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des élèves plus autonomes grâce à la classe inversée et au plan de travail

mis à jour le 07/02/2022


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Virginie Renou, enseignante d'espagnol au lycée polyvalent (LPO) Carnot Bertin de Saumur, a depuis le début de l'année 2021 décidé de généraliser une démarche pédagogique de classe inversée avec les quatre classes de terminales dont elle a la charge. Comment la classe inversée peut-elle permettre aux élèves de gagner en autonomie et de se responsabiliser dans leur travail ?

mots clés : échanger, classe inversée, plan de travail, autonomie, coopération


Virginie Renou enseigne l'espagnol au LPO Carnot Bertin de Saumur dans des classes très hétérogènes qui proviennent pour la majeure partie de filières technologiques (STHR, STI2D, STMG et ST2S). Elle précise que le lycée “accueille en majorité des élèves provenant de milieux sociaux défavorisés, qui se retrouvent dans nos classes souvent avec un passé compliqué sur le plan scolaire“. L'enjeu de l'investissement personnel dans les apprentissages, de l'autonomie et de la valorisation individuelle est donc crucial pour ces élèves.

En 2020, face aux nouveaux programmes et à la réforme du Baccalauréat, V. Renou a le sentiment d'être mise en échec. La venue de son inspectrice académique – inspectrice pédagogique régional d’espagnol, madame Jego, puis une formation sur la classe inversée assurée par monsieur Gavaland, professeur de physique-chimie et formateur académique, vont lui permettre de mettre en avant la nécessité de travailler avec ses élèves la question de l'autonomie que V. Renou définit ainsi : “C'est le fait d'être capable de travailler seul, de trouver des moyens pour surmonter des obstacles, d'être capable de s'organiser pour parvenir à un objectif. L'autonomie d'un élève est mesurable à l'atteinte de l'objectif (dans le cas de la classe inversée, l'objectif est de parvenir à faire le maximum d'activités) et au nombre de fois où l'élève m'interpelle dans le cours. [...] À partir du moment où l'élève a passé sa séance à travailler et à chercher des solutions à ses problèmes l'objectif est atteint.” Il s'agit donc d'une autonomie organisationnelle et cognitive.
 
C'est par le biais d'une pratique de classe inversée pour ses quatre classes de terminales et sur l'ensemble de ses heures de cours que V. Renou se propose de travailler cette problématique de l'autonomie.
 
La base de cette pratique est la constitution d'un plan de travail. Ce document est présenté aux élèves en début de séquence avec une feuille de route, dans ce qui constitue la seule séance avec une organisation de classe classique (élèves assis face à l’enseignant). Ce plan de travail va comprendre six séances avec, pour chacune, un ou plusieurs documents. Pour chaque document, un entraînement au baccalauréat1 et une fiche à compléter sont prévus. Chacun choisit d'effectuer un, deux ou trois documents, dans l'ordre qu'il souhaite. Un entraînement baccalauréat est obligatoire à minima, mais l'élève choisit le moment où réalise ce travail individuel sur table en classe. Il n'y a donc aucun devoir sur table pour tout le monde en même temps à une heure précise. Pour les fiches de travail, elles peuvent être réalisées partie à la maison, partie en classe, individuellement ou en groupe. La séquence prévoit aussi un entraînement à l'oral pour le bac, exercice qui se fait en individuel à la maison. Les élèves ont trois semaines environ pour faire la tâche et envoyer une production orale à l'enseignante qui reviendra en cours sur le travail de chacun. En début de séquence, V. Renou réalise aussi des genially pour centraliser numériquement les ressources de la séquence (fiche vocabulaire, fiche grammaire, exercices...) et des documents méthodologiques afin de guider les élèves et qu'ils y aient accès de façon simple depuis chez eux. Enfin, la séquence s'achève par une “tâche finale” réalisée collectivement et qui constitue l'aboutissement de la séquence : celle-ci peut être notée ou non et prend toujours la forme d'un projet : réaliser un quiz musical, tourner une vidéo pour le site du lycée.
 
Concernant l'articulation travail personnel (à la maison) et travail en classe, l'enseignante essaie au maximum de développer le degré d'autonomie des élèves, et de faire évoluer leur posture pendant la séance. Elle va passer les voir en début de séance pour faire le point sur leurs avancées et leur travail du jour, puis en fin de cours pour les « conseiller sur ce qu'il serait bien qu'ils travaillent à la maison » d'ici la prochaine séance en classe. Dans les faits, elle va voir systématiquement les élèves les plus fragiles dans sa matière au début et à la fin du cours pour étayer et suivre au mieux leur travail. Pour les plus en réussite, un coup d’œil pour évaluer et valider leurs avancées et leur travail suffit souvent. Enfin, le travail en groupe permet aussi en fin d’heure pour certains un bilan et des consignes collectives. Dans le détail, le travail à la maison consiste surtout en une démarche de compréhension détaillée sur les documents de la séquence, ainsi que de la préparation de travaux d'expression écrite ou orale. En classe est davantage mené un travail de remédiation sur la langue (grammaire, syntaxe), sur la prononciation, et un échange à partir des difficultés rencontrées avec une recherche de solutions (remédiation de l'enseignante ou des camarades dans le cadre de travaux de groupes). La présentation d'une heure type de cours en classe inversée permet de se faire une idée plus précise de la pratique de V. Renou.

