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faire dialoguer une œuvre littéraire et un tableau : de L’Étranger à Nighthawks

mis à jour le 30/03/2017


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Dans le cadre de l'étude en oeuvre intégrale de "L’Étranger", une séance d'analyse de l'image conduit les élèves à établir des rapprochements entre le roman d'Albert Camus et le tableau d'Edward Hopper, permettant ainsi une circulation entre des arts différents au sein d'une même époque culturelle, puisque ces deux œuvres datent exactement de la même année, 1942. Un travail d'écriture permet d'approfondir les éléments dégagés et d'aboutir à une synthèse. L'approche comparée permet d'interroger les deux oeuvres sur la question du silence et de l'absurde.

mots clés : lecture de l'image, peinture, histoire des arts


Contexte

La séance se déroule en classe de Première, dans le cadre de l'objet d'étude "Le personnage de roman du XVIIe siècle à nos jours".

Objectifs


Développer des compétences d'analyse de l'image


Il s'agit de développer des compétences d'analyse de l'image. La séance vise donc à placer les élèves en situation d'analyser le tableau afin de tenter d'en dégager les particularités et de parvenir, au final, à une interprétation satisfaisante.

Faire dialoguer texte et image

Elle permet également de réinvestir et d'approfondir les questionnements mis en évidence à propos de l’œuvre de Camus et d'interroger le rapport aux autres, au monde. 

Nighthawks

L'oeuvre

Edward Hopper, "Nighthawks", 1942, Huile sur toile, 84,1 x 152,4, The Art Institute of Chicago.
 

Déroulement

 
Étape 1 : Partir de ses impressions
Mettre en relation le tableau et le roman

Le tableau est projeté et il est demandé aux élèves de trouver un passage du roman qui pourrait correspondre à cette oeuvre et de justifier ce choix.

Exemples de choix
Différents passages sont proposés : les déjeuners chez Céleste au début du roman, l'entrevue avec le directeur de l'asile, les moments passés avec Marie...

Interprétations et synthèse
La mise en commun permet de mettre en évidence une atmosphère commune, l'expression d'un même rapport des individus entre eux et au monde, fondé sur le silence, l'étrangeté, la solitude, l'absurde.

Les élèves remarquent que les extraits du roman sont essentiellement situés dans la première partie, qui caractérise mieux le sentiment d'absurde à l'oeuvre également dans le tableau, ce qui montre une différence avec la deuxième partie dans l'attitude du personnage. La structure du roman est mise en évidence.
Étape 2 : écriture d'invention
Les élèves doivent ensuite écrire par groupes une courte nouvelle à partir du tableau, mettant en évidence la solitude des personnages tout en gardant le cadre spatio-temporel.

Cette nouvelle doit être précédée d'une lettre, destinée au directeur d'une revue littéraire, expliquant le choix de l'œuvre d'Edward Hopper en couverture et les raisons justifiant la publication de ce récit bref dans un numéro consacré à Albert Camus.

Étape 3 : synthèse
Les nouvelles sont lues, comparées, co-évaluées. Les échanges permettent de mettre en évidence la notion d'absurde également présente dans les deux oeuvres.

Autres pistes de mise en oeuvre
Une autre possibilité peut consister à proposer différents tableaux aux élèves et leur demander celui qu'ils choisiraient pour une nouvelle édition de L'Etranger.
D'autres possibilités de mise en oeuvre sont expliquées dans la partie "autres démarches possibles" de la ressource pédagogique "faire dialoguer une œuvre littéraire et un tableau : de Tartuffe à La Femme au masque".
 

 

Le peintre : Edward Hopper (1882-1967)

1899 : New York School of Illustrating ; 1900-1906 : New York School of Art. Une formation complétée par un séjour artistique à Paris. En 1908, en compagnie de quelques peintres, issus de la même école et se réclamant d'un réalisme proprement américain, il expose, pour la première fois, mais le succès tarde à venir : en 1923, il n'avait vendu que deux toiles. Pour gagner sa vie, il devient un illustrateur pour des magazines professionnels et des campagnes publicitaires. Enfin, en 1933, une première rétrospective de son œuvre fut faite et, en 1948, il représenta les États-Unis à la Biennale de Venise. Edward Hopper est le peintre réaliste de l'Amérique profonde, avec ses paysages, ses motels, ses bars... et, surtout, l'extrême solitude de ses habitants.


Le tableau

Une scène de nuit. Placé à l'angle de deux rues, un café restaurant dont le nom, Phillies, se détache sur le fronton, précédé d'un cigare, avec la mention de son prix : "Only 5 ct", et suivi de ce qui pourrait bien être le mot "American...".

Trois personnages sont accoudés au comptoir d'un café et un serveur s'affaire derrière celui-ci, nettoyant sans doute la vaisselle d'un client de passage, dont il ne reste qu'un verre vide au premier plan. Autant d'éléments apparemment réalistes confirmés par l'existence d'un diner, restaurant typiquement américain, identique de Grennwich Avenue, à New York, et dont le peintre a reconnu s'être inspiré.
 

