Contenu

innovation pédagogique

Recherche simple Vous recherchez ...

espace pédagogique > actions éducatives > innovation pédagogique > échanger

une orientation plus ambitieuse

mis à jour le 26/09/2012


echanger dossier 2

L'ouverture, à titre expérimental, d'une classe préparatoire aux études supérieures (CPES) dans un lycée de la Mayenne permet à des jeunes, qui hésitent à envisager des études ambitieuses dans une métropole éloignée de leur département d'origine, de se préparer intellectuellement et psychologiquement à franchir le pas. Comment les y prépare-t-on ?

mots clés : échanger, enseignement supérieur, sciences, culture générale, orientation


Les premières CPES ont été créées en 2006 dans le cadre de l'ouverture sociale des classes préparatoires aux grandes écoles. Après celle du lycée Jullian de Bordeaux, plutôt réservée aux littéraires, une CPES a été ouverte dans notre académie au lycée Clémenceau de Nantes en 2009, et au lycée d'Évron, à la rentrée 2010, pour des bacheliers de formation scientifique.

Une CPES en Mayenne

Ces classes s'adressent à un type d'élèves bien particuliers. On y recrute des bacheliers qui ont un potentiel intellectuel, qui adhèrent aux valeurs de l'école, qui s'investissent dans leur travail, donc des élèves qui possèdent les connaissances nécessaires à la poursuite d'études ambitieuses. Cependant, malgré un niveau qui le leur permettrait, ils n'osent pas s'orienter vers des grandes écoles et leurs demandes restent en retrait par rapport à leurs possibilités. Pourquoi ? Cette absence d'ambition est conditionnée par l'origine socioculturelle des familles qui connaissent mal ou ne connaissent pas les parcours qui conduisent aux grandes écoles, et pour des raisons économiques, elles n'osent engager leurs enfants dans des études longues. Mais aussi, ces jeunes qui ont effectué tout leur cursus scolaire à l'écart des grandes métropoles hésitent à s'éloigner du milieu familial et n'envisagent pas de poursuivre des études, même à Nantes. L'ouverture de ce type de classe à Évron répond à ces handicaps de mobilité et de conditions socio-économiques. En effet, le nombre des élèves du département appartenant à des catégories socioprofessionnelles défavorisées est supérieur de 20 % à la moyenne académique. Le recrutement vise le Nord de la région des Pays de la Loire et les départements des régions limitrophes. Cette classe d'Évron, dans le nord de l'académie, permet ainsi de créer une égalité des chances sur le plan géographique et social, et d'être ainsi complémentaire de celle du lycée Clémenceau de Nantes.

Les objectifs

La CPES accueille donc des élèves bacheliers de terminale S, boursiers, pour leur permettre de poursuivre des études supérieures longues et exigeantes en classes préparatoires et en écoles d'ingénieurs. Le projet, tout en confortant leurs connaissances académiques déjà attestées par l'obtention du baccalauréat, vise surtout à développer les compétences nécessaires à ces types de cursus : des méthodes efficaces, un fort investissement et une force de travail dans la durée, une confiance en soi et une grande maîtrise de l'oral. Il a aussi pour but de développer leur connaissance des parcours de l'enseignement supérieur ou du monde professionnel, leur culture générale dans les domaines scientifiques et artistiques, ainsi qu'une découverte du monde contemporain. Enfin, au cours de cette année particulière, les élèves sont conduits à reconsidérer leur projet d'orientation pour envisager un parcours plus ambitieux. Comment ces objectifs sont-ils mis en œuvre dans le lycée ?

Un programme à bâtir

L'emploi du temps proposé comporte donc une forte dominante scientifique. Cette année, les élèves ont entre 6 et 8heures hebdomadaires de mathématiques et autant en physique-chimie. Mais que leur enseigne-t-on ? Le programme, construit par l'équipe enseignante, comporte trois domaines : une révision des bases acquises au lycée à partir d'exercices du type de ceux proposés comme préparation au baccalauréat ; des exercices plus difficiles portant sur des questions complexes, sans guidage, sans étapes intermédiaires ; enfin l'étude de chapitres du programme de l'enseignement supérieur en lien avec le programme du lycée. On cherche à les entraîner à effectuer des exercices d'un niveau qualitatif élevé. Mais l'équipe enseignante vise aussi des compétences plus générales jugées nécessaires pour réussir des études supérieures.

