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laisser les élèves entreprendre pour les aider à apprendre

mis à jour le 09/12/2022


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Karine Pagé enseigne l’économie et la gestion commerciale aux élèves de bac pro Métiers du commerce et de la vente au lycée Nelson Mandela à Nantes. Depuis 2015, elle pratique une pédagogie fondée sur une approche empirico-inductive. Elle place ses élèves dans une situation professionnelle concrète où ils vont s’approprier par eux-mêmes ou en coopération ce qu’ils doivent apprendre. En prenant le rôle de guide, elle les accompagne pour développer leurs compétences. Quelle mise en œuvre dans la classe ? En quoi sa démarche participe-t-elle à médiatiser leurs savoirs ?

mots clés : échanger, classe inversée, méthode inductive, expérimentation, compétences professionnelles, magasin pédagogique, réseaux sociaux, Tice, événement d’apprentissage


Depuis ses débuts en 2006 alors qu’elle commençait à exercer son métier d’enseignante avec des classes de Segpa (Section d'enseignement général et professionnel adapté), Karine Pagé observait que ses “élèves apprenaient et mémorisaient beaucoup mieux lorsqu’ils étaient dans la sensation et dans la pratique”. En les incitant à expérimenter d’abord, en les laissant en autonomie explorer et examiner une situation, elle constatait qu’ils entraient mieux dans le monde des idées et du savoir. Ce qui leur paraissait abstrait au début, une fois vécu, leur devenait plus concret. Elle a donc cherché à développer une démarche pédagogique dans ce sens. Elle comprend trois phases d’apprentissage qui, du côté professeur, s’appuient sur une posture du “lâcher prise”1. La professeure observe ses élèves apprendre, établit avec eux une relation d’aide étayante qui engage empathie, communication positive et partage.
 
Dans un premier temps, ses élèves travaillent à distance d’elle à partir d’un dossier qu’elle scénarise autour d’une situation problème que pourrait rencontrer une entreprise. Pour rendre le contexte le plus concret possible et ainsi stimuler l’envie d’apprendre de ses élèves, l’enseignante choisit souvent de travailler - à propos ou avec - des marques qu’ils connaissent et utilisent déjà (enseignes locales, lieux de PFMP2, habitudes d’achat). À l’issue de chacune des séances, les élèves doivent résoudre le problème professionnel en jeu, seul ou à plusieurs, et réaliser une production écrite ou orale (un sketch de vente, une affiche, un argumentaire, une annonce). Ils apprennent à réfléchir, à chercher l’information, à faire des choix et parfois à les négocier à plusieurs.
 
Afin d’inscrire l’expérience au plus près du réel et d’accompagner ses élèves dans la construction de leur savoir, Karine Pagé leur met à disposition des ressources variées et authentiques. Ils peuvent à tout moment s’en servir pour mieux saisir un point encore flou ou pour bénéficier de méthodes sans avoir à faire appel systématiquement à leur enseignante. Ce peut être des documents professionnels officiels issus de l’enseigne en question, des fiches d’aide conçues sur-mesure par la professeure, et même par les élèves eux-mêmes, souvent d’une classe supérieure. Ces ressources peuvent aussi bien prendre la forme d’une vidéo, que de liens renvoyant à des sites web ou des dépliants papier. À la manière d’une école-entreprise, Karine Pagé leur laisse aussi à disposition le magasin pédagogique3 du lycée. Grâce à lui, ils expérimentent in situ des gestes professionnels en lien avec le scénario et utiles lors des PFMP et des événementiels4.

Lors de cette première étape, la professeure n’intervient pas encore auprès de ses élèves, sauf pour cadrer, en début de séance les objectifs des activités et le temps imparti pour les réaliser. Elle ne s’est déplacée qu’au besoin comme pour aider à la compréhension d’une consigne. Ils ont eu quant à eux la liberté de travailler avec qui ils voulaient, dans la salle qui correspondaient le mieux aux activités (salle informatique ou bien magasin pédagogique). Ce temps a permis à Karine Pagé de les observer dans leur rapport au travail, d’identifier ceux qui étaient en peine, ceux qui avaient besoin de temps supplémentaire, et ceux qui au contraire, avaient déjà terminé. Cette première phase lui paraît essentielle pour laisser ses élèves entreprendre à leur manière, et les autoriser à suivre leur rythme.
 
