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un projet d'édition pour rendre compte de l'étude d'une oeuvre intégrale : d' "Electre" aux "Remords d'Oreste"

mis à jour le 19/03/2018


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Comment réactiver les apprentissages menés pendant l’étude d’une œuvre intégrale de façon dynamique, en plaçant les élèves en activité ? Une tâche complexe conduit la classe à mener un travail éditorial : les élèves doivent concevoir un projet d’édition de la pièce Electre de Giraudoux, en intégrant en couverture un tableau et en annexe un corpus de textes. Ils seront amenés à justifier leurs choix, au regard de l’œuvre et de ses enjeux, face à l’éditeur…

mots clés : lecture de l'image, peinture, histoire des arts, oeuvre intégrale


Le projet : faire dialoguer une œuvre littéraire et un tableau

En prolongement d'une séquence sur Electre de Giraudoux, une dernière séance prend appui sur un groupement de textes antiques consacrés aux Atrides et sur une analyse de l'image. Le but est de conduire les élèves à établir des rapprochements entre des sources littéraires, la pièce de Jean Giraudoux et le tableau de William-Adolphe Bouguereau, "Les Remords d'Oreste" (1862) permettant ainsi une circulation enrichissante entre des arts différents mais reprenant les données d'un même mythe. La séance permet ainsi, par le biais d’une tâche complexe, de réaliser un temps de synthèse sur les apprentissages effectués pendant la séquence en les remobilisant. 

Contexte

tableauLa séance se déroule en classe de Première, dans le cadre de l'objet d'étude "Le texte théâtral et sa représentation, du XVIIe à nos jours". Elle clôt une séquence sur Electre, qui visait à s'interroger sur l'enjeu de cette œuvre selon la problématique suivante : Cette pièce est-elle, comme l’affirme Giraudoux, une tragédie bourgeoise ? Le choix de ce tableau était motivé par la volonté de montrer la violence, souvent insoupçonnée des élèves, que génère le héros tragique et dont il est lui-même victime.

Objectifs

Développer des compétences d'analyse de l'image.
Cette séance cherche à placer les élèves en situation d'analyser un tableau afin de tenter d'en dégager les particularités et de parvenir, au final, à une interprétation satisfaisante. Ils doivent mobiliser des outils d’analyse spécifiques à l’image fixe en général et à l’art pictural en particulier.

Les Remords d'Oreste ou Oreste poursuivi par les Furies, 1862, William-Adolphe Bouguereau.
Huile sur toile, 227 x 278 cm, Chrysler Museum of Art, Norfolk, Virginie.


Associer le travail des compétences de lecture à celles d’écriture et d’expression orale

Les élèves doivent défendre à l’oral d’abord, puis à l’écrit, leurs choix de tableau et de corpus visant à éclairer la pièce étudiée. Ils doivent donc remobiliser les compétences de lecture travaillées dans la séquence en reformulant les enjeux de l’oeuvre et argumenter. Ainsi, les compétences d’écriture, d’oral et de lecture se trouvent liées. 

Avant la séance

Une recherche conduit les élèves à définir qui sont les Erynies et leurs attributs.
Ils doivent également lire un corpus d’extraits des Euménides et des Choéphores d'Eschyle. Ces textes, présentés avec ceux d'Euripide et de Sophocle, permettent non seulement d'aborder l'histoire littéraire d'un mythe, mais aussi d'étudier les sources de l'Electre de Jean Giraudoux et d'analyser les diverses transformations opérées par l'auteur, afin de mieux saisir toute la spécificité de cette pièce.

La séance sous forme de tâche complexe

Étape 1 : travail par groupe (30 mn)
Il est demandé aux élèves d’imaginer un projet éditorial : une nouvelle édition de la pièce de Giraudoux, Electre, qui présentera en couverture le tableau de Bouguereau et en dossier complémentaire le corpus de textes qui l’ont inspirée.
Ils doivent préparer leur rencontre avec l’éditeur : justifier le choix de la couverture et du dossier complémentaire en démontrant leur pertinence au regard de la pièce de Giraudoux.

