencontrer les élèves pour mettre en place l'aspect "orientation" de cet accompagnement tel qu'il est défini dans le texte réglementaire de cette réforme. Face à toutes ces obligations et ces nécessités de service, il a fallu maintenir la motivation pour mener à bien des projets dont on sait qu'ils sont précaires s'ils ne sont pas nourris par des volontés de fer. Ici, au lycée Touchard, on mise sur la liberté et sur l'initiative des uns et des autres pour forcer le destin et pour construire un enseignement particulier dans le cadre de cet accompagnement personnalisé dont on a beaucoup parlé sans en connaître réellement la teneur.

Rien ne sera plus facile que de juger du succès ou de l'échec de cet accompagnement personnalisé. En effet, la réalisation des projets, en l'occurrence la construction d'un véhicule modèle réduit et le voyage à Rome, sera ce qui déterminera la perpétuation de cet enseignement selon ces choix volontaires de la part de l'équipe d'encadrement et des enseignants. Loin de voir en cet accompagnement personnalisé un effet de mode, ils ont voulu y voir une chance nouvelle donnée aux élèves pour réussir une année de seconde parfois difficile et donc, une source de motivation pour travailler plus et mieux dans les autres disciplines. Car c'est aussi à l'aune de ce qui se passera dans leurs classes et dans le cadre des cours qu'ils dispensent dans leur discipline propre qu'ils jugeront de la pertinence de la création de ces deux heures hebdomadaires dont ils ont mesuré la conséquence à travers la baisse variable de leur horaire. De même que les disciplines d'exploration, l'accompagnement personnalisé induit en lui-même une vision nouvelle de l'enseignement au lycée et de la place des élèves dans celui-ci, qu'il faudra conforter.

Après quelques mois de cette expérience, un premier bilan de cet accompagnement personnalisé peut être dressé et formulé de manière positive. Les deux projets porteurs ont été riches d'expériences et de réussite. En effet, le voyage à Rome a bien pris forme et se déroulera après les congés de printemps. Du côté de la participation à "Course en cours", ce fut un succès puisque les équipes se sont qualifiées le 25 mars pour la finale académique du 20 avril. On peut simplement regretter l'échec relatif de l'intervention du professeur de philosophie qui a dû faire des séances de soutien aux élèves, devant les nécessités observables. Quoi qu'il en soit, la réforme a été ici mise en place avec succès, et a permis de poser des jalons pour l'an prochain pour les classes de seconde et les classes de premières.