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confinement : retours d'expériences

mis à jour le 30/11/2020


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Avec le confinement lié à la COVID 19, la notion de classe et le face-à-face élève-professeur ont disparu du jour au lendemain. Le travail à la maison est devenu la norme. C’est donc à l’intérieur du cercle familial qu’il a fallu organiser l’accompagnement des enfants et des jeunes. Que pouvons-nous retenir de cette expérience pour que l’école d’aujourd’hui ne soit plus tout à fait la même que celle d’avant confinement ?

Cet article est une collection de témoignages d’une dizaine d’enseignants du second degré de disciplines variées et de parents d’élèves sur l’expérience du confinement.
Ils ont été recueillis avant l’été, alors que le confinement était en vigueur puis lors des semaines qui ont immédiatement suivi le déconfinement.
Le petit nombre d’entretiens ne permet pas de tirer des conclusions globales mais donnent quand même à voir des situations authentiques. Si cet article n’est pas une étude macro, il vient raconter des expériences qui éclairent sur la capacité d’adaptation de nombreux professeurs et ouvrent des réflexions pour tous.
À partir d’échanges avec les professeurs et parents, il s’est agi d’organiser la matière récoltée. Quelques objets de transformations semblent émerger de ce contexte singulier. Quatre thématiques qui peuvent devenir des questions professionnelles à partager et aider peut-être à faire émerger des pistes pour la construction d'une école différente ont été repérées.

mots clés : échanger, confinement, parents, autonomie, individualisation, technologie, évaluation


Dans les textes officiels et notamment dans la brochure datant de 2014 intitulée : “L’exercice de l’autorité parentale en milieu scolaire” (ministère de l’Éducation nationale) on peut lire en préambule : “Le rôle des parents dans la scolarité de leur enfant est indispensable pour contribuer à sa réussite scolaire.” On y évoque une “coéducation, c’est-à-dire une collaboration étroite et responsable partagée entre l’école et la famille dans l’éducation des enfants”. Avant le confinement, force est de reconnaître que cette “collaboration étroite” était toute relative et plus ou moins harmonieuse. Puis, avec la fermeture des écoles, les parents se sont retrouvés les garants indispensables de la poursuite du travail scolaire de leur enfant : instaurer un rythme et des horaires, mettre en place un programme de travail quotidien, accompagner leur enfant quand il était dans la difficulté ou se décourageait, assurer le lien avec les professeurs ou encore veiller au rendu des travaux. Si ces tâches relèvent bien de la coéducation, la disparition de la présence physique à l’école a rompu l’équilibre école-famille dans la responsabilité de la continuité scolaire. Pour d’autres parents et comme en témoigne cette mère d’élève, cela a été l'opportunité de découvrir en profondeur comment leur enfant travaillait et s’organisait. De leur côté, les professeurs ainsi que d’autres personnels des établissements se sont naturellement rapprochés des familles : prêt de matériel numérique, envoi de pochettes hebdomadaires aux moins équipés, lien quasi-quotidien et surtout individualisé avec les élèves mais aussi leurs parents (échanges de courriels et de messages plus nombreux et personnalisés, appels téléphoniques, demandes de conseils et partages d’expériences). Christine Lhommeau, professeure de lettres en lycée, témoigne : “Je voudrais bien garder le contact parfois créé avec des parents avec lesquels j’ai pu parler concrètement du travail en cours : tenants et aboutissants, enjeux et méthodes. Aller vers une école avec les parents.” Véronique Camus, professeure de lettres en collège d’éducation prioritaire, présente l’initiative prise par son établissement de demander à chaque professeur de garder le contact avec une quinzaine de familles via un appel hebdomadaire et renchérit : “L’effet bénéfique de ce lien téléphonique : une coopération plus étroite avec les familles qui, de plus en plus confiantes, se sont mises à me partager des difficultés insoupçonnées. Il m’a aussi paru nécessaire de les accompagner, par téléphone, à prendre en charge l’outil numérique car certaines familles sont très éloignées de notre système scolaire. En effet, certains n’avaient jamais utilisé un ordinateur et accompagner le travail de leurs propres enfants était donc impossible. De ce fait, de nombreux parents de 3e, angoissés à l’idée de se tromper, m’ont confié la saisie des vœux d’orientation dans le Téléservices, saisie qu’ils jugeaient trop complexe. Une véritable confiance s’est ainsi installée avec les élèves et leurs parents.” Aller sur Pronote par exemple, s’y retrouver dans le travail à effectuer, les messages, les informations ne va pas forcément de soi pour tous.
 