L’étude du tableau, associé au corpus à lire, permet de réinvestir la notion de tragique, mise en évidence lors de l'étude de l’œuvre de Jean Giraudoux : Oreste est bien de sang royal ; l'intervention divine – les Erynies - est explicite et la catharsis est bien présente. Le spectateur ne peut que ressentir de l'effroi face au matricide et de la pitié pour ce personnage acculé à la folie.

Étape 2 : restitution de propositions et construction d’une synthèse collective (15 minutes)
Plusieurs groupes présentent leur travail, ce qui permet progressivement de dégager des éléments d’interprétation du tableau et des liens entre le corpus et l’œuvre étudiée. Les groupes qui ne sont pas interrogés font figure de comité éditorial, devant juger la pertinence de l’argumentaire et de la prestation orale. Les éléments présentés sont pris en note et validés collectivement afin de construire une synthèse.

Étape 3 : réinvestissement (10 minutes)
A la suite de cette analyse et en vue de l'entretien lors de l'épreuve orale de français, il et demandé aux élèves de justifier par écrit le choix de ce tableau pour illustrer la pièce de Jean Giraudoux. Ils doivent ainsi réinvestir les éléments mis à jour par l’activité.
 

Éléments d'analyse

Le peintre
Une formation aux Beaux-Arts de Paris. Il obtint le prix de Rome en 1848 et en 1850. Ses peintures sont exposées régulièrement au Salon de Paris. Il est considéré comme l'un des représentants de l'Académisme (1), avec des toiles telles que "Flore et Zéphyr" ou "La Naissance de Vénus", datant respectivement de 1875 et 1879.

Le tableau
Le sujet est mythologique, d'où les dimensions de ce tableau réservées aux genres nobles, c'est-à-dire traitant des sujets religieux, historiques ou mythologiques. Oreste, qui vient de tuer sa mère, Clytemnestre, est poursuivi, pour reprendre l'un des titres de ce tableau, par les Furies, qui ne sont autres que les Erynies grecques : Alecto (l'Implacable), Tisiphone (la Vengeance) et Mégère (la Haine). Elles sont les divines gardiennes de la justice et poursuivent inlassablement les criminels, afin de leur inspirer des remords, la crainte du châtiment et une angoisse sans fin. Sur cette toile, les serpents mêlés aux cheveux des trois femmes, la torche que tient l'une d'elles permettent aisément de les reconnaître.

