Il est essentiel de favoriser l'autonomie. Les écueils à éviter seraient de prioriser la réussite du projet au détriment de ce que celui-ci apporte aux élèves comme modalité d'apprentissage, de perdre de vue l'élève au profit du groupe et de l'îlot et de penser acquis par chacun le résultat final obtenu par un autre. Mais encore, de répartir les tâches sans répartir les connaissances, risquant ainsi de spécialiser les élèves en les confortant dans ce qu'ils savent déjà faire en maintenant ainsi une courbe de progression plate. Face à cette hésitation entre donner à faire la même chose en même temps, et s'assurer ainsi l'acquisition par chacun, ou faire foisonner la créativité, qui risque de n'être le fait que des seuls actifs du groupe, la démarche en losange de Sébastien s'inscrit dans une démarche hybride. L'enseignant s'autorise alors à varier dans l'année
les modalités actives dans la pédagogie de projet, d'un groupe à l'autre et au fil du projet.
Les modalités inhérentes à la stratégie en losange demandent de jongler entre travail collaboratif et coopératif. Cela demande une grande connaissance et anticipation du projet par le professeur. Les tâches sont complémentaires, intriquées/synchronisées, ou pas, selon la taille ou la complexité du projet. Afin de s'assurer qu’ils se sont accaparés le projet, les élèves doivent percevoir la logique du travail à effectuer et pouvoir formuler ce qu'ils font et pourquoi ils le font. L'enseignant se met en retrait pour que les élèves affrontent seuls les difficultés pour progresser, mais aussi afin de les observer et d'appréhender leurs difficultés et réussites : “Il faut accepter une pédagogie plus ou moins ouverte en fonction des objectifs de formation, mais dont l’aboutissement est de laisser gérer le projet en autonomie par les élèves”, déclare Sébastien. Comme un chef d’orchestre (
cf. Bucheton), il reste légèrement éloigné mais supervise et intervient quand il le faut pour débloquer les situations. Dans ce cas, il faut pouvoir arrêter un travail en cours, faire le point ou donner une explication voire une autre activité, ce qui demande une grande réactivité : “Il ne faut pas laisser de ‘mou’ s’installer sinon on perd les élèves, ni insister quand une tâche ne prend pas.”, affirme l'enseignant.
L'évaluation individuelle au sein du collectif passe par plusieurs stratégies : les évaluations écrites reprennent les connaissances normalement acquises pendant le travail de groupe. Ceux qui se sont impliqués réussissent et les autres comprennent que leur méthode de travail est à revoir. À l'oral, chaque élève est évalué pendant la revue de projet de groupe sur des compétences ciblant la posture et l'expression. Dans un projet où chacun a sa tâche, Sébastien évalue le compte rendu individuel : au sein de l'îlot, chacun fait un topo sur ce qu'il a fait et les points importants à retenir. Enfin, pour des points techniques spécifiques (apprentissage pur d'un geste ou d'une pratique), avant de transférer dans le projet (utilisation d'un logiciel, dessin à la main, programmation), les élèves s'entraînent individuellement pour acquérir les bases et Sébastien évalue le travail qu'ils lui rendent : pour le logiciel, ils font en séance et l'enseignant coche leur progression; pour le dessin, Sébastien ramasse les travaux de chacun ; pour la programmation ou la CAO, conception assistée par ordinateur, ils ont un compte perso sur une plateforme dédiée pour que leur travail soit évalué.
Côté élève, ça foisonne. Les élèves approuvent la logique des tâches données et s'engagent. En autonomie, ils montrent qu'ils sont capables de s’organiser. Ils savent pourquoi ils viennent et ce qu’ils vont faire, ce qui facilite la gestion des activités et permet d'instaurer un climat propice aux progrès. L’autre effet de ces projets est l’émulation entre les groupes. Chacun affine son esprit critique lors des revues de projet : “Globalement ça tire vers le haut, et même quand le projet “rate”, ils sont capables de définir pourquoi, comment y remédier, etc. Bref mon objectif d’enseignant est atteint !”, constate Sébastien. L'enseignant veille à construire des activités contenant un obstacle à leur portée, ce qui encourage les élèves dans leur réussite. “Je n’hésite pas à changer jusqu’à ce que ça soit motivant, puis je garde l’activité quitte à ce que le projet ne change plus pendant longtemps…Malheureusement pour moi ! Mais pas pour eux qui le découvrent chaque année.”.