Des compétences spécifiques

Face à la quantité de travail exigée dans les Écoles nationales d'ingénieurs ou dans les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), il faut d'abord construire chez eux des capacités de travail importantes, développer leur autonomie et leur faire acquérir des méthodes efficaces. Les devoirs-maison sont nombreux, les exercices sont systématiquement vérifiés et corrigés. Chaque élève passe un oral toutes les semaines et l'épreuve a lieu en direct au tableau, sans préparation. Les étudiants doivent apprendre à réfléchir vite, en situation stressante, selon le modèle des "colles" des classes préparatoires. Soumis à ces contraintes, ils acquièrent ainsi l'habitude de fournir un travail régulier et conséquent, à condition de les aider aussi à s'organiser pour gérer ce gros flux de travail personnel. Ensuite, il faut les faire évoluer psychologiquement et transformer l'image qu'ils ont d'eux-mêmes, car ils abandonnent parfois trop rapidement face à des exercices qu'ils pensent hors de leur portée. Il faut leur redonner confiance, développer leur ténacité et les inciter à faire tous les exercices, même les plus difficiles, pour qu'ils se rendent compte peu à peu qu'ils en sont pleinement capables. Pour réussir, il faut aussi faire preuve de lucidité et apprendre à analyser ses résultats pour repérer ses difficultés et ses faiblesses et prendre des mesures pour les combler, trouver les exercices adaptés et s'astreindre à les faire pour se rassurer. Enfin, il faut élever le niveau de mémorisation par rapport aux exigences du lycée, apprendre à rester très concentré pendant plusieurs heures, suivre un cours qui va plus vite et prendre des notes efficaces. Mais le plus important reste sans doute d'apprendre à résoudre des problèmes complexes.

Apprentissages théoriques et investissements professionnels

Au cours de l'année, chaque étudiant passe plusieurs jours dans une entreprise en relation avec son projet d'orientation. Au lycée, il acquiert de plus en plus de connaissances théoriques, mais elles restent encore déconnectées de la réalité. Au contact des problèmes du terrain, il va être amené à en tester la validité, à déconstruire certains savoirs pour mieux se les approprier, et être capable de les mobiliser dans un nouveau contexte. Les connaissances théoriques prennent un nouveau sens, elles ne servent plus à résoudre des problèmes artificiellement construits dans le cadre d'exercices ou de devoirs scolaires, mais sont ancrées et mises en application dans la réalité. "Comment les matériaux composites contribuent-ils à améliorer les performances des bateaux ?" tel était le problème que l'un des étudiants se proposait de résoudre à l'occasion d'un stage d'ingénierie nautique chez Benneteau. D'autres se sont interrogés sur l'impact de la conduction des matériaux dans la construction des maisons, ont comparé radiographie et échographie, cherché l'intérêt de la réalisation d'hologrammes... Ces stages sont suivis de longs travaux d'écriture qui aboutissent à la soutenance orale d'un rapport.

Compréhension du monde contemporain

Deux heures par semaine, les étudiants suivent un cours sur l'histoire du monde de l'après-guerre, et surtout depuis 1990. Un travail particulier est mené sur l'actualité et la découverte des médias. Chaque semaine, un élève présente oralement les deux ou trois événements nationaux ou internationaux marquants de la période. En début d'année, leur source d'information était essentiellement le Journal télévisé de TF1. Peu à peu, ils se sont ouverts aux autres chaînes, et surtout aux autres médias, presse et radio, jusqu'à modifier leurs habitudes et oser acheter quelques quotidiens pendant leurs vacances! En plus des ressources de la médiathèque, ils ont aussi découvert les pages web du Monde sur internet, ou les émissions scientifiques sur France Culture. Après avoir présenté des sujets convenus, ils ont traité le projet nucléaire, la journée de la femme, le printemps arabe, la BD d'Hergé et la réalité historique, l'art contemporain à Versailles - où ils sont allés voir l'exposition Murakami. L'opération "Lycéens au cinéma" a été intégrée à leur programme. Enfin, après un travail d'exposés oraux, leurs travaux écrits sont évalués. Chaque mois, c'est une synthèse de dix documents qui est à produire.

Français et philosophie

L'enseignante de lettres a choisi de faire travailler les étudiants sur le thème du mal, thème imposé cette année aux classes préparatoires. Le premier trimestre a porté sur des études de romans, pièces de théâtre et essais philosophiques de deux auteurs : Camus et Sartre. Les étudiants ont vu une adaptation théâtrale de La Peste au théâtre de Mayenne. Ce thème du mal a été abordé en peinture au second trimestre à partir d'une sélection de tableaux allant de Jérôme Bosch à Munch, Bacon et Schiele, en passant par Turner et les romantiques français. La classe a appris à décrire, analyser et interpréter les tableaux ; ils en ont alors recherché d'autres sur internet pour les commenter ensuite devant le groupe. La même problématique a été traitée enfin à travers trois films au troisième trimestre : La Soif du mal, Invictus et Good Luck and good night. Chacune de ces approches a donné lieu à des productions écrites en fin de trimestre.

