Contenu

innovation pédagogique

Recherche simple Vous recherchez ...

espace pédagogique > actions éducatives > innovation pédagogique > échanger

"T’es cap’ ou pas cap’ ?", l’évaluation en maternelle

mis à jour le 30/11/2020


dossier_13.png

Depuis 2015, suite à la publication des programmes d’enseignement de l’école maternelle, l’équipe pédagogique de l’école maternelle Jean Macé à Couëron (44) s’est lancée dans une réflexion collective portant sur le suivi et l’évaluation des apprentissages. Comment donner davantage de sens à l’école dès la maternelle en proposant notamment à l’enfant d’être acteur de son évaluation ? Le fruit de cette réflexion, le Carnet de suivi des apprentissages, a été introduit à l’école, d’abord en petite section (2017-2018), puis, lors des deux années suivantes, en moyenne et en grande section.

mots clés : échanger, évaluation des apprentissages


Avant le démarrage de l’expérience et l'utilisation du Carnet de suivi des apprentissages (CSA), les enseignantes de l’école assuraient le suivi des apprentissages des enfants avec un outil appelé Le livret d’évaluation. L’outil comportait notamment des listes de compétences classées selon les domaines d’apprentissage propres au premier cycle. Un point vert signifiait que la compétence était maîtrisée par rapport aux attendus ; orange qu’elle était en cours de construction ; rouge qu’elle n’était pas ancrée. "Ce fonctionnement ne nous donnait pas entière satisfaction. Malgré la mise en place de temps de remédiation, la couleur rouge délivre un verdict qui revêt quelque chose de définitif pour l’enfant. Elle lui dit qu’à un moment précis, il n’est pas capable de faire ce qu’on attend de lui", se rappelle Christine Blancho, enseignante en grande section. Pour l’équipe, il s’agissait donc de concevoir de nouvelles approches avec un outil susceptible d’évaluer sans décourager tout en mobilisant l’enfant vers les apprentissages.
 
En 2015, l’introduction des nouveaux programmes d’enseignement de l’école maternelle s’accompagnant de l’exigence de mettre en place un Carnet de suivi des apprentissages a été l’occasion de préciser et concrétiser ces questionnements autour de la conception du nouvel outil. Pour répondre aux attentes des enseignantes, le nouveau Carnet de suivi des apprentissages se devait surtout d’être plus proche des rythmes d’apprentissage de l’enfant et moins tranchant que le précédent livret d’évaluation. Enfin, il était important que l’enfant soit pleinement associé au processus d’évaluation mis en œuvre dans le nouvel outil. "À nos yeux, il était impératif que le carnet de suivi ne soit plus uniquement manipulé par les enseignantes et les parents. En effet, il nous importait que l’enfant soit à l’aise avec l’outil, qu’il se l’approprie totalement pour devenir pleinement acteur de ses apprentissages", explique Isabelle Vidot, directrice de l’école et professeure des écoles en petite et moyenne sections.

 
Fruit de ce cheminement, le Carnet de suivi des apprentissages a été introduit auprès des petites sections de l’école en septembre 2017. Il se présente sous la forme d'un cahier A4 spiralé et est divisé en cinq parties, qui correspondent aux cinq domaines d’apprentissage de l’école maternelle. Les enseignantes de Jean Macé ont ajouté un sixième domaine intitulé "Devenir élève" dont l’objectif est de développer les compétences propres au vivre ensemble, dans la mesure où l’enfant est invité à passer progressivement au statut d’élève. Chacune des six parties est représentée par une couleur (du orange pour les compétences propres à l’oral, du vert pour celles touchant aux activités artistiques, etc.), ce qui facilite pour l’enfant la navigation tout en visant à le rendre autonome par rapport à l’outil. Enfin, pour renforcer le sentiment d’appropriation et tâcher de développer un lien affectif, trois photographies de l’enfant, une par année de maternelle, sont collées sur la couverture.

