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apprendre, comprendre, agir en empathie au sein de la classe

mis à jour le 10/09/2018


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Entre 2012 et 2014, une expérimentation d’ampleur sur le thème de l’éducation à l’empathie pour lutter contre le harcèlement scolaire a été menée dans des écoles REP + du Mans. Les conseillers pédagogiques de circonscription, les coordonnateurs de réseaux et les enseignants participants ont bénéficié de journées de formation ainsi que d’interventions régulières dans leurs classes. Que s’est-il passé depuis ? Comment cette expérimentation a-t-elle initié une transformation durable de la pratique professionnelle pouvant impacter le climat scolaire ?

mots clés : échanger, collaboration, mathématiques, tâche complexe, travail en groupe


“Travailler sur l’empathie permet à l’enseignant de prendre en compte simultanément le groupe et chaque enfant dans le groupe”, explique d’emblée M. Fouyet, conseiller pédagogique de la circonscription Le Mans-Sud, spécialisé en EPS (éducation physique et sportive). Il est question de construire une relation de confiance sécurisante. La formation à l’empathie, inscrite dans le programme d’EMC (enseignement moral et civique) pour l’école élémentaire et le collège1, permet de donner des clés pour élaborer concrètement la capacité du groupe à bien vivre ensemble, en veillant à ce que chaque élève soit reconnu par les autres. M. Fouyet explique que l’apprentissage passe par l’expérience du corps, physique et sensorielle. C’est une entrée primordiale, socle de la formation proposée dans le cadre de l’expérimentation EPLUCHE. Les enseignants ont été formés à la pratique et à l’analyse d’un panel de jeux pour développer l’empathie émotionnelle2, c’est-à-dire la capacité de chacun à se mettre à la place de l’autre, à reconnaître ses émotions sans se confondre avec lui. Les jeux proposés activent et mettent au jour les quatre grands dispositifs pédagogiques pour développer une éducation à l'empathie émotionnelle : faire ensemble, observer, changer les rôles, parler des ressentis. Le jeu des mousquetaires est, par exemple, unanimement plébiscité par les enseignants. S’ils sont pratiqués en début d’année scolaire, ces jeux spécifiques permettent d’une part d’observer le fonctionnement de la classe et la place occupée par chacun au sein du groupe et, parallèlement, de développer l’entraide. M. Fouyet note qu’il s’agit d’une ressource efficace et concrète qu’il propose souvent aux professeurs qui rencontrent des situations de classe difficiles, des élèves indisponibles pour travailler. Les séances peuvent s’organiser sans délai et permettent d’apaiser les tensions. Cependant, pour avoir un impact durable sur le climat scolaire, la pratique ne saurait se limiter au cours d’EPS.

Au cours de l’expérimentation EPLUCHE, certains professeurs avaient conçu des séances d’apprentissage empathiques, en arts plastiques notamment. L’échange autour d’œuvres d’art était fécond et permettait de travailler le lexique en lien avec le programme (cycle 3 : mettre en réseau des mots, analyser leur sens). J. Pibouleau, enseignante, explique que la ritualisation des temps d’échanges en fin d’activité – qu’elle soit sportive ou non – peut justement servir de support pour construire des outils d’apprentissage du lexique des émotions (affiches, livrets, visage des émotions pour les plus petits…). Le vocabulaire des sentiments reste souvent très simple et manichéen chez les élèves, "je suis triste/je suis content". En passant d’abord par l’expression verbale de sentiments vécus, parfois précisée ou enrichie par le professeur et/ou les pairs, les élèves maîtrisent progressivement le vocabulaire de la palette des émotions.
 
