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"sauvons la mémoire du collège !" : un projet fédérateur en interlangue

mis à jour le 03/06/2020


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L’heure est grave au collège des Îles de Loire de Saint-Sébastien… Des aliens se sont infiltrés avec la ferme intention d’effacer la mémoire des humains. Pour échapper à ce sinistre destin, les professeurs de langues vivantes ont confié à des élèves de 3e la lourde tâche de chasser ces envahisseurs. Les collégiens ont été mobilisés autour de la création d’un escape game en allemand, en anglais et en espagnol. Quels apprentissages et quelles compétences ce projet interlangue de pédagogie par le jeu a-t-il permis de développer ?

mots clés : échanger, interlangue, coopération, pédagogie par le jeu, coenseignement


À la genèse du projet, on trouve la proposition de la principale du collège, madame Van Cauwenbergue, consistant à réunir les élèves de 3e autour de 5 parcours encadrés par les professeurs du niveau, tous les mardis, de 16 h à 17 h. Dans la perspective de les habituer à un fonctionnement proche de ce qu’ils connaîtront au lycée, tous les élèves du niveau 3ème ont eu à choisir un parcours parmi les 5 qui leur étaient proposés : les parcours citoyen, avenir, artistique, espoir et langue. Dans l’immense majorité des cas, les élèves ont eu la satisfaction d’intégrer le parcours de leur choix. Suivant un rythme hebdomadaire, le parcours langue a donc réuni 24 élèves venus de différentes classes de 3e.
 
Du côté des professeurs de langues vivantes, qui avaient exprimé l’envie de travailler ensemble, cette proposition a agi comme un aiguillon les invitant à s’interroger sur le type de projet qu’ils pouvaient mettre en œuvre. “Les élèves provenant de classes différentes, nous n’avions surtout pas envie de les mettre en compétition. Bien au contraire, nous voulions leur proposer une activité ludique et collaborative”, raconte Alain Oudjani, le professeur d’espagnol. L’idée de mobiliser les élèves autour de la création d’un escape game dans les 3 langues a été soufflée par l’enseignante d’anglais, Isabelle Rossi-David, familière de ce type de propositions pédagogiques.
 
À condition qu’il y ait un appprenant germaniste par groupe, les élèves ont librement composé leurs équipes. Les professeurs leur ont expliqué la philosophie de l’escape game en leur précisant qu’ils allaient devoir créer des énigmes que les élèves de 3ème des autres parcours auront pour mission de déchiffrer. La consigne générale du jeu, appelée “ordre de mission” était rédigée dans les trois langues. Puis, chaque énigme était écrite dans l’une des trois langue, au choix. D’énigme en énigme, les joueurs consignent des chiffres qui doivent les amener à composer deux dates leur permettant de débloquer les cadenas d’un coffre fort. 1958 et 2024, ces deux dates, identifiées par les professeurs, sont liées à l’histoire du collège des Îles de Loire, la première faisant référence à la construction de l’établissement et la seconde aux Olympiades, célébrées par le collège à la fin d’année.
“Les jeux d’escape game sont à la mode et les élèves ont tout de suite adhéré au projet. Toutefois, ils ont eu des difficultés à percevoir comment ils allaient construire le jeu. Il a fallu leur donner les clés pour qu’ils en comprennent la structure”, explique Isabelle Rossi-David. L’exercice est complexe notamment parce qu’il faut partir de la fin pour remonter jusqu’à la lettre de mission, point de départ du jeu. Les élèves doivent donc aborder la conception de l’escape game en commençant par la fin. Pour leur permettre d’accomplir plus rapidement cette pirouette cérébrale, quoi de mieux que de les plonger dans le jeu ? “Nous avons joué à des escape game lors de la première séance”, poursuit Isabelle Rossi-David.

Chaque mardi, les élèves du parcours langue, divisés en 4 groupes se sont concentrés sur la conception de leur jeu. En guise de matériels et de ressources, les élèves disposaient d’une grande boîte en carton contenant les énigmes qu’ils réalisaient au fur et à mesure, des ordinateurs de la classe mobile connectés au réseau Internet, de leurs manuels de langues ainsi que d’un grand cahier, sorte de “story-board”, nécessaire pour enregistrer leurs démarches et assurer le suivi de leur travail. “L’une des principales difficultés du projet a été de veiller à ce que le jeu soit prêt en temps et en heure. Les élèves étaient totalement absorbés par ce qu’ils faisaient. Il a donc fallu leur rappeler régulièrement l’échéance afin qu’ils ne perdent pas leur objectif de vue”, note Emmanuelle Sicot, la professeure d’allemand. Pour évaluer leur investissement au sein du parcours, les élèves ont reçu des appréciations qui figurent dans leurs bulletins.

