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synthèse du rapport IG 2010 sur les manuels numériques

Le manuel scolaire à l'heure du numérique. Une « nouvelle donne » de la politique des ressources pour l'enseignement

manuels numériques

Parallèlement à l'expérimentation de manuels numériques en 6ème et 5ème, les inspections générales ont été invitées en 2010 à s'interroger sur la place, la nature et les usages du manuel scolaire en France.

La précédente étude sur ce sujet date de 1998. Ce qui motive aujourd'hui un nouvel examen de la question, c'est le constat d'un mouvement inéluctable vers les ressources numériques. Ce développement du numérique, dans la classe et hors de la classe, l'évolution des programmes vers l'acquisition de compétences et la diversification des contextes d'enseignement pourrait aboutir à une dilution du manuel traditionnel dans l'ensemble des outils et ressources informatiques.

Finalités et usages du manuel scolaire

Le rapport souligne une absence de concertation des politiques pédagogiques, éditoriales et financières.

L'objectif premier du manuel scolaire est de présenter, de manière organisée, les savoirs définis par les programmes officiels, au service des enseignants et des élèves. Mais l'éditeur, depuis 1793, est libre dans sa production des manuels. Il n'est pas soumis à une certification de l'institution.

L'enseignant dispose ensuite d'une liberté de choix et d'utilisation, mais souvent contrainte par la simple disponibilité du manuel dans l'établissement. La plupart des professeurs s'appuient en outre sur plusieurs manuels dans la préparation des cours. Les plus expérimentés ont moins recours au manuel de la classe, ou l'utilisent pour des documents d'illustration et des exercices.

Les inspecteurs rappellent que le manuel n'est pas le programme, mais une déclinaison du programme. Les manuels présentent des progressions linéaires, alors que sont encouragées des progressions « itératives ou spiralées » pour favoriser des apprentissages durables.
Le rapport formule donc une exigence : le manuel doit expliciter ses présupposés théoriques, en référence aux programmes.

Du côté des élèves en cours, on relève de très faibles utilisations individualisées des manuels au profit des pratiques collectives. Et, dans le premier degré, les leçons préparées à partir de plusieurs ressources sont souvent diffusées en photocopies, insérées ensuite dans des cahiers ou classeurs.

Le manuel, parmi d'autres supports, devrait être exploité davantage dans l'accompagnement personnalisé et le développement de l'autonomie.
Hors de la classe, le manuel se révèle fort peu comme un support de formation, un complément aux notes personnelles, une somme de résumés de cours et d'exercices, un outil d'égalité des chances. En réalité, les manuels demandent de plus en plus la présence de l'enseignant et ce dernier apprend rarement aux élèves à l'utiliser, et conseille peu les familles sur cette question. Les parents, bien qu'inquiets du poids des manuels dans le cartable, considèrent toujours le livre scolaire comme une référence des savoirs à acquérir et, chez certains, comme un instrument d'aide au travail des enfants.

Spécificité nationale, le manuel est plus présent en France que dans le reste du monde. Il exerce chez nous une fonction normative et rassurante. Il a été d'abord un outil d'uniformisation du système éducatif. Mais, conçu aujourd'hui pour des élèves en situation de cours en classe, sous la conduite d'un professeur, le manuel est de moins en moins « l'ouvrage de référence qui peut aider les parents à soutenir leurs enfants dans leur parcours scolaire » (p.19).

L'évolution du manuel : vers le multimédia


Depuis 40 ans, le manuel s'est enrichi d'une fonction documentaire et d'une mise en page attrayante. Et, depuis les années 90, la part documentaire s'ouvre aux supports numériques : documents textuels et iconiques dont l'observation et l'étude visent à développer l'esprit critique. On passe d'un « livre que l'on lit » à un livre « dans lequel on lit » (p.22). Dans son rapport de 1998, l'IGEN citait déjà l'expression « culture du zapping ». Les rubriques et les entrées se multiplient, la pédagogie du maître devient la clé d'assemblage de ce puzzle. Les éditeurs, pour leur part, affirment concevoir depuis 15 ans des manuels destinés en priorité à l'élève. Il s'agit d'apprendre aux élèves et de leur expliquer qu'ils apprennent. De là un discours plus simple, des illustrations abondantes, une mise en page claire, un vocabulaire adapté aux jeunes, des conseils méthodologiques, des exercices et de l'autoévaluation des acquis.