L'analyse

 
La médiane verticale sépare nettement le tableau en deux : à droite, la scène de café, avec les personnages et une très grande partie du bâtiment et de son comptoir ; à gauche, l'espace de la rue, avec son trottoir sur lequel déborde un bout du comptoir et de la vitrine. Cette dernière amène sans rupture - d'autant plus qu'elles partagent un même triangle de lumière - l’œil du spectateur à la vitrine de l'immeuble de l'autre côté de la rue. Tout l'espace est occupé par ce dernier avec, au rez-de chaussée, cette double vitrine d'un magasin dont les étalages sont vides, à part la présence d'une caisse enregistreuse, et, à l'étage, une suite de fenêtres où un triangle de rideau blanc – un écho du triangle lumineux de la vitrine, qui fait passer naturellement l’œil du spectateur à l'étage – mû par le vent d'une saison assez douce pour que les fenêtres soient ouvertes, ou ce qui semble être un bouquet, laissent supposer qu'il s'agit d'appartements occupés.

Pour revenir au sujet même de ce tableau, nous nous apercevons que les deux montants verticaux et les bords horizontaux, plus sombres, de la vitrine encadrent un premier tableau dans le tableau, limité à la scène du café mais avec tous ses personnages. En appliquant la règle des trois tiers, le rectangle central, à droite, c'est-à-dire là où se situe la source lumineuse vers laquelle l’œil du spectateur est attiré, encadre parfaitement – un deuxième tableau dans le tableau - la porte, les deux percolateurs et les trois premiers personnages, le serveur et le couple, laissant le personnage de dos dans l'ombre. Tout l'art du peintre est de faire ainsi passer le spectateur, comme au cinéma, d'un plan large – le tableau avec les rues, l'immeuble, le café – à un plan moyen – la vitrine seule et les quatre personnages – à un plan rapproché – ce rectangle avec les trois personnages sous la lumière, l'amenant ainsi de l'extérieur à l'intérieur du café afin de s'intéresser de plus près à chacun des énigmatiques personnages de cette scène.

En affinant, si nous gardons la traverse noire au premier plan et celle, entre le gris et le jaune, formant l'angle de la vitrine à côté de la femme, nous nous apercevons que chaque personnage - le serveur, le couple et l'homme de dos - occupe un espace bien
délimité, à peu près de la même largeur, qu'il ne semble pas pouvoir franchir. Ils sont donc enfermés dans l'espace qui leur est dévolu mais aussi, plus largement, dans ce lieu clos, significativement sans porte extérieure ! En outre, chacun semble bien enfermé dans sa propre solitude : l'homme seul, un verre à la main ; le couple qui ne se parle pas : le regard baissé de l'un le montre perdu dans ses réflexions – il n'a même pas allumé sa cigarette -, les yeux de l'autre fixés sur une pochette d'allumettes comme si celle-ci allait lui révéler le sens de sa présence en ce lieu ; et le serveur, la bouche ouverte : il semble s'adresser au couple mais, en fait, le regard se perd dans le nuit de la vitrine du café, pour retomber sur le magasin vide... qui serait alors une métaphore du vide de son, de leur existence ? Des étrangers les uns pour les autres, qui ne se soucient guère du monde extérieur et qui ne vivent pas la même temporalité que leurs contemporains. Pour eux, le temps semble s'être arrêté : l'absence de pendule sur le mur, un bâtiment qui n'en finit pas de s'étirer dans la nuit. Ces noctambules sont en quelque sorte figés dans une éternité sans issue  ou sans transcendance, dans un univers aux angles droits et à la lumière crue, – les couleurs chaudes sont, majoritairement à l'extérieur, afin de mieux souligner la froideur anonyme, clinique, du lieu où seule la robe rouge de la femme met un peu de vie.   

    Ce tableau, Nighthawks, sans doute le plus connu d'Edward Hopper, est remarquable par son approche cinématographique de la réalité américaine, qui fait passer, le spectateur, de plan en plan, de l'extérieur à l'intérieur, au plus près de ces personnages ou, pour reprendre la traduction littérale du titre, de ces oiseaux de nuits. Ce qui explique, sans doute, pourquoi, dans l'adaptation, en 1946, de la nouvelle d'Ernest Hemingway, The Killers, Robert Siodmak reprendra, dans l'amorce de son film, le cadrage de cette toile, digne d'un film noir américain.

Bibliographie

  • Comment regarder un tableau, Françoise Barbe-Gall, Éditions du Chêne - Hachette-Livre, Paris, 2008, pages 40-47.
  • Hopper, Catalogue de l'exposition du Grand Palais, 10 octobre 2012-28 janvier 2013, Sous la direction de Henri Bovet, Publication de la Réunion des musées nationaux, Paris, 2012.
 
auteur(s) :

Pascal Doisneau, lycée Victor Hugo de Château-Gontier

information(s) pédagogique(s)

niveau : 1ère

type pédagogique : démarche pédagogique

public visé : enseignant

contexte d'usage : classe, salle multimedia

référence aux programmes : Programme des classes de Seconde et Première applicable à la rentrée 2011 : BO spécial n°9 du 30 septembre 2010.

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