L’expérimentation a duré deux ans et l’élan qu’elle a lancé s’est poursuivi à l’initiative des conseillers pédagogiques de circonscription qui ont continué à former des enseignants3. Aujourd'hui, certains professeurs ont ainsi transformé leur pratique de classe jusqu’à la conception même des séances. G. Vaz, en charge d’une classe de CM1/CM2, a réfléchi à la question et mène cette année un projet innovant. Pour cette formatrice, le développement d'une éducation à l’empathie émotionnelle en classe est un levier fécond pour développer les compétences de lecture en corrélation avec les compétences d’expression orale et de langue (français/cycles 2 et 3). Le dispositif qu’elle a mis en place vise deux objectifs : améliorer la fluidité de la lecture à haute voix des élèves lecteurs pour favoriser la compréhension des élèves qui écoutent, développer les compétences de compréhension des élèves auditeurs grâce à l’écoute, l’échange et la mise en œuvre du processus de l'empathie émotionnelle vis-à-vis des personnages des récits.
 
D’autres enseignants ont mis en place une nouvelle organisation des travaux de groupes. Elle permet d’éviter l’écueil selon lequel l’élève qui maîtrise la compétence mène souvent l’équipe. Pour cela, ils définissent des statuts au sein de l’équipe comme par exemple celui qui propose la réponse, celui qui vérifie l'écriture, celui qui écrit, celui qui observe. Chacun doit strictement se tenir à son rôle afin de ne jamais dénaturer les propos d’un camarade. Ces rôles tournent régulièrement lors de l'activité. Ainsi, s’il y a quatre questions, on peut changer de rôle à chaque question. Cette organisation des tâches au sein de l’équipe favorise l’écoute et la collaboration sans générer de conflit. S’il y a débat au sein du groupe, il est différé au moment du debriefing, un court temps d’échanges qui a lieu en fin d’activité. Ce moment permet de prendre en compte le point de vue de l’autre pour revoir la stratégie d’équipe. Le fait d’endosser tous les rôles rend tangible le fait que chacun a des points faibles et des points forts mais aussi qu'en travaillant ensemble, ils peuvent fournir une production correcte. Cette démarche pédagogique vise un double apprentissage : celui de la notion étudiée et celui de la gestion des émotions.

L’expérimentation EPLUCHE a lancé une dynamique en proposant un changement de démarche pédagogique pour concevoir des projets et des séances en classe. Des formations lui ont succédé et elle rayonne aujourd’hui dans le département. Le champ d’exploration est ouvert. À ce stade de la réflexion, la parole des professeurs se rejoint sur plusieurs points, permettant d’esquisser un bilan loin d’être définitif. Les enseignants notent qu’en créant des situations d’émotions partagées, ils développent une attention accrue à chacun et aux signes corporels de mal-être. Ils soulignent aussi et surtout le plaisir et le besoin des élèves de dire. Certains auraient même parfois envie de prendre la parole tout le temps. Pour contourner cet écueil, le rituel, nécessaire, pose un cadre. M. Fouyet observe le développement de nouveaux espaces de paroles, de compétences d’écoute et de concentration. Il mesure aussi l’apport sur la qualité des échanges en classe, même lors de temps collectifs (hors petits groupes). Le professeur exerce une simple médiation entre la parole de chacun, sur laquelle il se base ensuite pour construire ou consolider les apprentissages. Bienveillance et plaisir d’apprendre sont au cœur de l’éducation à l’empathie ; comment s’étonner alors que la formation proposée soit plébiscitée, au-delà même des limites du département ?


1. Programme de 2015 – Cycles 2, 3 et 4 – La sensibilité à soi et aux autres
Objectifs de formation :
• identifier et exprimer en régulant ses émotions et ses sentiments,
• s’estimer et être capable d’écoute et d’empathie,
• se sentir membre d’une collectivité.

2. Omar Zanna, enseignant-chercheur initiateur de l’expérimentation EPLUCHE, distingue l’empathie cognitive de l’empathie émotionnelle. Ressource vidéo.

3. La formation est inscrite au plan de formation académique depuis 2016 (à destination des enseignants des premier et second degrés et des personnels de direction). Parallèlement, afin de répondre aux demandes de formation, un groupe de conseillers pédagogiques EPS de la Sarthe se mobilise pour formaliser le travail d’éducation à l’empathie à partir des programmes et concevoir de nouveaux jeux sportifs “empathiques”.
 
 
auteur(s) :

N. Le Rouge

contributeur(s) :

M. Fouyet, G. Vaz, M. Lesaint, J. Pibouleau, École REP+ du Mans

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