L'institution a également fait évoluer le manuel. La rénovation des programmes du collège et de l'école a incité les éditeurs à produire des compléments au manuel : produits audiovisuels, CD-ROMs, copies numériques de l'imprimé. A l'école toutefois, les copies numérisées, les fichiers d'exercices et de documents divers impliquent l'impression et la photocopie.

Selon les éditeurs, les enseignants sont incités à produire et à diffuser eux-mêmes leurs supports. Dans le second degré, l'offre de manuels « bi-média » est plus large, allant de numérisations en PDF, d'annexes numériques sur DVD, de compléments sur sites en ligne à de véritables manuels numériques interactifs, enrichis de fonctionnalités spécifiques.
Pour les auteurs de ce rapport, le manuel scolaire est arrivé à un tournant de son histoire et doit faire l'objet d'une politique concertée.

L'évolution de la pédagogie : socle commun et ENT


Le socle commun et la personnalisation de la prise en charge des élèves font évoluer les pratiques pédagogiques et notamment en matière de ressources pour l'enseignement. Le manuel classique ou numérique est structuré par discipline et n'intègre que très progressivement l'esprit du socle commun. L'enseignement ne se réduit bien sûr pas au socle commun, mais ce dernier interagit avec les programmes : « Chaque compétence qui le constitue requiert la contribution de plusieurs disciplines et chaque discipline contribue à l'acquisition de plusieurs compétences » (p. 26). Il découle de ce principe une concertation renforcée entre les disciplines (progressions, activités, maîtrises lexicales et mise en œuvre d'un livret personnel des compétences acquises). Dans ces nouvelles logiques, les parcours scolaires se personnalisent et les dispositifs d'aide et d'accompagnement deviennent prioritaires.

Et les ENT précisément  offrent « la possibilité du partage immédiat de l'information et de ressources avec l'élève » (p.27), ainsi que les échanges entre les membres adultes. La miniaturisation des outils et l'existence de logiciels de communication et de diffusion déjà familiers dans la vie quotidienne vont favoriser des échanges informationnels dans le temps et hors du temps de la classe. Cette évolution ne peut être contrainte ou dirigée. Il faut l'observer comme un écosystème en développement, s'appuyant souvent sur des trouvailles de ses acteurs.

Manuels contre réseaux


Les possibilités qu'offre le numérique (variété des formes documentaires, accessibilité de ces ressources) donnent une image pauvre du manuel classique. En langues, on utilise couramment des fichiers son ou vidéo, et qui peuvent être disponibles, pour un travail individualisé, sur un ENT ou un serveur. Cette « baladodiffusion » est fortement encouragée par l'institution.
 
Mais en fait, la question n'est pas de savoir si le manuel et les outils numériques sont complémentaires ou en concurrence. Il s'agit surtout de s'assurer si les fonctions et les objectifs du manuel, c'est-à-dire ceux de l'Ecole, sont bien présents dans les espaces numériques.

L'expérimentation 2009-2010


Dans 12 académies, des classes de 6ème ont expérimenté des manuels numériques à partir d'un ENT. Les élèves disposent aussi du manuel imprimé à domicile. Les premières observations révèlent un écart important des pratiques entre les enseignants familiers des outils TICE et ceux qui débutent en ce domaine. La qualité des illustrations projetées en classe a bien, comme on s'y attendait, renforcé l'attention des élèves. Mais si la démarche pédagogique reste frontale, le manuel projeté renforce l'effet magistral et l'apport aux élèves est alors très faible.