À l’intérieur de chacune des six parties, les compétences identifiées par les enseignantes sont représentées par des carrés illustrés sous lesquels quelques mots expliquent à l’enfant la tâche à réaliser : "tracer des traits obliques", "réciter une comptine numérique jusqu’à 10", "communiquer avec les adultes et les autres enfants par le langage, en me faisant comprendre" entre autres exemples. Très brèves, ces consignes permettent d’apporter un complément d’information que le dessin de la vignette ne suffit pas à transmettre. Elles sont notamment à destination des parents ou des adultes qui travaillent avec l’enfant. Lorsque l’enfant atteint un niveau de compétence satisfaisant, l’enseignante lui donne la vignette qui représente la même illustration que dans son Carnet de suivi des apprentissages et qu’il peut alors coller à l’emplacement dédié. Lorsque cela est possible, le collage est immédiat mais il a le plus souvent lieu lors d’après-midis dédiés au Carnet de suivi des apprentissages car, pour les enfants de maternelle, "sortir les cahiers et coller les vignettes représente une certaine logistique", précise Isabelle Vidot. Sous la vignette, la professeure indique la date à laquelle la compétence est considérée comme ayant atteint un niveau de maîtrise satisfaisant et parfois un commentaire, voire une photographie, pour ancrer le souvenir de l’activité qui a permis de montrer ce niveau d’acquisition de la compétence.

Ainsi, tout au long des trois années de maternelle, le Carnet de suivi des apprentissages s’épaissit car les enseignantes y ajoutent les pages propres aux compétences des niveaux supérieurs. "Nous avions d’abord été tentées de réunir l’ensemble des compétences du cycle de maternelle, de la petite à la grande section, dans le Carnet de suivi des apprentissages. Mais nous avons rapidement réalisé que l’enfant de petite section aurait été submergé par la quantité d’informations. Il y avait là une perte de sens. Alors, nous avançons progressivement, au rythme de l’enfant. Au fur et à mesure des années, nous rajoutons des pages propres à son niveau. Nous nous sommes rendu compte que l’enfant apprécie cette progressivité et, en feuilletant son carnet, il constate avec plaisir le parcours qu’il a réalisé", explique Christine Blancho qui remarque par ailleurs que la réussite de ce projet repose pour beaucoup sur la vision commune de l’équipe de l’école et le caractère collectif du travail. En effet, la conception du Carnet de suivi des apprentissages a recueilli l’entière adhésion de toutes les enseignantes et l’outil n’aurait pas pu voir le jour sans ce travail commun.
 
La pleine adhésion de l’équipe était d’autant plus nécessaire que le Carnet de suivi des apprentissages induisait l’arrivée dans les classes de nouvelles pratiques pédagogiques et évaluatives. En effet, dans la mesure où il s’approche davantage des rythmes d’apprentissages de l’enfant, le carnet a fait sortir les enseignantes du schéma auparavant utilisé et reposant sur le triptyque : "manipulation, apprentissage et évaluation sur un temps dédié". "Nous sommes sorties de notre calendrier d’évaluation traditionnel et nos pratiques enseignantes ont été transformées", admet Isabelle Vidot.

Si quelques moments dédiés à l’évaluation, et plus particulièrement à l’évaluation individuelle, subsistent, les séquences évaluatives, principalement basées sur la manipulation et l’observation, se conçoivent désormais sur un temps plus long. Tout au long de l’année, les enfants reçoivent les vignettes qu’ils pourront coller dans le carnet. "Auparavant, nous dédions des périodes bien précises pour évaluer les enfants, périodes lors desquelles nous leur proposions souvent des fiches d’évaluation. Désormais, avec le Carnet de suivi des apprentissages, les évaluations des enfants n’ont plus de temps dédiés. C’est tout le temps que nous évaluons, explique Isabelle Vidot. Parfois, certaines compétences exigent une évaluation individualisée. Nous prenons ce temps-là".
 
Avec le Carnet de suivi des apprentissages, à chaque retour d’une période de vacances, l’enseignante annonce aux enfants la dizaine de compétences environ qui seront travaillées jusqu’aux prochaines vacances. Les enfants, ainsi que leurs parents, prennent connaissance de ces objectifs dont les images sont affichées dans la salle de classe, visibles de tous à tout moment et notamment des parents lorsqu’ils amènent ou viennent chercher leur enfant. Selon les enseignantes, cette visibilité des compétences travaillées permet d’associer davantage les parents à la compréhension du travail effectué en classe. "Petit bémol, certains parents s’en emparent un peu trop et entraînent leurs enfants à la maison plus que de raison, une pression parfois contraire à notre approche de l’évaluation", note Christine Blancho, qui enseigne auprès du niveau grande section.

