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révéler le champion qui sommeille en chaque élève avec la sophrologie

mis à jour le 03/12/2019


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Au sein de l’Établissement régional d’enseignement adapté de Nantes (EREA), deux professeures, l’une d’EPS et l’autre d’enseignement général et sophrologue en parallèle, ont travaillé ensemble pour faire naître chez leurs élèves de CAP des sentiments de réussite et d’estime de soi. Leur projet, intitulé Révèle le champion qui est en toi, a consisté à introduire les outils de la sophrologie dans le cadre de séances de badminton. Comment ce projet, centré sur la confiance en soi, a-t-il contribué à engager les élèves dans leurs apprentissages ?

mots clés : échanger, compétences psycho-sociale, EPS, éducation positive, co-enseignant


"Les jeunes ont du mal à se mettre au travail, ils disent qu’ils sont toujours fatigués, ils n’ont aucun tonus". C’est à l’occasion du conseil de mi-trimestre de la classe de CAP maçonnerie de l’EREA de Nantes que la nécessité de mettre en place des actions pour redonner confiance aux élèves s’est cristallisée. À l’instar du professeur de maçonnerie, l’équipe pédagogique percevait chez les jeunes de la classe un sentiment de mésestime très prononcé ainsi que des profils "abandonniques". Il est ici utile de signaler que le public accueilli au sein de l’EREA est majoritairement composé d’élèves porteurs de grandes difficultés d’apprentissage et profondément ancrées depuis le début de leur scolarité. Par ailleurs, plus de la moitié de ces élèves se trouvent en situation de handicap (troubles cognitifs, troubles du comportement, troubles psychiques…) et disposent d’un suivi MDPH (Maison départementale des personnes handicapées). En ce qui concerne les élèves de CAP maçonnerie, le constat négatif de la mi-trimestre était encore exacerbé par les difficultés relationnelles régnant au sein même du groupe, souvent traduites par des agressions verbales (moqueries, insultes…) voire physiques. C’est donc à l’issue de ce conseil que la mise en place d’un projet de co-enseignement a été actée. Les membres de l’équipe pédagogique ont ciblé l’EPS, précisément dans le but d’améliorer la cohésion du groupe et d’aider les élèves à augmenter leurs performances. Le but était aussi de les aider à maîtriser leur stress vis-à-vis du CCF, le contrôle en cours de formation, réalisé en vue de la délivrance de leur diplôme de CAP. Ce contrôle porte sur des compétences, des connaissances, des savoirs et savoir-faire. Décidé collectivement, ce travail de co-enseignement a été conduit dans la perspective d’être élargi à d’autres disciplines comme la maçonnerie par exemple.
 
Le projet Révèle le champion qui est en toi portait sur huit séances de deux heures de badminton dispensées par la professeure d’EPS, Florence Frémaux, et la professeure certifiée en sophrologie, Sylvie Costes. Conscientes de partager un goût certain pour l’expérimentation, l’expression corporelle ou le mouvement et animées de la même envie de pousser les élèves à apprendre, les deux enseignantes ont travaillé ensemble. Elles sont parvenues à croiser leurs disciplines pour proposer une grille de lecture commune permettant pendant toute la durée des séances de badminton de travailler sur trois des quatre pôles essentiels dans les apprentissages en EPS : le moteur, le cognitif et l’affectif. Dans une discipline telle que l’EPS, si le pôle moteur peut apparaître comme étant le plus évident, Madame Frémaux note qu’auprès du profil spécifique des élèves de l’EREA, c’est surtout le champ affectif qui occupe une grande place dans la posture des élèves face aux apprentissages. En effet, comme le relève la professeure, de tels élèves sont souvent dans l’incapacité de réussir un match de badminton s’ils n’ont pas réussi, en amont, à canaliser leurs émotions. Ces dernières s’avérant toujours décuplées le jour du CCF, les élèves échouent à obtenir une note qui reflèterait fidèlement leurs capacités sur le plan moteur. ?
 
Pour initier et présenter le projet aux élèves, les deux enseignantes ont surtout évoqué l’argument du CCF en insistant sur le fait que le module de badminton représente des points faciles à obtenir qui peuvent parfois faire la différence et permettre aux élèves de décrocher le diplôme du CAP. De ce fait, une plus grande confiance et une meilleure estime de soi pourraient être les clés pour leur permettre de progresser et obtenir des résultats supérieurs tout en apprenant à mieux se connaître et à être mieux dans sa peau. "Nous avons invoqué l’argument du CCF pour donner aux élèves l’envie de progresser, même si pour nous professeures il ne s’agissait pas de l’objectif principal. Nous visions bien entendu le développement des compétences psychosociales", précise Florence Frémaux. Dans la perspective de réussir ce fameux CCF, les élèves ont reçu lors de la première séance une grille d’auto-évaluation articulée autour des trois pôles d’apprentissage (moteur, cognitif et affectif). Les élèves ont listé les compétences propres aux trois pôles et ils se sont auto-évalués. À chaque séance, ils remplissaient cette grille, véritable journal de bord leur permettant de constater leurs évolutions jusqu’à la séance certificative du CCF.