Une autre démarche, s'appuyant sur un questionnement individuel des élèves, des analyses et commentaires en commun, une synthèse tirée du manuel et des exercices d'évaluation animés, se révèle nettement plus fructueuse. Les usages individuels du manuel numérique par les élèves se sont pour l'instant peu développés.

Le financement du manuel scolaire


D'après la loi, les communes doivent assurer l'achat des fournitures scolaires, sans obligation spécifique concernant les manuels scolaires. De plus, le renouvellement des manuels ne suit pas celui des programmes. Et avec la disparité des choix personnels des enseignants, le rapport dénonce « un gâchis considérable » (p. 49) dû aux variations d'une commune à l'autre. Les maires souhaitent que de nouveaux textes précisent les responsabilités et les charges de la commune. Les outils numériques et les équipements informatiques représentent par ailleurs des coûts nouveaux et élevés.

Dans les collèges, les crédits délégués par le ministère sont en baisse. Ils sont en outre non « fléchés » dans l'enveloppe des crédits pédagogiques. 18 conseils généraux participent à l'achat de manuels qui restent dans l'établissement. Plusieurs départements investissent dans l'équipement numérique (réseaux, vidéoprojecteurs, TBI, ENT), mais restent réticents pour la fourniture de ressources pédagogiques.

Au lycée, les conseils régionaux, à partir de 2004, se sont peu à peu substitués aux familles. Ces dispositions sont variables d'une région à l'autre. Les régions souhaitent aussi voir les productions numériques des éditeurs moins chères que l'imprimé et garanties pédagogiquement.
Le financement des manuels repose donc sur « un équilibre fragile, historiquement daté, aux bases juridiques incertaines » (p.34).

Enfin, les éditeurs classiques abordent timidement le manuel numérique (1% de leur chiffre d'affaires total) en raison des surcoûts : droits afférents aux ressources à intégrer, TVA à 19,6% (5,5% pour l'imprimé). Le manque d'infrastructures pour un usage en ligne pousse aussi les éditeurs à privilégier le DVD ou le téléchargement.

Quelques acteurs peu nombreux (associations ou groupes collaboratifs d'enseignants, une entreprise privée : lelivrescolaire.fr) misent cependant sur le tout numérique. Sur ce point, il faut souligner l'engagement fort du ministère et des collectivités dans une politique de développement des ENT. Tout ceci génère des inquiétudes chez les éditeurs et distributeurs et révèle une véritable mutation de « l'espace pédagogique au cœur duquel s'insère l'instrument cognitif qu'est le manuel scolaire » (p. 38).

Les objectifs de l'institution visent en fait bien au-delà du périmètre du manuel. Ils concernent la ressource pour enseigner dans sa globalité et aussi l'éducation numérique des élèves (maîtrise des TICE et usage réfléchi d'internet).

Élèves, professeurs, familles


Plus de la moitié des lycéens consultent chez eux des ressources numériques en ligne pour réaliser leurs devoirs, surtout Wikipedia et ensuite des sites pédagogiques. Ils visent à élargir le champ de leurs connaissances, au-delà du manuel, ceci afin d'obtenir de meilleurs résultats. Mais cet enrichissement par le web n'implique pas forcément un abandon du manuel scolaire.

Chez les enseignants, le manuel est un outil toujours bien présent, avec des usages variés avant, pendant et après le cours. Le manuel devient cependant une ressource parmi d'autres et les enseignants qui exploitent l'interactivité comme moyen de produire l'autonomie de l'élève, qui intègrent dans leurs cours des illustrations, des informations, des fichiers trouvés sur le web, ceux qui explorent, avec leurs élèves, les possibilités des blogs, des wikis et des réseaux sociaux, ne sont plus tout à fait des pionniers. Enfin, les sites collaboratifs, les listes de diffusion ont développé considérablement l'interaction entre les enseignants. Avec ces nouvelles pratiques, les attentes non satisfaites des enseignants par rapport aux manuels scolaires deviennent plus relatives.

