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développer des pratiques de classe mutuelle au lycée

mis à jour le 30/05/2023


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Dans l‘espace classe de Stéphanie Cailleau, professeure de SVT (sciences de la vie et de la Terre) au lycée Julien Gracq à Beaupréau, les élèves sont à l’œuvre. Le savoir n'est pas descendant, il se construit et il circule. Les élèves se questionnent, réfléchissent, bâtissent, élaborent et expliquent. La réflexion est collective, c'est ensemble que les élèves apprennent. Des îlots, de taille variable, favorisent les échanges. Des tableaux, nombreux, sont répartis dans l'espace, supports de la pensée en construction. L'espace est au service des apprentissages. L'enseignante expérimente, depuis la rentrée de septembre 2021, la classe mutuelle. Une bonne occasion de se demander pourquoi miser sur un tel dispositif ? Quel gain pour les élèves et l'enseignant-(e)?


mots clés : échanger, classe mutuelle, coopération, lycée, postures enseignantes


Le concept de classe mutuelle est développé en 2015 par Vincent Faillet1, professeur agrégé de sciences de la vie et la terre en lycée. Les principes de la classe mutuelle reposent sur trois phases essentielles : D'abord, une phase conceptuelle pendant laquelle l'enseignant donne les informations nécessaires aux élèves pour réaliser l'activité, l'enseignement est explicite et les élèves peuvent intervenir en posant des questions. Puis, une phase mutuelle qui repose sur un travail entre pairs sur des tableaux. Lors de cette étape, l'enseignant circule, régule et observe. Enfin, une phase bilan où l'on revient sur les productions présentent sur les tableaux en les commentant et où l'on collecte les traces. Lors de ce retour, l'enseignant ou les élèves apportent si besoin des corrections.

Quels problèmes l'enseignante cherche-t-elle à résoudre en mettant en œuvre des pratiques de classe mutuelle ?
Les enjeux auxquels Stéphanie veut répondre en mettant en œuvre des pratiques de classe mutuelle dans son lycée sont multiples. Il s'agit d'abord de favoriser l'autonomie face à la démarche expérimentale, consciente qu'une autonomie plus grande de l'élève lui permettrait de dégager davantage de temps pour les élèves aux besoins plus importants, mais aussi de les rendre autonomes dans la cherche d'informations et de solutions, pour les préparer au post-bac. Dans cette perspective, Stéphanie souhaite améliorer la différenciation en favorisant le suivi du travail individuel. Ensuite, l'enseignante cherche à respecter le rythme d'apprentissage des élèves, tout en gardant la même exigence en termes de savoir et de savoir-faire. Enfin, il est question aussi de laisser davantage de place à la parole de l'élève.
Forte de ces constats, Stéphanie participe lors de l'année scolaire 2020 à un stage sur le développement des pratiques de la classe mutuelle inscrit au PAF (Plan académique de formation). Elle sortira de cette formation avec l'envie de modifier sa salle de classe pour changer de pédagogie, en commençant par la formation d'îlots et l'usage de tableaux multiples dont elle demandera l'achat au gestionnaire du lycée, soit huit tableaux double face sur roulettes qui seront installés dans sa salle de classe, ainsi que l'envie d'étendre ces nouvelles pratiques à l'équipe pédagogique du lycée. Elle se rapproche pour cela de l'équipe de direction afin de demander la mise en œuvre d'une formation de proximité à destination de l'équipe pédagogique. En découlera l'idée d'aménager dans l'enceinte du lycée, un espace favorisant les pratiques de la classe mutuelle. Cet aménagement se fera par étapes, inhérentes à l'achat du matériel et aux contraintes budgétaires d'un établissement. “Le matériel n'est pas si contraignant”, assure Manuel Mercier, proviseur adjoint du lycée qui soutient le projet. À la rentrée de septembre 2021, une salle permettant plus de flexibilité sera dédiée aux pratiques de classe mutuelle. Huit tableaux blancs sont fixés aux murs et viennent s'ajouter au tableau enseignant. L'acquisition d'un mobilier favorisant le bien-être des élèves complète l'agencement de cette salle : poufs, ballons, tables réglables en hauteur. L'espace pédagogique s'étend au-delà des murs de la salle ; une salle contiguë, la terrasse et l'espace couloir, sont autant de lieux investis par les élèves en activité. Cette salle est réservable. Pour pallier à l'éventualité du manque d'accès à la salle, une seconde salle disposant de multiples tableaux est aménagée.

L'expérimentation porte sur l'enseignement de spécialité SVT de classe terminale. La classe mutuelle s'avère un bon moyen de provoquer la coopération qui se développe au gré des séances et les automatismes qu'acquièrent les élèves contribuent à la réussite du dispositif. En 2021/2022, lors de la première année d'expérimentation, la classe est composée de 35 élèves. Cette année, ils sont 16 en classe de terminale dans cet enseignement de spécialité.
 