Ouverture culturelle

En complément des enseignements scientifiques dispensés, ces cours leur apportent une culture générale élargie qui passe aussi par une fréquentation des structures culturelles environnantes et de leurs productions artistiques. Or cette année a été très riche en découvertes pour ces jeunes ! Cinéma, d'abord. Chaque année, l'association "Atmosphère" organise un festival, "Les reflets du cinéma" d'un pays. Il était consacré cette fois à la Chine. Les étudiants y ont passé une journée entière, vu cinq films, et rencontré des réalisateurs. Ils ont pu compléter leurs connaissances sur ce pays étudié en terminale, particulièrement son formidable développement économique. Ces films, qui ne sont pas tous distribués en Chine, leur ont fait découvrir un autre versant de ce pays, les problèmes sérieux auxquels la population chinoise est confrontée : précarité, pollution, violence, prostitution, absence de démocratie... Théâtre, ensuite. Le lycée est jumelé avec le théâtre de l'Éphémère duMans. Les étudiants ont participé à l'opération "École du spectateur" et assisté à une dizaine de spectacles (voir annexe). Ils sont allés, en plus, à Rennes voir un opéra, Le Mariage de Figaro. La mise en scène du Journal d'Anna Politkovskaïa a été l'occasion d'une conférence de trois heures avec des journalistes d'investigation sur le thème "Presse et démocratie". De plus, ils ont pratiqué le théâtre (de l'écriture avec un auteur dramatique, Luc Tartar, à la mise en scène), excellente occasion de s'entraîner à affronter un public. Mais ces scientifiques n'ont pas oublié leur domaine. Ils ont assisté à diverses conférences, l'une mise en scène en musique avec Hubert Reeves, les autres à l'Espace des sciences des Champs Libres, à Rennes. Ils ont écouté Michel Serres à l'occasion de son dernier livre Biogée et Anne Cambon-Thomsen, médecin, directrice de recherche au CNRS sur "Controverses éthiques et controverses scientifiques".

Construire une personnalité

Les élèves recrutés dans cette structure sont des individus qui manifestent un potentiel de réussite, mais qui hésitent à le valoriser dans leurs projets de poursuites d'études. Cette année préparatoire leur a permis d'affirmer leur personnalité, de se convaincre qu'ils peuvent oser envisager un parcours professionnel qui les conduise à des postes de haut niveau. Dans les disciplines scientifiques, ils consolident leurs acquis, développent même un haut niveau de connaissances, parviennent à maîtriser et résoudre des problèmes complexes et, grâce à ces entraînements intenses, ils se préparent au rythme de travail qui les attend. Ils apprennent aussi à maîtriser l'intervention orale, exposer et défendre un point de vue en public en passant de nombreux oraux en classe, en montant sur une scène de théâtre (dans les années à venir, leurs successeurs devraient se voir confier l'animation de conférences sur des sujets scientifiques vers un public extérieur). Ils dépassent des apprentissages purement scolaires en mettant en perspective leurs connaissances, en adoptant des points de vues différents, économiques, éthiques. Il leur reste à découvrir quelques codes culturels qui leur sont encore étrangers et à se préparer à affronter le système de notation parfois extrêmement sévère à l'entrée en classe préparatoire. Plus curieux, plus ouverts, plus matures après cette année de formation, ils peuvent désormais envisager plus sereinement le passage.

Enfin reconnue

La CPES a été ouverte en 2010 sans véritable plan de communication en direction des lycéens concernés, d'où le petit nombre d'inscrits. De plus, cette classe préparatoire expérimentale n'était pas encore intégrée dans les critères de recrutement des écoles d'ingénieurs qui ne retenaient que les résultats du baccalauréat ! L'administration du lycée a donc dû les contacter spécialement pour leur demander de prendre en compte le parcours spécifique de l'étudiant candidat. Le lycée d'Évron est désormais répertorié dans les bases de données nationales et, pour l'année prochaine, une quinzaine de candidats seront sélectionnés après entretiens.
 
auteur(s) :

M. Le Bihan

contributeur(s) :

J. Demarolles, S. Guéret, L. Colineau-Marsac, V. Rousseaux, Lycée Raoul-Vadepied, Évron {53]

fichier joint

information(s) technique(s) : pdf

taille : 592 Ko ;

ressource(s) principale(s)

echanger dossier 2 personnaliser l'accompagnement 24/05/2011
La personnalisation de l'accompagnement des élèves dans leurs apprentissages est aujourd'hui l'une des principales sources de questions et d'innovations dans le système scolaire, tant ...
personnaliser, personnalisation, accompagnement, individualisation, aide, soutien, tutorat

haut de page

innovation pédagogique - Rectorat de l'Académie de Nantes