Des équipes qui doivent accompagner de plus en plus d’élèves à “besoins éducatifs particuliers”Le collège La Fontaine est un collège rural situé dans la ville de Missillac, au nord de la Brière. Il accueille 340 élèves environ chaque année, répartis en 3 à 4 classes par niveau, parmi lesquels un nombre important et croissant d’élèves à besoins éducatifs particuliers :
• 12 élèves de l’Ulis (troubles des fonctions cognitives),
• 15 autres élèves concernés ont un Géva-sco (Guide d’ÉValuation des besoins de compensation en matière de SCOlarisation),
• 35 élèves bénéficiant d’un PAP (Plan d’accompagnement personnalisé).
Pour accompagner ces élèves, la trentaine d’enseignants est épaulée par un coordonnateur Ulis et 6 AESH (Accompagnateur d’élève en situation de handicap).
Au départ, une ”classe Ulis” plus qu’un dispositif inclusifDepuis l’ouverture de l’Ulis, l’accompagnement des élèves qui en relèvent est dévolu aux “spécialistes” : le coordonnateur et l’AESH-co (collectif) attaché au dispositif. Lorsque les élèves de l’Ulis sont en classe, ils sont parfois peu accompagnés par l’enseignant (souvent peu à l’aise dans les transpositions didactiques nécessaires). Les apprentissages sont souvent délégués aux “spécialistes” : à charge pour eux d’adapter, de compenser, de reprendre.
Intégrer les élèves en classe pour quelques heures peut s’avérer compliqué : les enseignants ne sont pas contre, sur le principe, mais ils se sentent démunis, pas capables d’accompagner ces élèves. Ils demandent alors que le coordonnateur de l’Ulis ou un AESH soit présent en classe, voire même que ces élèves soient pris en charge en dehors de la classe.
Ainsi, les obstacles à l’intégration des élèves de l’Ulis dans les classes “ordinaires” sont de plusieurs natures :
• L’“effet dispositif” : il y a une classe, un coordonnateur, des AESH ; tout pousse donc à laisser la prise en charge et l’accompagnement de ces élèves à des “spécialistes”.
• Des enseignants qui se sentent démunis face à ces élèves, qui ont l’impression de ne pas être assez disponibles pour eux et de ne pas savoir suffisamment « différencier », “adapter”…
• Des élèves (souvent suivis sur ce point par leurs parents) qui ont peur d’être noyés si on les envoie dans le “grand bain” de la classe.
Cette situation ne favorise pas la socialisation des “Ulis” (comme ils se surnomment eux-mêmes). Ils n’ont pas le sentiment d’appartenir au groupe classe (de leur classe de référence) : ils ont très peu de liens et d’interactions avec leurs camarades, jusqu’à être parfois “oubliés”. Ils sont, par exemple laissés de côté dans la cour de récréation, avec à la clé une violence symbolique. Plus largement, ils se sentent à part dans la communauté éducative : ils sont “dans” le collège mais ce n’est pas “leur” collège. Ce sentiment de relégation a des conséquences sur les acquisitions scolaires, aujourd’hui bien documentées par la recherche : on sait en effet que la construction du savoir revêt un caractère social et qu’elle est facilitée par l'appartenance à un groupe classe correspondant à une classe d'âge comme le souligne Marie Toullec-Théry dans
un article.
Et si on se donnait les moyens d’accueillir les élèves Ulis dans les classes “ordinaires” ?
Le pari est donc que la présence des élèves Ulis en classe “ordinaire” devienne la norme. Il ne s’agit pas simplement de les intégrer de façon volontariste, en espérant que leur présence permanente oblige chacun à s’adapter. L’idée est de se donner les moyens de réussir leur inclusion, en agissant de deux manières :
• par la mutualisation des moyens humains disponibles (AESH, coordonnateur Ulis),
• en engageant une réflexion collective sur l’adaptation, la différenciation et, in fine, l’accessibilité des savoirs pour tous les élèves.
Au bout du compte, la montée en compétences de tous les acteurs doit pouvoir bénéficier non seulement aux élèves à besoins éducatifs particuliers (Ulis et autres), mais au final à tous les élèves.