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améliorer la confiance et l’estime de soi des élèves "décrochés"

mis à jour le 09/04/2024


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C’est en partant du constat que nombre d’élèves se trouvaient en perte de confiance et d’estime de soi, au collège notamment, que Sandrine Monerie, professeur à Beaufort en Vallée (49) s’est interrogée : Comment peut-on redonner confiance et réconcilier avec l’école des élèves qui semblent avoir baissé les bras et qui ne croient plus guère à leurs capacités d’épanouissement et de réussite à l’école ?

mots clés : décrochage, confiance, projet pédagogique, estime de soi, réussite scolaire, échanger


Sandrine Monerie est professeur d’espagnol au sein du collège Molière de Beaufort en Vallée, important collège rural (près de 670 élèves) assez enclavé géographiquement puisque situé à une trentaine de kilomètres d’Angers et autant de Saumur. Cela limite de fait pour la population en général et les élèves en particulier les occasions d’accès à la culture, en dehors de collège au cinéma et du musée local de Beaufort. Par ailleurs, S. Monerie constate que s’il existe différents outils de remise à niveau disciplinaire au sein du collège, il manque de solutions et de lieux pour les élèves qui perdent confiance en eux-mêmes et en leurs capacités d’apprentissage et de réussite. La confiance peut se définir comme “le courage qui vient de la conscience que l’on a de sa valeur” (dictionnaire Larousse). Et cette notion de (re)valorisation des élèves est bien au cœur du projet de l’enseignante qui évoque “le besoin d’un lieu (le collège en l’occurrence) valorisant” et “la nécessité pour les élèves d’être valorisés”. Avec sa direction, elle s’est notamment appuyée sur la loi Haby* de 1975 qui contenait déjà en prémisses ces possibilités d’adaptation et de personnalisation des parcours au sein du collège unique.
 
C’est donc avec cette idée de mettre en avant les savoirs et savoir-faire des élèves qu’il y a 4 ans, S. Monerie a été à l’origine du projet baptisé “Cap confiance”. Si elle n’assure pas elle-même d’ateliers, elle a initié le projet et aujourd’hui encore coordonne le dispositif, son organisation, de la recherche des intervenants à l’organisation du planning et à la communication avec les élèves, les familles et les enseignants. Les élèves destinataires sont ceux que l’on dénomme souvent “décrocheurs” et que l’enseignante identifie selon deux critères : “Il y a ceux qui viennent au collège mais qui ignorent pourquoi ils sont là, car l'école ne fait pas sens pour eux, et ceux qui ont baissé les bras et sont absentéistes, à des degrés divers.” Une fiche profil pour identifier plus finement les différents types d’élèves décrocheurs et potentiellement concernés par ce projet est en cours d’élaboration par l’équipe pédagogique.
 
Le projet Cap confiance consiste à proposer dans l’emploi du temps des élèves des temps de projets une à trois heures par semaine (suivant les ateliers, leur durée n’est pas identique) pendant un semestre, sur des créneaux variables selon les disponibilités des professeurs et intervenants. Deux groupes (sur deux créneaux différents et avec des activités variées) de dix élèves sont constitués : un pour les 6e-5e, et un pour les 4e-3e, avec l’idée que selon l’âge, les élèves n’ont pas tous la même maturité, les mêmes difficultés ni les mêmes besoins. Au second semestre, ce sont 10 nouveaux élèves – maximum- qui intègrent chaque groupe. Cela fait donc une quarantaine d’élèves par an (soit plus de 5 % de l’effectif total du collège) qui peuvent bénéficier du dispositif. Sandrine Monerie fait en sorte de varier les jours des ateliers afin de ne pas impacter toujours la même discipline pour les élèves. Un système de tutorat est aussi mis en place et les professeurs sont à leur écoute et se montrent compréhensifs lors du retour en classe. Les parents donnent, in fine, - ou non dans de rares cas- leur autorisation pour une dérogation d’emploi du temps.
Une fiche projet formalise les propositions et organisations. Les élèves ne choisissent pas un projet en particulier mais passent au cours du semestre une ou deux séances (selon les projets et besoins) dans chaque atelier autour d’un projet : faire un nichoir en menuiserie, réaliser une recette en cuisine ou un graf en arts plastiques en sont des exemples.

* Loi Haby : loi votée en 1975 à l’initiative du ministre Haby et qui est à l’origine du collège unique ; elle prévoit, notamment dans son article 7, « des aménagements particuliers et des actions de soutien (…) au profit des élèves qui éprouvent des difficultés. »

Concernant le choix des élèves, en début d’année Sandrine Monerie communique avec ses collègues pour les sensibiliser sur ce dispositif possible. Ensuite les professeurs principaux remplissent une fiche profil au début de chaque semestre dans laquelle ils mentionnent les élèves repérés décrocheurs, perdus dans les apprentissages, qui ne travaillent plus et semblent persuadés de ne plus pouvoir répondre aux attentes de l’école et d’être voués à l’échec. S. Monerie contacte ensuite les parents pour leur expliquer le dispositif et leur fournit le fascicule des ateliers qui sert de fiche d'inscription officielle.
 
