Comment la confrontation à la pensée de l’autre peut-elle aider l’élève à construire sa propre réflexion ? Comment contribuer à l’éducation à la citoyenneté et lutter contre l’entre soi et la polarisation de la pensée ? Comment travailler l’argumentation, aider à structurer la pensée de l’élève à partir de sa parole ? Comment favoriser l’écoute de l’autre ?
Le défi consiste donc à faire réfléchir, à faire débattre des élèves de 5e sur une question philosophique que tout le monde se pose et que les enseignants ont choisie. Les enjeux de ces ateliers consistent aussi à échanger sur des concepts complexes : ils doivent permettre de penser ensemble mais individuellement. En effet, l’atelier repose sur un déroulement précis, presqu’un protocole qui, ainsi instauré, dans un grand respect de la parole de l’autre permet de mettre des mots sur sa pensée, de les organiser pour convaincre, pour prendre du recul. Les ateliers philo ne relèvent pas de la “discussion” : ils visent à développer la structuration de la pensée des élèves. Les exemples souvent très concrets sont là comme une “marche”, un accès au raisonnement. Les ateliers philo sont pour les enseignants une nécessité au vu des dangers de notre époque “où tout se vaut”, au relativisme et à l’ère des Fake news et du complotisme. Ils relèvent des ateliers philosophiques cognitifs et non pas psychanalytiques ni dialectiques. Ils développent aussi la capacité des élèves à s’exprimer à l’oral et à s’écouter.
Le rôle de l’enseignant est essentiel dans ces ateliers. L’enseignant accompagne l’argumentation, la conceptualisation et la problématisation. Pour ce faire, les enseignants des différentes disciplines se sont auto-formés par des lectures, des podcasts voire co-formés – un peu à la manière des philosophes Antiques – développant une sorte de compagnonnage. L’un devenant l’élève de l’autre, assistant aux ateliers philo comme un simple observateur une année durant puis comme co-animateur et enfin il devient responsable de son atelier (mais toujours en co-animation).
Du coté des pratiques professionnelles des enseignants, il y a une véritable évolution et un grand engagement. Il s’agit d’un autre regard porté sur l’élève qui retrouve de la dignité, les enseignants deviennent les garants d’une certaine probité intellectuelle et ils appliquent la méthode maïeutique : ils questionnent, relancent, interrogent, redemandent des précisions, proposent à l’occasion une citation, un paradoxe... Ils se mettent à distance et ne font pas de lien avec leurs cours ni l’actualité, sauf si les élèves le font eux-mêmes. Animer l’atelier est souvent déstabilisant en raison d’une posture nouvelle et demande beaucoup d’écoute. En outre, un atelier n’est jamais le même selon le groupe. Ces ateliers philos sont exigeants et requièrent en amont beaucoup de préparation via des lectures, des podcasts, voire des échanges entre les enseignants eux-mêmes.