L'analyse
Le spectateur est d'abord frappé par l'aspect monumental du groupe central, qui occupe largement l'espace du tableau, ne serait-ce que dans le déploiement des drapés : les personnages, qui semblent surgir devant lui, sont d'une taille réelle ou peu s'en faut et la lumière, qui l'éclaire violemment, joue du contraste avec l'arrière-plan. Ce fond, presque exclusivement d'une teinte sombre, permet, en effet, de mieux détacher cet ensemble de personnages, ainsi mis en lumière, en même temps qu'il suggère que les Erynies sortent de l'ombre – le serpent serait invisible sans l'opportune tache de pâle lumière et le drapé gris, de l'Erynie de droite, prend les couleurs de la nuit dont il sort – à la suite du meurtre d'Oreste, alors que Clytemnestre, agonisante, déjà livide, y entre à son tour : le rouge de sa toge, qui rappelle, par l'analogie avec le sang de sa plaie, qu'elle est elle aussi une meurtrière, s'estompe largement dans cette même ombre, dans cette même nuit.
Les diagonales permettent de constater que le triangle supérieur réunit tous les personnages en un groupe compact agité par les conséquences immédiates d'une seule action, ne serait-ce que par le biais des visages voire la moitié des corps comme le confirme la médiane horizontale, qui traverse le corps du personnage au premier plan. C'est-à-dire Oreste, dont les liens filiaux sont suggérés par la blancheur des vêtements qui les recouvrent, lui et sa mère. Immédiatement derrière lui, se tient Clytemnestre, qu'il vient de tuer d'un coup d'épée au cœur et que soutient l'une des Erynies : sa main droite est sous le bras de la reine qui expire. La diagonale, partant de cette arme, rejoint la main levée, celle qui tient le serpent, de la seconde Erynie, soulignant ainsi le fait que c'est bien ce matricide qui appelle leur présence : elles naissent du sang maternel. Et l'une des couleurs de la torche, que tient la troisième divinité infernale, rappelle la couleur du sang qui coule de la plaie de la victime, tout comme la toge rouge de cette dernière semble l'amplifier démesurément et rajouter ainsi à l'horreur du crime. Toutes trois désignent, d'un doigt tendu, la mourante et, plus exactement, l'épée mortelle. Elles hurlent leur haine (2), comme le suggère la torsion des bouche, et regardent Oreste d'un regard vengeur, ce que le spectateur peut déduire du froncement des sourcils ou de la noirceur des yeux. Elles cernent cet homme – un rond parfait entourant ces personnages confirme cette idée – pour mieux le rendre fou, d'où les deux mains sur les oreilles et cet air égaré qui le caractérise, sans omettre la prostration du corps et la bouche entrouverte dénotant l'effarement. Plié par la douleur – ou, pour reprendre l'un des titres, par les remords symbolisés par ces trois furies -, il tente désespérément mais vainement de leur échapper.
Outre le fait que les vêtements des Erynies flottent au vent, suggérant ainsi les ailes qui les caractérisent habituellement, la partie inférieure de la médiane horizontale permet de constater, avec la divinité de droite, qu'elles volent au-dessus du sol, alors qu'Oreste tente de les fuir. Ce qui permet d'ailleurs d'attirer l'attention du spectateur sur cette partie du tableau. Le sol en marbre, au premier-plan, évoque, avec ses feuilles de laurier, le temple d'Apollon (3) de Delphes, signalant ainsi que le peintre suit au plus près l'Orestie d'Eschyle et, plus précisément dans cette trilogie, la fin des Choéphores, qui se clôt sur le crime vengeur d'Oreste, et le début des Euménides, dont le décor initial est bien ce temple où le héros s'est réfugié. Enfin, les rares tâches lumineuses, qui semblent traverser le tableau, peuvent suggérer l'aurore. C'est-à-dire, sans doute, le salut prochain qu'Oreste trouvera lors du procès qui clôt cette œuvre et à la suite de quoi les Erynies deviendront les Euménides, autrement dit les Bienveillantes.

Une œuvre académique certes, le traitement des corps n'est pas sans rappeler la statuaire antique, mais qui a le mérite de permettre une ouverture sur l'histoire de l'art et de la littérature, et de mettre en lumière l'hybris du héros tragique et ses terribles conséquences. Notons enfin que la catharsis, cette notion propre à la tragédie, est idéalement présente dans cette toile aux dimensions déjà faites pour impressionner. Le spectateur ne peut que ressentir de l'effroi, face au matricide, et de la pitié pour ce héros acculé à la folie par ces terribles et vengeresses Erynies.

1-Académisme : ce terme désigne le style traditionnel dispensé par l'Académie de Peinture au XIXe siècle. Les principes sont la hiérarchie des genres et des formats, le choix de sujets nobles, l'imitation des Anciens...

2-La symbolique des expressions, présente dans ce tableau, n'est pas sans rappeler celle des masques des tragédies antiques.

3-C'est sur l'ordre d'Apollon qu'Oreste vient à Argos punir les meurtriers de son père, Agamemnon, et c'est sur ses conseils qu'il se rend dans ce temple.
 
auteur(s) :

Pascal Doisneau, lycée Victor Hugo de Château-Gontier

information(s) pédagogique(s)

niveau : 1ère

type pédagogique : démarche pédagogique

public visé : enseignant

contexte d'usage : classe, salle multimedia

référence aux programmes : Programme des classes de Seconde et Première applicable à la rentrée 2011 : BO spécial n°9 du 30 septembre 2010.

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