Pour ce qui est des ateliers construits durant ces une à trois heures hebdomadaires, S. Monerie s’est appuyée sur la volonté de diversifier les apprentissages, les supports et les propositions faites aux élèves pour qu’ils puissent retrouver sens et motivation à leur présence au collège. Une palette d’activités mettant en avant les talents manuels, artistiques, créatifs, ludiques des élèves ou ayant des visées éducatives et citoyennes constituent les propositions. Certains de ces ateliers reposent sur l’investissement et les compétences des personnels de l’établissement. Ce peut être des séances de cartographie, avec une enseignante inscrivant des classes de l’établissement chaque année au concours Carto de l’Anjou, un atelier cuisine avec la cheffe cuisinière de l’établissement, un atelier consacré aux expériences amusantes et instructives que l’on peut faire en SVT par un enseignant de la discipline ou un atelier menuiserie avec un enseignant de mathématiques ayant des connaissances dans ce domaine. L’infirmière scolaire de l’établissement et la Psychologue Éducation nationale animent un atelier sur les compétences psychosociales, pour apprendre aux élèves à mieux se connaître et à réfléchir et construire leur posture d’élève et d’adolescent en devenir. D’autres ateliers font appel à des intervenants extérieurs, comme l’activité BD avec l'Atelier Kawa de Mazé (49). A noter aussi que si une majorité d’ateliers, notamment assurés par les personnels de l’établissement, sont reconduits d’année en année, certains peuvent changer d’une année sur l’autre.

À ce jour, le projet Cap Confiance est financé essentiellement par des HSE pour ce qui concerne les interventions d’enseignants, et par le FSE pour les intervenants extérieurs. Cela implique donc, d’une part, de trouver des intervenants proposant des tarifs modérés, d’autre part, des arbitrages financiers au sein de l’établissement pour mettre en avant et défendre ce projet.

Pour ce qui est du bilan, S. Monerie souhaite pour la première fois cette année faire un bilan de fin de session avec les parents, au collège, lors d’un moment convivial autour d’un goûter. Mais elle observe déjà que désormais, certains élèves viennent d’eux-mêmes lui demander de bénéficier de ce projet. S. Douet, l’infirmière, souligne également l’influence de l’atelier sur le bien être des élèves au collège et le climat scolaire de l’établissement : “Les élèves viennent avec plaisir aux ateliers parce qu’ils sont pris en considération de manière plus personnelle qu’en classe. La dynamique de groupe s’installe au fil des séances et les collégiens d’un naturel plus réservé parviennent à prendre la parole et même à être force de proposition, dans les jeux de coopération par exemple.” M. Duceux, principal adjoint, ajoute que si l’on peut difficilement évaluer l’orientation des élèves à l’aune de Cap confiance, les élèves passés par le dispositif sont moins absents et globalement plus investis dans leur scolarité. Et de conclure, “ce qui importe c’est que Cap confiance aide les élèves à trouver un sens à leur scolarité, quelle qu’elle soit”.

Par ailleurs, lors de la réunion de présentation des ateliers aux élèves inscrits à la première session, la parole s'est libérée grâce à une décrocheuse de 6e qui a avoué sa peur panique de venir au collège. Cela a été l’occasion pour S. Monerie d’entendre des paroles et des échanges forts. Un élève a pu dire : “Moi si je suis allé à Cap confiance c’est que j’ai peur de venir au collège chaque matin”. Cette intervention a pu libérer en quelque sorte la parole de plusieurs élèves de la classe qui ont pu s’exprimer eux aussi. Par ailleurs, la coordinatrice du projet tire un bilan positif de l’évolution du projet depuis 4 années : “Au départ certains élèves qui participaient à Cap confiance pouvaient être un peu stigmatisés par leurs camarades, alors qu’aujourd’hui ce sont parfois les élèves qui viennent me voir et sont volontaires ; et plus personne ne se moquent, au contraire si un élève oublie les autres le lui rappellent.” Le parcours est donc bien perçu désormais comme un projet faisant sens et motivant pour les élèves au sein de l’établissement.

Cela est renforcé par la volonté de valoriser les élèves et le travail fait dans certains des ateliers au moins : ainsi les nichoirs ont été installés au sein du collège, le Graf réalisé est visible sur un mur du collège par tous, des planches de BD réalisées avec un intervenant ont été encadrées et montées en une exposition itinérante au sein du collège (salle des professeurs, foyer…). Enfin si une première expérience de réunion des familles des élèves ayant participé aux ateliers dans l’année n’a pas connu de succès l’an dernier, la volonté de renouveler l’expérience avec un temps plus convivial est en projet. Concernant les évaluations plus normatives, l’engagement volontaire des élèves dans le projet et le parcours éducatif sont mentionnés pour certains élèves, notamment pour soutenir des dossiers pour une orientation en troisième prépa-métier ou en MFR.

Cette expérience, qui certes repose sur des personnes volontaires et sur des choix financiers à budget constant, semble toutefois être source de dynamisme à un double niveau : permettre de mettre en avant le rôle éducatif, pédagogique et les talents de toute la communauté éducative du collège, des enseignants à l’infirmière en passant par la cuisinière et les AED, et de permettre aux élèves d’avoir un espace, un temps et un projet qui élargit le spectre des savoirs et des savoir-faire dispensés et reconnus à l’école.
 
auteur(s) :

S. Billon

contributeur(s) :

S. Monerie, É. Duceux, S. Douet, Collège Molière - Beaufort en Vallée 49

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