innovation pédagogique

Dès la deuxième semaine de cours, une classe toute nouvelle au collège a connu deux jours marquants lors de son premier Temps fort. Intitulé "À la découverte du collège et de son environnement", celui-ci a permis aux élèves de sixième A de faire connaissance, tout en étant tout de suite immergés dans les apprentissages. Le premier jour a concerné l'établissement et son environnement immédiat. Le matin, les élèves ont fait connaissance avec leur cadre de travail en découvrant, en sciences de la vie et de la Terre, les êtres vivants qui peuplent la cour du collège, puis en interviewant des membres du personnel, des surveillants à la professeure-documentaliste. L'après-midi, en géographie, ils ont exploré le quartier où se situe le collège. Le second jour, à dominante sportive, les a conduits au parc de Procé. Le matin, ils se sont livrés, par équipes de trois, à une course d'orientation. L'après-midi, ils ont participé aux trois ateliers suivants : jeux géométriques, athlétisme et écriture. C'est au cours de ce dernier atelier que certains ont rédigé individuellement de courts textes narratifs sur ce premier Temps fort de l'année.

Ces deux jours constituent donc le début de ce projet spécifique fondé sur l'évaluation par compétences du socle commun. Si l'on songe à la vie d'adulte, savoir s'orienter dans l'espace, gérer son budget, soigner son enfant, voter conformément à ses intérêts, constituent autant de compétences incontournables. Quelles activités élaborer qui soient susceptibles d'aider les élèves à les construire ? Et comment construire et évaluer les compétences en actes ? Après la découverte du collège et de son environnement, les autres Temps forts ont porté sur l'orientation, la santé, l'environnement. La philosophie du projet, conforme au socle commun des connaissances et des compétences, réside dans des stratégies d'apprentissage de nature à mettre les connaissances en actes. L'ensemble des Temps forts a été fondé sur le décloisonnement disciplinaire. "Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es" a consisté en un travail autour des aliments. "Une émotion peut en cacher une autre" a résidé en l'étude d'un texte de Roald Dahl, accompagnée d'une mise en scène et en musique. L'année s'est poursuivie par un voyage à Paris, avec tenue d'un cahier de bord, avant de se conclure sur "Débranche tout", une activité d'accrobranche qui s'est déroulée à Pornic.

La mise en place de ce projet se fonde sur la liaison entre école et collège. La question de l'évaluation est manifeste lors des conseils de classe et en ce qui concerne la conception et la rédaction des bulletins trimestriels. Ceux-ci, inspirés et adaptés d'un projet mené au collège Clisthène de Bordeaux, ont été élaborés en termes de compétences avec les corps d'inspection. Aux évaluations chiffrées, se substitue une évaluation chromatique en vert, orange et rouge pour signifier si une compétence est validée, partiellement validée 1 ou en cours de validation. Sur les bulletins, figurent des considérations sur les efforts fournis, des conseils pour progresser, etc. qui ont pour finalité d'offrir une vision élargie du métier de collégien avec ses divers aspects. Ainsi, la première rubrique, qui porte sur le travail et l'attitude de l'élève, apprécie l'assiduité, l'attention, la participation, le respect, etc. Particulièrement détaillés, ces bulletins sont distribués lors d'une réunion avec les parents, afin d'instaurer un partage entre eux, leurs enfants et les enseignants au sujet de leur contenu. C'est aussi l'occasion d'expliquer la philosophie du projet et son système d'évaluation chromatique aux parents qui apprécient de mieux situer leur enfant. L'exemple présenté concerne un élève dont le comportement face au travail n'est guère satisfaisant, mais qui a progressé au cours du troisième trimestre au point de passer en cinquième, grâce aux Temps forts, notamment (voir annexe).

En janvier, au cours d'une journée dédiée au projet d'établissement, un atelier s'est tenu au sujet du socle commun de connaissances et de compétences. Celui-ci réunissait une pluralité d'enseignants. Le témoignage des enseignants d'EPS a permis de faire émerger deux grandes idées : d'une part, il est malaisé d'évaluer une compétence qui est toujours le résultat d'une mise en œuvre complexe de plusieurs capacités, et d'autre part, les compétences sociales - par exemple, respecter les règles - leur semblent trop vagues, car elles renvoient plus à une attitude qu'à une performance. D'ailleurs, les enseignants ont l'habitude d'évaluer par compétences de manière non chiffrée. Si, en EPS, l'évaluation certificative est inchangée, l'évaluation formative, en revanche, est désormais axée sur l'écrit et l'oral avec des fiches d'activités critériées. Ainsi, en natation, le passage du niveau 1 au niveau 2 repose sur une autoévaluation en fin de trimestre. Savoir nager constitue en effet une capacité figurant dans la compétence "L'autonomie et l'initiative" du socle commun. En langues, le cadre européen commun de référence fournit un modèle formalisé d'appréciation qui prédispose totalement à l'évaluation par compétences.

Comme on l'a déjà signalé, les apports de ce projet ont été de motiver les élèves en renouvelant les thèmes des Temps forts afin de dynamiser le groupe à chaque nouvelle période. Les sujets imaginés pour chaque période ont créé des espaces transdisciplinaires de travail, aboutissant à une production finale réussie. Les élèves ont pu ainsi mieux se connaître dans des relations de travail tout en montrant leur potentiel. Cependant, les élèves en très grande difficulté ont souffert au troisième trimestre, faute de soutien individuel, tandis que les Temps forts n'ont pas toujours proposé des situations suffisamment complexes pour évaluer de multiples compétences et leurs transferts. Quelques ajustements du projet ont donc été envisagés. À l'avenir, des moments de différenciation identifiés seront ménagés afin de soutenir les élèves en très grande difficulté scolaire (voir annexe). Une bibliothèque de supports pédagogiques sera créée afin d'évaluer plus souvent les élèves. Par ailleurs, il faudra permettre à davantage d'enseignants de s'approprier le socle en accompagnant leurs évolutions de pratique en multipliant les échanges. Un suivi individualisé par discipline sera réalisé avec un historique sur une période de quatre ans, tandis que des équipes transdisciplinaires approfondiront la pratique de référentiels communs.

Toutefois, certaines interrogations persistent parmi les enseignants. Comment, par exemple, évaluer les compétences sociales et civiques ? Comment faire en sorte que les élèves faibles valident des compétences ? Le Projet personnel de réussite éducative peut-il y contribuer en traitant les points rouges ? D'autres idées surgissent, telles que celle de fédérer toutes les disciplines autour d'une compétence transdisciplinaire. Par exemple, faire rédiger pendant un mois dans toutes les matières. Ou bien encore, afin de favoriser le transfert de compétences d'un champ de savoir à l'autre, germe un projet axé sur la compétence "Les principaux éléments de mathématiques et la culture scientifique et technologique", réunissant mathématiques, sciences physiques et sciences de la vie et de la Terre. En tout cas, l'objectif pour l'année 2010-2011 est bien, à l'image du transfert de compétences, d'exporter l'expérience de la sixième A aux trois classes de sixième du collège, à condition de réduire le nombre de Temps forts annuels à deux, en fonction des ressources humaines nécessaires à leur animation. Il semble que ce véritable défi ait conféré de la cohérence aux enseignements, et offert un espace propice au développement de l'évaluation par compétences. Ainsi généralisée, la pratique des "Temps forts" ne connaîtra pas de temps morts.

1. Commentaire du comité éditorial : Depuis mai 2010, l'expression "partiellement validée" n'a plus cours pour valider une compétence. Cette expression qui renvoie à la progressivité des apprentissages, à ce que l'élève sait faire à un instant donné, est réservée à l'évaluation.