Stéphanie repense alors ses séances pédagogiques. La conception d'activités complexes engage en effet les pratiques de classe mutuelle. Les supports de travail jouent un rôle important dans la séance d'enseignement mutuel de Stéphanie qui comprend à minima une feuille de route et des corrections consultables pour favoriser l'autonomie. La feuille de route guide les élèves qui doivent répondre à une question problème. On observe une première phase de découverte de la notion et d'investigation, une seconde phase d'écriture à mesure que la réflexion progresse. Enfin, une dernière phase de schématisation. Ce passage au schéma permet de voir si la notion est vraiment comprise. Enfin, d'autres documents peuvent compléter les supports de séance : les coups de pouce et la grille d'auto-évaluation.
Au cours de la séance, une plus grande liberté est laissée à l'élève : il choisit sa place, les îlots ne sont pas fixes et peuvent varier au fil de la séance, ainsi que le matériel dont il a besoin, à l'instar de Hugo, Joan et Jordan qui sont installés dans une salle contiguë. Ils utilisent le vidéoprojecteur pour projeter les supports de travail et utilisent le tableau pour poser leur réflexion. Le tableau devient support d'échange. Ainsi, cette réflexion en construction se voit, on en garde la trace, ce qui permet la reformulation aux pairs ou à l'enseignante lors de son passage dans les groupes. C'est en effet lors de cette phase de reformulation et d'explicitation que l'enseignante valide le savoir dont elle est la garante.
 
Ces modalités d'apprentissage favorisent ainsi la verbalisation. Dans la classe de Stéphanie, l'inversion du temps de parole est remarquable. Au cours de la séance observée, la parole des élèves occupe plus de place que celle de l'enseignante qui arbore davantage une posture de lâcher prise et d'accompagnement. Les élèves se questionnent entre eux, expliquent leurs idées et formulent des hypothèses : “Il faut comparer le glucose avec l’adrénaline”, “je pense qu'il faut regarder le rythme cardiaque”. Les échanges font progresser la réflexion qui est posée par écrit dans le cahier de l'élève. Le schéma, sur les tableaux, complète la rédaction, en est l'aboutissement.

Les critères de réussites observés sont nombreux. Le bénéfice apporté par la multiplication des tableaux est double : visibles de tous, ils permettent aux élèves de visualiser les étapes de construction des autres groupes et ainsi aident à la progression. Le cheminement étant visible, c'est aussi un moyen pour l'enseignante de mieux identifier les besoins de ses élèves au cours de la séance. Elle peut ainsi apporter son aide mais aussi vérifier la justesse de la progression et valider avec les élèves leurs travaux. En effet, à partir du schéma, Stéphanie questionne pour approfondir la notion et s'assurer de sa compréhension. En fin de séance, un regroupement se fait autour d'un tableau présentant une réflexion aboutie. Un élève reformule à la classe les étapes de sa réflexion. Si besoin, l'enseignante ou les élèves corrigent ou complètent.
Les modalités d'apprentissages développées par Stéphanie font l'unanimité auprès de ses élèves, comme en témoignent Hugo, Joan et Jordan : “Chacun avance à son rythme. On va chercher des auto-corrections. Jordan est arrivé une activité après nous”, “On interagit, c'est plus motivant. On travaille mieux, il y a toujours plus de détails, plus d'éléments”. Clémentine, Lucie et Émeline partagent cet avis : “On peut aider les autres. Quand on est seul, c'est plus compliqué, on est livré à nous-même“. Quant à la flexibilité au sein de l'espace classe, “on est à l'aise, l'esprit plus détendu”, ajoute Noah, son voisin. Avis confirmé par Ryan, “C'est moins pesant”. Le mobilier à disposition, des poufs, des ballons ou des tables hautes, favorise ce bien-être propice aux apprentissages. Les élèves savent rapidement l'utiliser à bon escient.
Les savoirs sont mieux maîtrisés grâce à l'appropriation et la verbalisation. La mutualisation, “ça aide beaucoup à comprendre notre problématique” déclare Jade. De son côté, Ryan partage ce constat, “On a l'impression de mieux comprendre les documents”.
Du côté de l'enseignante, la méthode est efficiente, la construction des concepts et l'élaboration des schémas par l'élève, “c'est du temps de gagner pour la suite, la mise en place d'automatismes”. Quant à son programme, il faut s'imposer un rythme et revenir pour certaines connaissances à la transmission d'un savoir plus descendant. Un constat est parlant, “Je n'ai plus d'élève qui attend”, remarque Stéphanie. Tous sont dans la construction et trouvent réponse à leurs questions auprès d'un pair ou de l'enseignante. Enfin, si les préparations de séances demandent du temps, les modalités d'apprentissages permettent à Stéphanie une plus grande disponibilité pendant la séance, mise au service de l'observation et de l'accompagnement des élèves. Elle remarque aussi un regard plus positif des élèves sur l'évaluation, les élèves ne se comparent pas au niveau des résultats.
Devant ces constats positifs, Stéphanie Cailleau, soutenue par la direction de son établissement, souhaite bénéficier d'un accompagnement Cardie visant à intégrer cette expérimentation au projet d'établissement, mais aussi à l'amélioration du dispositif afin de favoriser sa mise en œuvre par les collègues désireux de développer ces pratiques.
Ainsi, à l'aune du dispositif observé dans la classe de Stéphanie apparaissent des principes clés pour se lancer, à savoir, l'aménagement d'un espace classe au service de la circulation des élèves et de la flexibilité, une situation favorisant la mutualisation et une séance cadencée sur un rythme ternaire (conceptualisation-explicitation, mutualisation, bilan) et un mot d'ordre, commencer humblement.


1. Vincent Faillet, professeur agrégé de sciences de la vie et de la Terre, auteur de La Métamorphose de l'école La métamorphose de l'école ; ressource sur la classe mutuelle disponible aussi sur le site du ministère de l’Éducation nationale de la jeunesse et des sports QUID #1 : la classe mutuelle - Archiclasse.
 
contributeur(s) :

S. Cailleau, M. Mercier, Lycée Julien Gracq, Beaupréau - 49
É. Rauhut

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