La classe inversée favorise la coopération entre élèves dans une réelle liberté personnelle puisque V. Renou le rappelle : “Pour les travaux de groupe je n’impose rien, les élèves ont la liberté de choisir” entre travailler seul ou en groupe. Ceux qui se mettent en groupe s’associent spontanément avec un ou quelques copains et l’enseignante observe : “ils sont capables de travailler en groupe avec leurs copains, je dirais même qu’ils sont plus efficaces. Et je n’ai à ce stade encore jamais vu un groupe qui se mettait ensemble et ne faisait rien, contrairement aux travaux de groupes imposés et limités dans le temps, dans le cadre de la classe traditionnelle.” Concernant les élèves moins habitués ou à l’aise pour travailler en coopération, ils restent libres d’avancer seuls mais “très rapidement, l’élève solitaire va se rendre compte qu’il a besoin des autres pour avancer aussi vite qu’il voudrait. Dans un premier temps, il se tourne en général vers la personne la plus proche... et petit à petit il accepte de travailler avec les autres.”

Cette pratique transforme radicalement la forme et la finalité des heures de cours ; une fois la séance initiale de présentation de la séquence effectuée, l'enseignante ne va plus se trouver face aux élèves mais à “enseigner avec les élèves”. Sa posture est donc bouleversée et V. Renou estime qu’elle “développe des compétences beaucoup plus en accord avec elle-même”. Ainsi, dans les cours qu’elle proposait avant de mettre en place sa pratique de classe inversée, elle trouvait que faute de temps (1 heure 30 à 2 heures d’espagnol par semaine) certains élèves étaient trop peu accompagnés et que le moment des corrections était un temps perdu et de passivité pour trop d’entre eux. Là, avec la classe inversée, c’est individuellement que les élèves vont être conseillés, corrigés, et cela à chaque cours. Voici comment l’enseignante définit son activité auprès de chacun : “En ce qui concerne les activités, je les aide à trouver des éléments porteurs de sens, je travaille aussi avec eux sur la mémorisation du vocabulaire, la méthodologie du compte rendu, l’analyse de documents, la prononciation, la syntaxe.” Et pour les corrections elle peut leur expliquer individuellement leurs erreurs.
 
Le bilan de cette expérience semble d'ores et déjà globalement positif comme le montre une enquête réalisée par l'enseignante auprès de 80 élèves : 60 % des élèves se disent en effet satisfaits de la classe inversée et seuls 10 % préfèrent la classe classique : mais comme il s'agit souvent « des bons élèves qui se sentaient très bien avec la méthode classique », on peut penser que cela leur demande une adaptation sans nuire in fine à leur réussite scolaire. Une majorité d'élèves disent travailler davantage à la maison et 90 % des élèves s'avouent “moins stressés”, ce qui est notable. Par ailleurs, cette pratique, en favorisant l'entraide, les échanges et le travail à plusieurs, permet à chaque élève de se sentir valorisé à un moment. Pour les élèves plus en difficultés, l’accompagnement personnalisé de l’enseignante va permettre une progression pour chacun à son rythme, et pour les plus avancés la possibilité de soutenir leurs pairs par le travail en groupe et d’avancer à leur rythme est aussi source de valorisation. Tous acquièrent enfin des valeurs humaines et sociales transversales, bien au-delà du strict champ linguistique.

Quant à l'enseignante, malgré le fait de devoir gérer parfois quelques effets indésirables de cette méthode (gestion du bruit, de l'espace, de rares élèves ne jouant pas le jeu...) elle apprécie énormément de voir ses élèves progressivement gagner en autonomie, se responsabiliser. Elle gagne aussi à pouvoir davantage écouter, accompagner, connaître et évaluer chacun individuellement, et de sentir qu'un sens se dégage des cours jusqu'à l'aboutissement du projet final. Elle reconnaît juste que certaines conditions sont sinon nécessaires, du moins facilitatrices, comme celle de pouvoir disposer, comme c’est son cas, d’une petite salle attenante à sa propre salle de classe pour élargir l’espace de travail de ses élèves D'ailleurs, loin de s'arrêter là, V. Renou travaille désormais sur un projet de classe renversée qui irait encore plus loin puisque selon ses propres termes, “l'étudiant devient alors enseignant” et l'enseignant laisse encore davantage de place et d'initiatives à l'élève dans la construction des savoirs.


1. Aujourd’hui, avec la modification du règlement de passation du Baccalauréat, les élèves doivent passer des épreuves en fin d’année de terminale attestant leur niveau en compréhension orale, compréhension écrite, expression orale et expression écrite. Elles prendront la forme des anciennes épreuves communces, donc les entraînements existent toujours mais on ne les appelle plus “type bac”. Cette attestation est obligatoire pour l’obtention du bac.
 
auteur(s) :

S. Billon

contributeur(s) :

V. Renou, C. Moreau, LPO Carnot Bertin, Saumur [49]

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