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Réel, réalité, réalité augmentée, hyper-réalité, virtualité … disparition du monde réel ? Ou : du statut de l’image, renouvelé par les technologies actuelles

Dans un monde dit « de l'image », il est utile, et même urgent, de ne pas confondre, et donc de bien distinguer, les différents types d'images, afin de les maîtriser plutôt que d'en dépendre. Nous pouvons, à cette fin et de prime abord, distinguer trois sortes d'images : celles qui réfléchissent et concentrent, voire précipitent (le tableau, entre autres, ce que nous appellerons les précipités) ; les matrices, celles qui résument, les super-résumés (comme en épistémologue, par exemple, les matricielles) ; enfin, celles qui ne font que redoubler, en tentant de copier le réel (celles du faussaire : les doubles).

Mais alors, dans quelles catégories se situent les images que le monde numérique nous propose aujourd'hui ? Sont-elles de simples copies, des doubles ? Dans ce cas, leur utilité tiendrait au fait que nous pourrions les diffuser en masse, les transporter sans altérer la réalité dont elles sont les images, sauver cette même réalité de la disparition et de l'entropie. Mais elles seraient aussi alors une menace, parce qu'elles nous rendraient captifs, irréfléchis parce qu'éblouis et fascinés, et d'autant plus médusés que ces images sont numériquement parfaitement travaillées, nous donnant l'illusion de la réalité elle-même. Ou bien, les images numériques sont-elles des condensés de la réalité ? Auquel cas, leur utilité tiendrait au fait que dans le concentré qu'elles présentent nous pourrions accéder à beaucoup plus, voire à la totalité du réel lui-même. Mais le danger tiendrait alors au fait que c'est l'accès à la réalité, en tant que tel, qui semblerait devenu impossible à effectuer, parce que les nouvelles images ne condensent plus la réalité, comme pouvait le faire le tableau périodique des éléments de Mendeleïev : elles la réduisent, elles ne la schématisent pas. Elles la montrent comme si elles étaient le réel. L'hyper-réalité, se substituant alors au réel, nous conduirait irrémédiablement, si nous n'y faisions pas attention, à ce que critique Baudrillard par ce qu'il appelle « la disparition du monde réel ». Ou bien, ces images numériques sont-elles encore des précipités, comme on pourrait le dire en chimie, en biochimie ou en météorologie ? Auquel cas, elles auraient leur existence propre et donneraient à réfléchir et à penser, parce qu'elles seraient une part intrinsèque du monde réel, voire sa cristallisation, comme peuvent l'être les œuvres d'art ou de la grande littérature (les tableaux du grand art ou les figures littéraires étant bien des images), tout en étant une pure virtualité ?

       Mais parce que toutes ces images se mélangent bien souvent les unes les autres, aujourd'hui, les unes étant prises pour les autres, les unes pouvant même devenir les autres, le jeu des doubles et des masques, auquel le multimédias et la convergence des supports physiques et numériques nous conditionnent (réalité augmentée), finit par troubler notre discernement et nous conduit bien souvent à la crédulité, par absence de connaissance mais aussi par manque de recul et d'analyse. Alors, et parce que « nous ne sommes pas des spécialistes », « ça nous dépasse », « ça va trop vite », nous nous refusons à juger par nous-mêmes, ce  qui n'est jamais loin du renoncement à soi, renoncement qui risquerait de faire le lit de la manipulation.

                Si nous voulons, au contraire, sauvegarder notre sens critique vis-à-vis du flot d'images, toujours grossissant, qui nous parvient et nous envahit dans tous les domaines, il nous faut apprendre à les départager, pour pouvoir authentiquement agir avec et même sur elles. C'est pourquoi, pour exercer notre discernement sur ces nouveaux objets, il nous faut une méthode. La méthode empirique que nous proposons de suivre est de commencer par nous appuyer sur le système d'évaluation simple (Précipité/Matricielle/Double) que nous avons ici utilisé, pour en montrer rapidement la fécondité problématique, en nous essayant à une taxonomie des images. Ce système aidera à énoncer les premiers critères, les premières règles, que, par la suite, on affinera en les confrontant les uns aux autres.

                Nos rapports au monde et à autrui passent toujours plus aujourd'hui par des images en tout genre : artistiques, religieuses, techno-scientifiques, politiques, mais aussi de plus en plus médiatiques. Nos vies privées et publiques sont ainsi redoublées d'un spectacle omniprésent et permanent, qui peut brouiller jusqu'à la distinction du réel et du virtuel. Dans ces conditions, n'est-il pas urgent de s'interroger à nouveau sur ce qui fait la ligne de partage entre des images maîtresses d'erreur et d'errance et des images susceptibles d'éclairer voire de créer le monde, et donc de participer au mieux à l'orientation de nos existences ? La lecture critique des images actuelles est à écrire. Nous voudrions apporter modestement, par cette rubrique, notre pierre pédagogique à cet édifice en construction.

 

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