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“rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme”  ?

mis à jour le 12/12/2013


echanger dossier 11

L'eau, la terre, l'air, le feu. Quatre éléments reliés par un cinquième : l'esprit. Ces cinq éléments sont à la base d'un projet à deux volets mis en œuvre durant l'année scolaire 2011-2012. Qu'en est-il un an après ? Qu'est-ce qui a bien marché, qu'est-ce qui a moins bien fonctionné ? Quelle évolution est alors donnée à une action sans cesse questionnée par l'équipe enseignante ?

mots clés : échanger , développement durable, citoynneté, projet pluridisciplinaire, jeu, apprentissage


changer avait rencontré Éric Vrignon en février 2012. Ce dernier avait alors exposé le projet mis en œuvre avec les troisièmes MDP 1, un projet à deux volets dont l'objectif était que l'apprentissage, comme le développement, soit durable. Il s'agissait de susciter de manière ludique l'envie d'apprendre en luttant contre la "volatilité" des acquis, ce qui a donné lieu à la mise en œuvre d'un jeu, à la manière du Trivial Pursuit, réalisé sur l'ensemble de l'année scolaire. Le second volet de ce projet, à caractère écocitoyen, devait se concrétiser par la conception et la réalisation de bornes de tri sélectif. Ces deux aspects étaient liés entre eux par les quatre éléments - l'eau, la terre, l'air et le feu - qui constituent les ressources vitales à préserver et protéger. Ce qui ne se peut faire que par la mobilisation du cinquième élément : l'esprit. Connaissances, apprentissage, citoyenneté, écologie se trouvaient ainsi liés dans un unique projet entrant pleinement dans une démarche de développement durable. Un premier article intitulé, comme le jeu de société réalisé par les élèves, "Le cinquième élément", s'est fait l'écho de cette expérience. Mais, en février, l'action était en cours ; si certaines phases avaient été réalisées, d'autres étaient encore à l'état de projet. Échanger est donc retourné voir sur place en octobre 2012. Quel bilan les enseignants ont-ils effectué de ce projet de l'année écoulée ? Tout ce qui était prévu a-t-il été accompli ? Quels effets sur les élèves ? Quels points positifs et quels aspects à améliorer ? Qu'en est-il de cette action au moment où commence une nouvelle année scolaire ? Quelle "durabilité" pour un projet lui-même consacré au "développement durable" ? Autant de questions qu'Échanger a posées à Éric Vrignon, et dont les réponses font l'objet de ce nouvel article.

On recommence une partie !

Dès juin, l'enseignant nous écrivait, lors de la préparation de notre rencontre future, "Au-delà de l'enthousiasme des élèves pour cet essai d'éducation durable, l'équipe de troisième a reconduit pour l'année prochaine l'expérience, avec des suppressions et des améliorations, de manière à ce que ce soit plus efficace". Donc, globalement, ça marche ! Le premier facteur de réussite de cette action, qui en était aussi un objectif majeur, tient à l'investissement des élèves, pour ce jeu éducatif. Plusieurs critères permettent de le mesurer : d'abord la production - trois cent trente-trois questions ont ainsi été rédigées l'an dernier - mais aussi l'engagement des élèves. En cours d'année, il a bien fallu les relancer, fait remarquer le professeur, mais ils se sont réellement "pris au jeu", comme en attestaient déjà les manœuvres d'espionnage pour savoir combien de questions produisaient les concurrents. La phase finale du jeu grandeur nature, qui a vu s'affronter les quatre équipes "eau, air, terre, feu" a eu lieu le vendredi 15 juin. "L'ambiance au 'défi du cinquième élément' a été chaude et passionnée", écrivait encore Éric Vrignon. Les élèves ont tout fait eux-mêmes : les questions et les règles du jeu (voir article "Le cinquième élément"), mais aussi le gros dé et le plateau de jeu grandeur nature, dessiné sur le sol de la cour (voir ci-dessous). Ça a si bien fonctionné que l'équipe va mettre en place cette année deux phases de jeu.

Plutôt deux fois qu'une !

