innovation pédagogique

Le premier volet de ce projet va être de constituer une équipe, un collectif d’enseignants volontaires qui va accepter de se former, d’une part, grâce à un projet Erasmus+ qui va leur permettre un voyage d’étude dans plusieurs pays européens, et d’autre part, sous forme de conférences, Mooc, formations PAF ou colloques dans le domaine des neurosciences et des pédagogies de l’initiative notamment. Ils vont, par exemple, découvrir le concept de classe mutuelle développée par l’enseignant-chercheur Vincent Faillet.

L’aménagement d’une salle de classe au sein du lycée va constituer l’étape suivante du projet. Financé, en partie par Erasmus +, cet aménagement va d’abord consister en l’achat de nouveaux matériels, comme l’acquisition de tables incurvées à roulettes, faciles à déplacer, à “emboîter” et à disposer en îlots. Les deux enseignantes notent, en effet, que si on peut aussi déplacer les tables, en classe ordinaire, on risque de gêner les collègues des salles contiguës (par le bruit occasionné) et de “perdre du temps”, alors que “le mobilier modulable permet une adaptation très facile et les tables sur roulettes autorisent énormément de configurations et de changement dans la même heure.” On peut ainsi, aisément, passer dans la même séance, d’une disposition classique en tables individuelles à des îlots pour des travaux de groupe, puis à une disposition en ligne pour une exposition du travail produit en fin de séance.

Le deuxième aménagement de la salle va consister en l’installation de tableaux blancs et noirs disposés sur deux des quatre murs de la grande salle rectangulaire. Un troisième mur, entièrement vitré, sert aussi à l’affichage de feuilles et affiches lors des différents travaux des élèves. Ces multiples tableaux et espaces d’affichage favorisent notamment les travaux en petits groupes, où les élèves peuvent retravailler le cours, faire des exercices en s’entraidant et coopérant après une présentation générale de la notion par l’enseignant, en début de séance, selon le principe de la classe mutuelle.
Par ailleurs, la configuration de la salle, incluant une demi-douzaine d’ordinateurs, facilite aussi la recherche et le travail individuel comme “des activités de type exposition, forum, avec des stands qui peuvent être installés en divers lieux de la salle”, selon Mme Sireau-Lesot. Tous ces aménagements ne sont donc pas purement matériels, mais ont tous la même finalité pédagogique : favoriser la parole multiple (permettre aux élèves de davantage exprimer leurs savoirs, questions, difficultés, hypothèses…) et la dimension collective et collaborative des apprentissages, en permettant aux élèves de bouger, de parler davantage et d’être incités à prendre plus d’initiatives lors des différentes séances.

Cette salle de classe singulière va donc servir pour une première expérimentation : explorer des possibles pour mettre en place une pédagogie plus incitative permettant aux élèves de plus communiquer, plus coopérer. Plusieurs classes ont une grande partie de leurs horaires dispensés dans ce nouvel espace. Deux modalités de travail illustrent particulièrement bien l’intérêt d’un espace repensé : le “world café ou speed talking” et “l’exposition collaborative”. Pour la première modalité, les élèves, répartis en petits groupes, travaillent (quelle que soit la discipline) de manière coopérative sur des tâches ou exercices dont ils ne font qu’une partie. Ensuite, ils transmettent à un autre groupe qui, lui, doit alors essayer de comprendre le début du raisonnement, des premiers résultats et se l’approprier pour pouvoir continuer l’exercice. Cette forme de mise en activité va nécessiter des déplacements, des échanges entre les élèves, des affichages et parfois l’utilisation des ordinateurs. Pour “l’exposition collaborative”, il s’agit aussi d’un travail de groupe. Les élèves se voient confier un cahier des charges et vont réaliser sur le sujet choisi une affiche, dans le cadre d’une exposition en classe. Pour ce type d’activité, éminemment basée sur la coopération et l’interaction, on conçoit bien que la possibilité de pouvoir se déplacer, pouvoir ranger rapidement les tables, avoir de multiples espaces d’affichage, ainsi que le recours aux moyens numériques vont être précieux, facilitateurs.

De cette expérience de deux années les enseignantes tirent un bilan positif : “les classes ont eu tendance à bien coopérer, les élèves ont pris confiance en eux et ont progressivement acquis des habitudes d’autonomie”, comme de se déplacer et de changer de “poste de travail” sans perturber le travail des autres. Des compétences psychosociales se développent également, notamment la qualité d’écoute de l’autre ou la prise d’initiative et l’affirmation de soi au sein d’un groupe. Un autre effet positif de l’expérimentation, plus inattendu est observé par les agents d’entretien de l’établissement : cette salle réaménagée reste nettement plus propre que les autres. Peut-être est-ce parce que les élèves se sont davantage appropriés les lieux, parce qu’il est un espace d’apprentissage dans lequel ils se sont fortement impliqués ? Du côté élèves, une classe de seconde (35 élèves) a répondu à un questionnaire d’évaluation à la fin de l’année scolaire 2018-2019, première année de l’expérimentation. Si quelques critiques ressortent dans cette enquête (bruit parfois, aspect vétuste et isolé de la salle), une quasi-unanimité des élèves apprécient l’aménagement de l’espace de travail, qu’il s’agisse de la disposition des tables modulables, du travail en îlots ou de la végétalisation de la classe. On y lit aussi une appétence réelle pour le travail en binôme et/ou en groupe que ces aménagements favorisent. Enfin, des progrès liés à cette nouvelle façon de travailler sont mis en évidence : plus d’aisance pour s’exprimer en public et communiquer avec l’enseignant et ses pairs, meilleure connaissance et soutien mutuels entre élèves.

En cette rentrée scolaire, le projet se poursuit sous une forme un peu différente. Une dizaine d’enseignants restent mobilisés et la salle a été rénovée durant les vacances estivales. La réforme du lycée et la mise en place des spécialités en première-terminale font qu’il y a de nombreux groupes d’élèves fluctuants dans les classes. Une dizaine de groupes, soit au total quelques 350 élèves utilisent la salle aménagée sur quelques heures de disciplines variées. Davantage d’élèves vont donc pouvoir découvrir d’autres modalités de travail et d’apprentissage. Une nouvelle expérience qui méritera à son tour une attention et une évaluation particulières afin de mettre en valeur quelques résultats.