Les rituels d'introduction de séance ont été menés dans les langues respectives des trois professeurs. Chacun d’entre eux, prenant la parole l’un après l’autre, saluait les élèves dans sa langue avant de rappeler les objectifs de séance. “Pour composer leurs énigmes, nous avions d’abord imaginé que les élèves mèneraient leurs recherches à partir de sources en langue étrangère mais nous nous sommes vite aperçus que cette consigne serait trop ambitieuse. Nous nous sommes donc concentrés sur un objectif plus modeste, néanmoins exigeant, celui de faire rédiger les énigmes en anglais, en allemand ou en espagnol”, explique Alain Oudjani.

Le plus souvent les énigmes invitaient les joueurs à identifier du vocabulaire ou bien des notions culturelles des trois pays. Si la recherche des informations et la communication au sein des groupes avait lieu en français, chaque énigme, basée sur des connaissances interculturelles, a bel et bien été rédigée dans l’une des 3 langues. Au sein des groupes les élèves réfléchissaient d’abord à la forme que prendrait chacun de leur nouveau projet d’énigme : puzzle, mot croisé, carte à trou, code à déchiffrer, mot à l’envers, enregistrements audios… Et avant de passer à sa réalisation, ils se mettaient d’accord sur la langue qu’ils allaient utiliser et validaient leur choix auprès de l’un des 3 professeurs.

Les élèves, de plus en plus autonomes au fur et à mesure des séances, ont travaillé au sein de leur groupe en faisant de temps en temps appel à l’un des professeurs. “Ils nous interpellaient dans nos langues respectives puis nous demandaient de l’aide en français”, précise Alain Oudjani. Au fil des séances, les échanges se sont fait de plus en plus en langue étrangère et les élèves ont apprécié cette gymnastique, consistant à passer d’un professeur à l’autre et donc d’une langue à l’autre. Ce défi leur a plu et les enseignants notent que les élèves ont réalisé l’importance de la compétence orale en langue étrangère : communiquer pour se faire comprendre.

Les professeurs du parcours se sont réjouis du fait que la composition des énigmes a conduit les élèves à approfondir leurs connaissances culturelles sur chacun des pays. “Tous les hispanophones connaissent la Sagrada familia de Barcelone. Tous les groupes s’en sont donc emparés dans leurs énigmes. Or, les élèves ont eu tôt fait de réaliser que, pour rendre leurs énigmes intéressantes, ils devaient orienter leurs recherches vers des éléments de culture plus inattendus. Cela a donc déclenché chez eux une véritable curiosité pour la culture des pays étudiés”, constate Alain Oudjani. En parallèle, rendre les élèves actifs de la construction de leurs apprentissages a également l’avantage de permettre aux connaissances de s’ancrer plus profondément dans la mémoire.

Et la professeur d’anglais d’ajouter : “Il y a eu des trouvailles surprenantes ! Les élèves ont par exemple décrété, sans doute avec raison, que Cervantes et Shakespeare se ressemblaient beaucoup physiquement. Ils ont de la sorte souligné la proximité temporelle et artistique entre ces deux immenses représentants de la littérature hispanophone et anglophone”.

Notons par ailleurs la place tout à fait particulière des élèves germanistes du parcours. En effet, sur les 6 élèves composant chacun des groupes, 5 d’entre eux étaient anglophones et hispanophones. Cela conférait alors à l’unique élève germaniste du groupe un statut un peu à part ainsi que la mission de faire comprendre aux autres des éléments de vocabulaire et de culture allemande. “J’observe, en tant que professeur d’allemand, que cette expérience a été enrichissante pour les élèves non germanistes. Connaissaient-ils des lettres d’amour en allemand ? Savaient-ils que Beethoven était né à Bonn ou bien combien le strudel était un délice ?”.  En 3e, les élèves abordent l’Allemagne principalement à travers le programme d’histoire consacré aux deux guerres mondiales et aux totalitarismes du XXe siècle. Selon Emmanuelle Sicot, la professeure d’allemand, le projet d’escape game interlangue a permis de pointer des aspects plus positifs de la culture germaniste.

Autre aspect bénéfique du projet, les professeurs ont constaté que l’expérience a mobilisé chez les élèves des compétences propres à la création, la coopération et l’entraide. L’objectif final de l’escape game étant de faire jouer les autres camarades de 3e du collège, les élèves du parcours langue se sont utilisés comme cobaye pour tester leurs énigmes. En ce sens, l’expérience leur a aussi permis de réaliser l’importance de la rédaction d’une consigne. Ils ont pu remarquer que, pour être résolues par les joueurs, leurs énigmes devaient être suffisamment corsées, sans pour autant être impossibles à résoudre. L’entrée par le jeu a enfin désinhibé quelques élèves. Certains, identifiés comme élèves en difficulté, se sont mobilisés pareillement, parfois davantage, que les autres. Ils se sont alors rendus compte qu’ils étaient capable de proposer des idées originales, de prendre des responsabilités ainsi que des initiatives.
 
auteur(s) :

L. Pahun

contributeur(s) :

A. Oudjani, I. Rossi-David, E. Sicot, F. Van Cauwenberghe, Collège Îles de Loire, Saint-Sébastien-sur-Loire [44]

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