innovation pédagogique

Conscientes des difficultés que pouvaient rencontrer certains de leurs élèves, et désirant les soutenir au mieux en tant que professeures principales, les deux collègues leurs ont élaboré un parcours d'accompagnement. Une partie du programme de français ayant pour objectif de consolider les compétences fondamentales d’expression écrite et orale dans une perspective de formation de la personne et du citoyen, celui-ci a la particularité d'être intégré à leurs séances disciplinaires et est complété par certaines activités tournées vers le vivre ensemble en heures de vie de classe.

Sachant que les interactions entre les apprenants sont un facteur déterminant pour agir en faveur du bien-être à l'école, elles privilégient un temps d'accueil plus long en début d'année. Leur souhait est avant tout de donner accès à leurs élèves à un milieu sécure.
En effet, mieux connaître ses besoins et ceux des autres offre à chacun la possibilité de grandir, s'épanouir ensemble en confiance.

Une des séances proposées a pour objectif de déconstruire les idées négatives qu'ils ont, pour la plupart, de l'école et leur proposer un travail de recul sur soi. Quelle est leur part de responsabilité dans la réussite à l'école ? L'apprentissage d'un élève ne dépend - il que des professeurs ? L'école n'apprend-elle que la théorie et pas la vie ? L'école n'a-t-elle pas pour but d'enseigner aussi à être responsable ? Qu'apprend-on véritablement à l'école, des connaissances, des compétences, à vivre ensemble ? Afin de clarifier leurs représentations, de lever les doutes, les deux professeures interrogent donc leurs élèves sur le sens qu'ils accordent à l'école.

Emmanuèle et Sophie ont donc décidé d'axer en priorité des séances sur la connaissance de soi et des autres. Ainsi, leur action navigue entre des activités renforçant les compétences sociales, émotionnelles et cognitives des élèves en lien direct avec le champ disciplinaire qu'elles enseignent. Elle répond à leur besoin d'instaurer un climat de confiance propice aux relations d'entraide, sans jugement. Chacun peut alors se sentir à l'aise pour exprimer ses opinions, être le plus possible soi-même.

Le contenu des activités proposées est diversifié, à la fois ludique et pédagogique, et permet sans doute de favoriser leur engagement d'apprenant. Le cheminement expérimenté lors des séances les sensibilise à parfaire progressivement leur posture d’implication. S’impliquer, ça s’apprend et cette compétence devient le fil rouge du déroulé annuel.

Un travail descriptif et analytique donne naissance à une arborescence de cette compétence implication, compétence intégrée à leur bulletin. L'écriture des descripteurs vient renforcer la démarche engagée. Acteurs et rédacteurs des compétences attendues, les élèves entrent dans une démarche d'autoévaluation. Ils ont à compléter un bilan sur leur implication en donnant des exemples précis, datés et explicités. Lors de l'écriture commune de la carte mentale de l'implication, ils accèdent à une partie d'eux-mêmes rarement intimement interrogée : leur part d'engagement.

Ainsi, au fur et à mesure des séances, une prise de conscience des effets de leur posture d'élève sur leurs résultats scolaires se met en place. Dès lors, ils participent à l'écriture de leur propre histoire, par un cahier de suivi, en abordant plus sereinement leur projet d’orientation.

Partager un réel, donner accès à une parole authentique, voilà ce que cherchent à développer Emmanuèle et Sophie.

En favorisant un environnement d'apprentissage transparent, tant dans ce qu'il y a à faire que dans pourquoi on le fait, la motivation des élèves s'accroît, ils deviennent autonomes. C'est pourquoi cet accompagnement spécifique a du succès auprès d'eux.

Son évaluation ne se mesure pas en notes. Les deux professeures principales perçoivent ses effets par la qualité du travail réflexif qui est rédigé par les lycéens. Il est plus développé, plus précis. Quand vient l'heure du choix, l'orientation est plus affirmée : “même quand il s'agit de changer de lycée pour faire une spécialité” ajoute Emmanuèle. Sans oublier un fait essentiel, le dialogue professeure/élève est basé sur une confiance mutuelle. Encouragés et accompagnés au plus près de là où ils en sont, les élèves s'associent à leur scolarité entre domaines de connaissance et compétences disciplinaires. C'est pour eux, sans doute également, l'occasion de découvrir une part d'eux-mêmes. Emmanuèle, très justement, parle de “rendre visible ce qui était, jusque-là invisible à leurs yeux”.