En petite section, la manipulation du carnet est plus rare. Étant donné qu’il y a beaucoup moins de vignettes à coller ou de compétences à construire, les évaluations y sont bien moins régulières voire quasiment absentes au début de l’année. Cela permet aux petits de découvrir très progressivement leur carnet. Dès qu’ils y sont habitués, à partir de la moyenne section, ils viennent eux-mêmes réclamer leurs vignettes qui ne sont délivrées qu’avec l’accord de l’enseignante. Elles sont alors, lorsque la logistique le permet, immédiatement collées dans le carnet. Pour l’équipe de Couëron, le caractère immédiat de l’acquisition d’un niveau et du collage de la vignette dès que la compétence a atteint le niveau de maîtrise souhaité revêt une importance particulière. En effet, cette immédiateté permet de donner davantage de sens aux apprentissages. Autrement dit, face à ce qui est évalué, l’enfant sait tout de suite qu’il "est capable" ou qu’il "n’est pas capable". Toutefois, le Carnet de suivi des apprentissages n’est jamais présenté aux enfants comme étant une obligation de résultat. Rien n’est figé, les enseignantes y veillent. Lorsque les vignettes ne sont pas collées à l’issue d’un temps d’évaluation ou de construction de l’apprentissage, l’enfant aura, avant que l’année scolaire ne s’achève, l’occasion de revenir sur la compétence qu’il n’a pas su maîtriser à l’instant T, à l’occasion notamment d’un temps individuel que l’enseignante prend avec lui.

Si toutefois au cours de l’année, l’enfant ne parvenait pas à acquérir un niveau satisfaisant sur certaines compétences, les vignettes ne seront pas collées lors de l’année suivante. Les enseignantes ont en effet préféré laisser des blancs : "En feuilletant le carnet, les manqués permettent aussi à l’enfant de revenir dessus et de verbaliser : 'je ne savais pas faire ça l’année dernière, maintenant je sais'", précise Isabelle Vidot. Enfin, notons que pour les enfants en grandes difficultés, les enseignantes ont prévu un niveau minimum de la compétence afin qu’il y ait toujours des vignettes à coller dans le carnet. Autrement dit, l’enfant comprend qu’il est toujours compétent, mais dans un niveau de complexité ou de difficulté différent. Aux yeux de l’équipe enseignante, le caractère positif et bienveillant du carnet est tout à fait fondamental. Pour avoir confiance en lui, l’enfant doit sentir qu’il est mis en valeur. Il doit être fier de ce qu’il accomplit. Pour autant, le Carnet de suivi des apprentissages n’est pas qu’un faire-valoir car il permet aussi de signaler les difficultés de l’enfant via les commentaires que laisseront les enseignantes.

Grâce au système de vignette illustrant les compétences de manière échelonnée, les enfants comprennent généralement mieux où ils vont et s’investissent plus activement dans leurs apprentissages. Avec le recul des trois années de mise en œuvre du Carnet de suivi des apprentissages, les enseignantes ont constaté que les enfants verbalisaient davantage sur ce qu’ils vivaient en classe et sur leurs apprentissages. Ils sont aussi plus lucides sur ce qu’ils sont capables de faire et ce qu’ils ne savent pas encore faire. "C’est notamment à l’occasion des réunions parents/professeurs que l’on se rend compte à quel point les enfants se sont appropriés l’outil. Assis à côté du professeur et tenant le carnet, ils peuvent expliquer et raconter à leurs parents ce qu’ils ont fait, ce qu’ils n’ont pas réussi à faire et ce qu’ils vont faire", conclut Christine Blancho.
 
auteur(s) :

L. Pahun

contributeur(s) :

I. Vidot, C. Blancho, École maternelle Jean-Macé, Couëron [44]

ressource(s) principale(s)

13_p254c.jpg interroger l’évaluation 12/06/2014
La mise en place du socle commun et l'introduction, à tous les niveaux, des compétences dans les programmes d'enseignement, les dernières enquêtes PISA, la démotivation des élèves liée aux rés ...
échanger, évaluation, socle

haut de page

innovation pédagogique - Rectorat de l'Académie de Nantes