Avec le Carnet de suivi des apprentissages, à chaque retour d’une période de vacances, l’enseignante annonce aux enfants la dizaine de compétences environ qui seront travaillées jusqu’aux prochaines vacances. Les enfants, ainsi que leurs parents, prennent connaissance de ces objectifs dont les images sont affichées dans la salle de classe, visibles de tous à tout moment et notamment des parents lorsqu’ils amènent ou viennent chercher leur enfant. Selon les enseignantes, cette visibilité des compétences travaillées permet d’associer davantage les parents à la compréhension du travail effectué en classe. "Petit bémol, certains parents s’en emparent un peu trop et entraînent leurs enfants à la maison plus que de raison, une pression parfois contraire à notre approche de l’évaluation", note Christine Blancho, qui enseigne auprès du niveau grande section.
En petite section, la manipulation du carnet est plus rare. Étant donné qu’il y a beaucoup moins de vignettes à coller ou de compétences à construire, les évaluations y sont bien moins régulières voire quasiment absentes au début de l’année. Cela permet aux petits de découvrir très progressivement leur carnet. Dès qu’ils y sont habitués, à partir de la moyenne section, ils viennent eux-mêmes réclamer leurs vignettes qui ne sont délivrées qu’avec l’accord de l’enseignante. Elles sont alors, lorsque la logistique le permet, immédiatement collées dans le carnet. Pour l’équipe de Couëron, le caractère immédiat de l’acquisition d’un niveau et du collage de la vignette dès que la compétence a atteint le niveau de maîtrise souhaité revêt une importance particulière. En effet, cette immédiateté permet de donner davantage de sens aux apprentissages. Autrement dit, face à ce qui est évalué, l’enfant sait tout de suite qu’il "est capable" ou qu’il "n’est pas capable". Toutefois, le Carnet de suivi des apprentissages n’est jamais présenté aux enfants comme étant une obligation de résultat. Rien n’est figé, les enseignantes y veillent. Lorsque les vignettes ne sont pas collées à l’issue d’un temps d’évaluation ou de construction de l’apprentissage, l’enfant aura, avant que l’année scolaire ne s’achève, l’occasion de revenir sur la compétence qu’il n’a pas su maîtriser à l’instant T, à l’occasion notamment d’un temps individuel que l’enseignante prend avec lui.
Si toutefois au cours de l’année, l’enfant ne parvenait pas à acquérir un niveau satisfaisant sur certaines compétences, les vignettes ne seront pas collées lors de l’année suivante. Les enseignantes ont en effet préféré laisser des blancs : "En feuilletant le carnet, les manqués permettent aussi à l’enfant de revenir dessus et de verbaliser : 'je ne savais pas faire ça l’année dernière, maintenant je sais'", précise Isabelle Vidot. Enfin, notons que pour les enfants en grandes difficultés, les enseignantes ont prévu un niveau minimum de la compétence afin qu’il y ait toujours des vignettes à coller dans le carnet. Autrement dit, l’enfant comprend qu’il est toujours compétent, mais dans un niveau de complexité ou de difficulté différent. Aux yeux de l’équipe enseignante, le caractère positif et bienveillant du carnet est tout à fait fondamental. Pour avoir confiance en lui, l’enfant doit sentir qu’il est mis en valeur. Il doit être fier de ce qu’il accomplit. Pour autant, le Carnet de suivi des apprentissages n’est pas qu’un faire-valoir car il permet aussi de signaler les difficultés de l’enfant via les commentaires que laisseront les enseignantes.
Grâce au système de vignette illustrant les compétences de manière échelonnée, les enfants comprennent généralement mieux où ils vont et s’investissent plus activement dans leurs apprentissages. Avec le recul des trois années de mise en œuvre du Carnet de suivi des apprentissages, les enseignantes ont constaté que les enfants verbalisaient davantage sur ce qu’ils vivaient en classe et sur leurs apprentissages. Ils sont aussi plus lucides sur ce qu’ils sont capables de faire et ce qu’ils ne savent pas encore faire. "C’est notamment à l’occasion des réunions parents/professeurs que l’on se rend compte à quel point les enfants se sont appropriés l’outil. Assis à côté du professeur et tenant le carnet, ils peuvent expliquer et raconter à leurs parents ce qu’ils ont fait, ce qu’ils n’ont pas réussi à faire et ce qu’ils vont faire", conclut Christine Blancho.