Outre le succès de l'opération et l'investissement des élèves, plusieurs raisons expliquent cette décision. Une première rencontre en milieu d'année permettra de relancer la dynamique de ce projet étalé sur toute l'année scolaire. Elle permettra également de tester ce qui a déjà été produit pour procéder aux améliorations nécessaires, comme par exemple le niveau de difficulté des questions posées ou la pertinence des règles du jeu élaboré. Lors de la grande partie de juin, les élèves ont de suite noté les failles du règlement (plus vite que les enseignants). Ils manœuvraient, par exemple, pour ne pas tomber sur les cases les plus pénalisantes, comme la redoutable case "mort" qui impose de revenir à la case "départ", en refusant parfois d'avancer, comme le règlement le leur permettait. De la même manière, les questions mal formulées étaient immédiatement identifiées par les joueurs qui ne manquaient pas de protester contre de tels inacceptables handicaps. Les élèves auront ainsi le moyen et le temps pour repérer les erreurs et y remédier. Cette seconde phase permettra ainsi de concrétiser une démarche par essai/erreur, constitutive de tout apprentissage, mais aussi encourageante pour les élèves qui peuvent mesurer combien l'erreur (toute relative ici puisqu'il s'agit d'améliorer ce qui fonctionne déjà) fait partie d'un processus nécessaire et formateur. Autre intérêt de cet ajout : permettre des révisions en plusieurs temps. Pour que les acquis soient durables, il est nécessaire de réactiver les mémoires, ce que la première phase de jeu permettra. Autre amélioration à apporter, mais qui ne dépend pas des enseignants : donner un prix à l'équipe victorieuse (un prix à caractère culturel, un bon d'achat à la Maison de la presse, par exemple) afin de valoriser concrètement leur investissement. Ce qui n'avait pas été possible l'an passé, mais n'avait pas empêché les élèves de participer pleinement.

Questions pour des champions

Une autre catégorie d'améliorations à apporter tient au système d'élaboration et de validation des questions. Celui-ci n'a pas mal fonctionné, notamment parce que la réalisation des questions était effectuée en classe, mais il s'est avéré long et complexe. Les élèves faisaient le bilan de ce qui avait été travaillé pendant la semaine, imaginaient les questions, les rédigeaient au brouillon, puis les saisissaient informatiquement. Les questions, imprimées, étaient ensuite validées ou non par l'enseignant de la discipline concernée, ce qui pouvait donner lieu à des amendements, puis elles revenaient dans le classeur destiné à cet effet. En juin, Éric Vrignon écrivait à ce sujet : "Ce qui a fait défaut également, c'est l'efficacité de la transmission pour la validation, le trajet entre la conception et le retour dans les classeurs était trop long et tortueux... Alors, au lieu d'avoir du papier, nous avons imaginé de positionner les questions/réponses à valider par les professeurs sur l'espace classe ou encore sur l'ENT (Espace numérique de travail). [...] Ce qui permettra de plus un travail de reformulation plus efficace des élèves pour obtenir la validation." Depuis le début de cette nouvelle année scolaire, tout se fait donc par informatique. Économie de papier, simplification de la communication aux différents acteurs, gain de temps, facilitation des réécritures nécessaires... On y gagne effectivement. Mais l'enseignant s'interroge dès à présent sur la pertinence de cette nouvelle procédure.

Gare à ne pas tout dématérialiser...

En effet, la dématérialisation semble bien tout dématérialiser, y compris le plaisir de "jouer" et l'émulation ! Chacun est devant son ordinateur, on ne partage concrètement plus rien, on n'a plus le plaisir de la signature ou du tampon apposé en imprimatur sur les questions validées, on ne voit plus les autres s'activer pour aller déposer leurs fiches dans le classeur du CDI, les piles de questions des groupes adverses augmenter... Du coup, l'émulation conséquente de cette ludique concurrence a baissé, avec les manœuvres d'espionnage entre groupes qui allaient naguère avec. Il va aussi falloir réaliser techniquement la banque de données informatique qui permettra d'accéder immédiatement à la question. Lors du jeu, il est en effet prévu que les concurrents se voient attribuer un numéro, chacun correspondant à l'une des questions centralisées sur ordinateur. Pas forcément plus simple et plus rentable que le bon vieux papier, en problèmes à résoudre comme en temps ! Une autre modification apportée semble quant à elle plus productive. Cette année, les élèves se voient confier la responsabilité de deux disciplines différentes par demi-trimestre. Sur l'ensemble de l'année, tous se seront ainsi consacrés à la quasi-totalité d'entre elles. Ceci a été mis en place pour éviter une hyperspécialisation de certains élèves qui pouvaient ne s'intéresser qu'à quelques disciplines favorites. L'institution au cours de l'année d'une première session de jeu devrait enfin permettre de mieux mesurer l'importance de la formulation des questions, de manière concrète. Témoins du mécontentement des équipes adverses et victimes des maladresses de leurs concurrents, les élèves prendront plus efficacement conscience que la forme importe autant que le fond, et auront le temps de retravailler leurs questions et d'améliorer les suivantes pour la phase finale de juin. Le doublement des points pour les questions liées aux quatre éléments n'a pas été réalisé l'an dernier. Mais l'enseignant se demande s'il est vraiment judicieux de le mettre en place cette année. Pour que de tels projets soient viables, souligne-t-il, il ne faut pas trop en complexifier les règles. Le mieux peut parfois être l'ennemi du bien. Question "mieux", justement : qu'en est-il des effets sur les élèves ?