Échauffement, installation du matériel, match puis temps consacré au bilan individuel et collectif : chacune des séances de badminton s’est déroulée en suivant le rythme propre à l’EPS et ce n’est que petit à petit que Sylvie Costes a introduit les outils spécifiques de la sophrologie. "Les élèves me connaissent pour la plupart parce que j’interviens auprès d’eux dans le cadre des ateliers bien-être que je leur propose sur le temps des activités du soir, à l’internat" souligne-t-elle. C’est pourquoi il était très important de leur rappeler qu’ils étaient d’abord dans le cadre du cours d’EPS. Madame Frémaux a présenté la sophrologie portée par Madame Costes dans la perspective des gains qu’elle était susceptible d’apporter aux élèves pour qu’ils obtiennent une meilleure note au CCF, en améliorant leur technique et stratégie de jeux. Les élèves ont donc entendu qu’il ne s’agissait pas d’acquérir de nouveaux savoirs mais plutôt de mieux investir les ressources qu’ils possédaient déjà en eux grâce aux outils de la sophrologie.

Par ailleurs, les interventions de Madame Costes ont été présentées comme facultatives. Madame Frémaux a insisté sur les bénéfices que pouvaient représenter la sophrologie pour le badminton mais un contrat a été passé : les élèves avaient le droit de ne pas participer au projet et de rester en observation. "Certains peuvent ne pas se sentir à l’aise avec la sophrologie. C’est pourquoi, nous leur avons dit que s’ils n’adhéraient pas, ils étaient toujours intégrés au groupe mais avec un rôle d’observateur", explicite Madame Costes. De fait, un élève du groupe, plutôt performant en badminton mais rétif à la sophrologie, s’est mis en retrait. Les deux professeures analysent ces réticences par le fait que l’élève en question, souffrant de troubles du comportement et en échec dans les autres matières, n’a pas voulu remettre en question sa pratique dans une discipline où il se sentait en réussite. De fait, à l’issue des huit séances de badminton, cet élève, initialement le meilleur du groupe, a moins bien réussi le CCF que les autres élèves qui ont davantage évolué en mettant à profit la sophrologie.
 
Pour le reste du groupe, l’introduction progressive des outils de la sophrologie a d’abord débuté lors du temps de l’échauffement. En se glissant de manière discrète et opportune dans les coulisses du cours d’EPS, Sylvie Costes a apporté sa couleur et proposé aux élèves de nouvelles stratégies d’analyse de l’espace, de son corps ou d’autrui. À travers les jeux de regard et de mimétisme, l’autocritique, les gestes d’ancrage ou le travail sur la respiration, les élèves sont peu à peu parvenus à une prise de conscience plus fine de leurs corps, de leur mental et de leurs émotions. Au fur et à mesure, ils ont réinvesti ces outils dans les matchs, d’abord guidés par les conseils de leur professeure, puis de manière plus autonome. « Les techniques de Sylvie consistaient notamment à recentrer les élèves sur le terrain, à prendre conscience d’un état psychique à un moment donné pour pouvoir mieux respirer et repartir à zéro avant le match ou avant un service », a pu constater Florence Frémaux.

Afin d’ancrer ces apprentissages, les professeures ont également eu recours à la vidéo qu’elles ont opportunément proposée alors que les élèves, lors de la troisième séance, installaient sans qu’on le leur demande le matériel de badminton. Ce bon réflexe, que les élèves n’avaient pas au démarrage du projet, a servi de prétexte pour qu’ils acceptent d’être filmés. Les professeures se sont alors appuyées sur le regard critique et bienveillant de l’autre comme tremplin de la confiance en soi. La vidéo apportait la preuve par l’image que les élèves, qui se prétendaient systématiquement en situation d’échec, étaient finalement capables de réussir. Les élèves ont notamment pris conscience de l’évolution du groupe au fur et à mesure des séances. Ils ont effectivement remarqué que dès la troisième séance, leurs visages sont plus ouverts et ils installent le matériel sans que la professeure n’intervienne pour le leur demander. Un sentiment de fierté a alors pris naissance dans le groupe et les élèves se sont félicités. Rétrospectivement, ce recours à la vidéo a, selon Mesdames Costes et Frémaux, renforcé la cohésion du groupe grâce au regard positif et bienveillant tout en permettant de travailler sur les compétences psychosociales.

Pour les élèves, comme pour leurs professeures, le résultat final a été source d’une grande satisfaction. Les jeunes ont intégré à leurs pratiques du badminton les techniques de respiration, de centrage ou d’ancrage transmises au fur et à mesure du projet. Ils ont pu mesurer et échanger entre eux autour de leurs progrès. Si les notes obtenues au CCF sont très satisfaisantes, au-delà des performances chiffrées, ce qui vient valider le projet Révèle le champion qui est en toi est bien l’acquisition de compétences psychosociales telles que gérer ses émotions, être créatif, savoir s’affirmer, avoir conscience de soi, avoir de l’empathie, savoir prendre des décisions ou encore persévérer. De leur côté, les professeures constatent que l’expérience a généré de la motivation, du plaisir, de la confiance chez les jeunes ainsi qu’un climat de groupe plus serein, traduit par des actes de solidarité et de respect (encouragement, adaptation du jeu face à un adversaire en difficulté…). Tout au long des séances, ils ont été amenés à réaliser que les techniques de la sophrologie avaient des répercussions positives sur leur performance en badminton et, de manière plus générale, sur leur estime de soi. La sophrologie leur a finalement donné une palette d’outils qui leur ont permis de révéler les ressources qu’ils ignoraient avoir en eux ou feignaient d’ignorer. Les professeurs espèrent qu’ils transfèreront, à profit, ces ressources dans leur vie quotidienne.
 
auteur(s) :

L. Pahun

contributeur(s) :

S. Costes, F. Frémaux, EREA La Rivière - Nantes [44]

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