La deuxième phase de sa démarche pédagogique repose sur sa rencontre avec ses élèves et les élèves entre eux. Chacun a un rôle à jouer. La fin d’un exercice ou la fin d’une tâche suppose toujours un événement d’apprentissage. C’est le moment où les élèves doivent rétroagir en lui expliquant leur raisonnement et/ou par une mise en pratique devant elle. Par le questionnement, par le dialogue, Karine Pagé les interroge sur les “dilemmes de métier”5 auxquels ils ont fait face durant l’activité. Elle les aide à s’approprier les savoirs récoltés en les conseillant et en les corrigeant. Cette étape commence toujours avec ceux qui ont terminé le travail dans les délais. Elle se poursuit au fur et à mesure que les élèves finissent leur tâche. Les autres, quant à eux, deviennent des élèves ressources. Ils se déplacent pour aider leurs pairs. Ce ne sont donc plus seulement des savoirs théoriques que Karine Pagé développe auprès de ses élèves ; ce sont aussi des savoirs-être : “J’essaie de leur inculquer des notions de citoyenneté. Chacun doit apprendre à travailler ensemble. Chacun a ses propres méthodes qui méritent d’être partagées”, ajoute-t-elle. Karine Pagé remarque que ses élèves prennent plus d’initiatives depuis, qu’ils gagnent davantage confiance en eux parce qu’ils se sentent utiles. Cela renforce aussi l’esprit de cohésion du groupe.

La troisième phase d’apprentissage est celui de la consolidation des savoirs. Tous les élèves restituent en autonomie, souvent de la manière qu’ils le souhaitent, ce qu’ils ont appris. Ils font émerger les notions essentielles de la séance. Parfois, Karine Pagé leur impose des contraintes, tant dans le support (utilisation d’une vidéo ou d’un outil numérique comme Canva ou Storyboard) que dans le contenu (liste de vocabulaire). Elle les corrige ensuite, en discute avec eux, puis tour à tour, ils échangent ensemble sur un temps court, par petits groupes. Sur un temps magistral ensuite, elle dresse le bilan des apprentissages et s’appuie sur quelques productions d’élèves pour illustrer des points clés de la séance. Celles-ci deviennent de nouvelles ressources pour les autres.
 
Conformément aux attentes du référentiel du bac pro Métiers du commerce et de la vente, karine Pagé cherche à construire des compétences professionnelles qui favorise l’employabilité de ses élèves : apprendre à communiquer et s’adapter à leur environnement professionnel, à identifier les besoins des clients pour vendre sur tous les canaux, qu’ils soient physiques ou numériques.

“J’aime vos cours parce que vous nous impliquez ” lui confie une élève lors d’une réunion parents-professeurs. En les laissant entreprendre et donc en leur donnant la liberté de se tromper, Karine Pagé permet à ses élèves de reprendre confiance en leur pouvoir d’agir. En expérimentant, ils théorisent. En aidant leurs pairs, ils verbalisent. En construisant leur cours, ils le mémorisent. En le partageant, ils se professionnalisent.


1. Concept développé par Dominique Bucheton : Les élèves sont responsables de leur travail et expérimentent les chemins qu’ils choisissent.
2. Périodes de formation en milieu professionnel : stages en entreprise
3. Salle aménagée au sein du lycée comme une boutique : plot d’accueil, caisse, produits.
4. Les élèves, tous niveaux confondus, assurent la gestion commerciale d’une boutique Zanashop. Lors des événements de saison comme Noël, ils vendent leurs produits dans le magasin pédagogique à des enseignants ou bien à des clients chez leurs partenaires (centre commercial Beaulieu ou Boulanger par exemple).
5. Propos de Pascal Simonet, enseignant-chercheur maître de conférences à Nantes Université, recueillis lors du congrès Les clé(s) de l’éducation, Drane/Cardie, juillet 2022.
 
auteur(s) :

J. Jacquat

contributeur(s) :

K. Pagé, K. Couture, Lycée Nelson Mandela - Nantes 44

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