Question d'évaluation

Pour ce qui est de l'efficacité de ce Trivial Pursuit scolaire quant à la durabilité des acquis, ce qui était l'un des objectifs de l'action, il est difficile d'en mesurer avec certitude les effets. Lors de la session de jeu, les élèves ont répondu avec exactitude à neuf questions sur dix. Mais les réponses étaient collectives, et les questions étaient posées par les élèves eux-mêmes. Quoi qu'il en soit, c'est davantage dans leur processus d'élaboration que dans le résultat factuel que réside l'intérêt de la démarche. Prendre le temps de réfléchir à ce qui a été fait en cours, revenir régulièrement sur ce qui a été appris, problématiser modestement les contenus en imaginant les questions à poser sont autant de moyens métacognitifs qui facilitent une assimilation plus durable et réfléchie. Cette manière ludique de questionner son savoir a, quoi qu'il en soit, été plébiscitée par l'ensemble de l'équipe enseignante. L'an passé, le projet avait essentiellement vu le jour à l'initiative du professeur principal et l'équipe s'était peu à peu ralliée à cette idée de jeu pédagogique. Tous ont unanimement décidé, à la fin de l'année scolaire dernière, de reconduire cette action qui a été jugée très profitable pour les élèves. Ce qui, tout comme l'investissement des élèves et leur enthousiasme lors de la confrontation de juin, constitue des indices positifs pour une action qui visait aussi à montrer concrètement que le fait d'apprendre peut être un plaisir partagé. Quant à la construction de savoirs "non formels", pour reprendre la terminologie utilisée par les concepteurs des projets européens (voir ci-dessous), elle est incontestablement à l'œuvre, constate Éric Vrignon. C'est plus dans l'interactivité entre pairs que se construisent les savoirs et compétences des élèves, mais il a été difficile d'évaluer la maîtrise individuelle des compétences dans ce projet essentiellement fondé sur des activités de groupes. Cet aspect est l'un des points sur lequel s'interroge l'équipe. Une grille de compétences liées au projet est en cours d'élaboration et des temps d'autoévaluation vont être programmés au cours de cette seconde année.

 

Du projet de l'un au(x) projet(s) de tous

Si le premier volet de l'action, consacré au jeu du "Cinquième élément", a été mené à bien et a montré de nombreux résultats positifs, il n'en a pas été de même pour le second volet qui visait, rappelons-le, à la création de bornes de tri sélectif. Pour différentes raisons, celles-ci n'ont pas pu être réalisées, ce qui n'a pas manqué d'entraîner la déception des élèves. Elle a heureusement été de courte durée, car "ils passent vite à autre chose", souligne leur professeur, qui reste cependant déçu de n'avoir pu mener à bien cette réalisation. En effet, le manque de temps ainsi que l'apparition d'un projet similaire et antérieur dans sa mise en œuvre n'ont pas permis de concrétiser le projet dans son intégralité, mais la démarche appliquée au "Cinquième élément" reste fructueuse. Elle est donc reprise cette année dans le cadre de l'action Comenius du lycée Couzinet. Le système des questions/réponses va permettre aux lycéens de différents pays européens d'apprendre à mieux se connaître et de mieux connaître les autres autour de quatre grands thèmes : l'histoire et la géographie, la culture et le sport, l'économie et l'organisation, les modes de vie et les traditions. "L'un des critères de réussite des actions Comenius est la possibilité de transfert", fait remarquer l'enseignant. Ce qui est le cas, de ce Trivial Pursuit un peu particulier. Le fonctionnement et la démarche, simples à mettre en œuvre, plaçant les élèves au cœur de l'action, sont aisément transférables à des contenus, des groupes de travail, des joueurs, des durées variables et ajustables suivant les cas. C'est aussi l'un des éléments positifs du "Cinquième élément". À l'échelle de l'Europe ou à celle de la classe, on retrouve le même présupposé fondateur : le projet de l'un devient celui de tous, sans que l'un empiète sur l'autre ou le ruine.

Lavoisier se serait-il trompé ?

Pour reprendre en conclusion notre question initiale, si certains éléments du projet se sont perdus en cours de route, il est évident que la pédagogie est une création permanente, sans cesse observée et remise en question. Pour améliorer l'efficacité de leur action, les enseignants ont procédé ici à des transformations qui, sans en remettre en cause les principes fondamentaux, visent à gagner en efficacité. Ces améliorations tendent à rendre l'activité des élèves plus soutenue et mieux contrôlée, sans trop alourdir ce qui pourrait devenir un carcan contre-productif. C'est ainsi, en remettant sans cesse l'ouvrage sur le métier, que progresse une action qui, même si elle reste délicate à évaluer scientifiquement de manière individuelle, ne manque pas d'intérêt et a le mérite de réconcilier un tant soit peu les élèves avec l'école et le plaisir d'apprendre.


1. Troisième à Module de découverte professionnelle, 6 heures, actuellement nommée troisième prépa-pro.
 
auteur(s) :

D. Grégoire

contributeur(s) :

É. Vrignon, LP René-Couzinet, Challans [85]

fichier joint

information(s) technique(s) : pdf

taille : 222 Ko ;

ressource(s) principale(s)

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