Pour les fédérations de parents, l'intérêt du manuel numérique, de la clé USB et des ENT, c'est surtout l'allègement du cartable. L'attachement au manuel imprimé demeure toutefois, surtout s'il peut être conservé au domicile. Les parents, enfin, se soucient beaucoup de l'égalité d'accès au numérique, dans l'établissement et au domicile.

S'adapter au monde numérique


La fracture numérique existe assurément, mais elle commence à s'amoindrir avec les investissements réalisés actuellement. Une vraie question concernerait plutôt la non-interopérabilité des instruments informatiques (systèmes d'exploitation, supports physiques divers, applications propriétaires...). L'offre de manuels numériques doit assumer cette diversité opératoire. Ni institution scolaire, ni édition scolaire ne peuvent influer sur la diversité et la concurrence des évolutions techniques du numérique. Le rapport préconise sur ce plan au moins un état d'esprit d'ouverture.

Concernant les ressources numériques, variées et nombreuses, issues d'institutions, d'associations, d'entreprises et de particuliers, des référencements et indexations sont en cours (Educasources, SIALLE, Edu'Bases, PrimTICE...), mais sans pôle central unique pour l'instant.

En résumé, l'objet « manuel scolaire » ne peut plus être univoque. Il doit s'adapter à la multiplicité des instruments et supports informatiques et à la diversité des autres ressources numériques.

La plus-value du numérique


La ressource numérique devient essentiellement aussi le support d'un apprentissage indispensable : la littératie, c'est-à-dire la capacité à trier, à décrypter et à maîtriser l'information. Professeurs et élèves sont acteurs de la composition des savoirs, ce qui modifie leur relation aux ressources.

Ces dernières, si elles sont numériques, deviennent ouvertes, sans délimitations documentaires fixées a priori. Elles impliquent des méthodes de travail, des procédures cognitives. Un manuel numérique ainsi conçu ne saurait se limiter à une série de chapitres numérisés. Il serait pensé plutôt comme un assistant pour créer des cours et les adapter aux élèves. Pour ces derniers, un tel manuel ne sera pas un ensemble normatif de savoirs à assimiler, mais « un lieu de rencontre » (p. 70) entre des exigences de formation et une puissance d'apprentissage individuelle.

Pour les éditeurs, ce manuel sera un dispositif applicatif complexe destiné à accomplir des tâches diversifiées, intégrées à des réseaux et ENT. Le manuel deviendrait ainsi « un service dont la valeur se développe par les usages » (p.70). La promotion et la diffusion de tels manuels, actuellement coûteuses (expositions, présentations, spécimens...) pourraient évoluer vers un espace unique en ligne, pour la consultation et la commercialisation.

Enfin, pour les établissements scolaires, il devrait être possible d'opérer des acquisitions partielles, modulables en fonction des projets pédagogiques locaux, et avec des « impressions à la demande », des combinaisons entre l'imprimé et le numérique.

Conclusion


Le manuel scolaire ne vit pas une simple mutation du papier au numérique. Il accède au statut de système informationnel ouvert, offrant des possibilités de création, d'intégration et d'organisation de contenus et d'activités pédagogiques.
A côté de ses propres ressources, il doit s'ouvrir à la multiplication des ressources disponibles en ligne actuellement. L'évolution de sa nature, de sa forme et de ses relations avec d'autres outils paraît nécessaire.
Il est par contre souhaitable que cette mutation s'effectue dans un cadre général et partenarial, impliquant des acteurs de l'institution scolaire, et ce à tous les niveaux.
Le rapport propose en annexe des recommandations détaillées aux services centraux, aux rectorats et aux IA :
1. Formation des élèves à la maîtrise des ressources numériques
2. Pilotage de politiques de ressources pour l'enseignement
3. Création d'une qualification « Manuel scolaire »
4. Clarification des responsabilités de l'état et des collectivités
5. Formation des enseignants et des corps d'inspection
6. Renouvellement du dialogue avec les éditeurs
 

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