Ces professeurs sont unanimes sur un point : l’éclatement de la classe, l’enseignement à distance et les difficultés techniques pour certains les ont obligés à se réinterroger sur leur programme disciplinaire, à les appréhender plus globalement. Laetitia Rivallin, professeure de physique en collège, a été amenée à se redemander quels étaient les points les plus essentiels et à opérer des choix peut-être plus clairs en décidant d’une notion importante par cours. Dominique Viennot, professeur de musique en collège, évoque l’obligation d’être encore plus précis dans ses propositions pédagogiques. Martial Gavaland, professeur en physique chimie en lycée, conseille “d’avoir sur les apprentissages une progression fine et pas trop lourde, explicite avec des points d’étape sur une durée donnée”. Mme. Camus ajoute : “Je n’allais bien sûr pas finir le programme de français mais je pouvais profiter de ce temps pour travailler étroitement avec les familles et leurs enfants à l’apprentissage de leur autonomie.”
 
Le mot clé est lâché : autonomie. Sans la présence du professeur au moment des apprentissages, sans la garantie d'une aide compétente et disponible à la maison, les élèves se sont retrouvés non plus avec l’objectif d’apprentissage de l’autonomie, mais dans la nécessité de devenir autonomes pour avancer dans leur travail. Aussi, les professeurs ont essayé de rassurer (mot qui revient dans toutes les contributions), d’encourager et de stimuler les élèves. Ils ont réfléchi à des consignes qui se devaient d’être encore plus explicites. Ils ont mis en place des réponses et relances personnalisées aux différents travaux donnés. Certains ont même décidé de cibler les élèves les plus décrocheurs et de leur proposer des rendez-vous téléphoniques. À dix heures, chaque matin, on s’assure que le jeune est levé, on l’encourage à se mettre au travail, on le questionne sur ce qu’il a à faire, on fixe des objectifs personnalisés pour les jours à venir. D’autres professeurs ont poursuivi leurs réflexions sur les classes inversées ou testé ce type de dispositif sous des formes variées. “Le confinement n’a fait qu’accentuer l’une des idées phares du phénomène des classes inversées : celui de la planification des tâches pour faire acquérir aux élèves des savoirs et savoir-faire disciplinaires. L’un des grands principes est de mettre à disposition des élèves un plan de travail afin que ceux-ci puissent au gré de leurs envies, besoins et contraintes, apprendre par eux-mêmes avec des temps de remédiation externe assurés par le professeur“, explique M. Gavaland. Denis Pouzet, professeur de physique en collège, raconte “avoir envoyé les points les plus difficiles une semaine avant le cours” en demandant aux élèves de venir avec leurs interrogations. La séance a ensuite eu lieu en classe virtuelle et consistait à travailler à partir des questions des élèves. Cela fonctionnait bien. Le corollaire à cette pratique développée pour certains avec le confinement est de rendre “attractives et motivantes les activités que je propose dans ma discipline” comme en témoigne V. Camus. Les élèves étaient donc invités à regarder, découvrir, apprendre et produire par eux-mêmes, avec possibilité de conseils intermédiaires et personnalisés. En fin de séquence, une fiche bilan avec les notions et repères importants sont fournis puis étudiés en classe virtuelle.
 
L’arrêt brutal de l’école en présentiel a eu pour effet immédiat de rendre indispensables les outils numériques. Cette situation a été révélatrice de fortes inégalités d’équipement et de maîtrise dans ce domaine, pour les élèves comme pour certains professeurs. Selon une enquête menée en avril et en mai auprès de 6000 élèves et enseignants du premier et second degré, seuls 19,7 % des enseignants ont pu disposer d’un ordinateur professionnel ; les autres ont dû utiliser leur matériel personnel qu’ils partageaient souvent avec leur conjoint ou/et leurs enfants. Quant aux élèves, cette même enquête nous apprend que 25% des enfants n’avaient qu’un téléphone pour se connecter et que 36% ne disposaient que d’une connexion à débit limité. Et si l’on ajoute à ces inégalités d’équipement le fait de disposer ou non d’une imprimante, d’un scanner, des moyens d’acheter les cartouches d’encre, le problème et les inégalités engendrés par ce nouveau mode d'enseignement deviennent très importants. Par ailleurs, le fait de faire reposer tout le lien école-famille-travail scolaire sur les outils numériques a aussi mis en exergue des niveaux de maîtrise très différents. Une mère d’élève explique : “certains enseignants mettaient une partie du travail dans le cahier de textes, une autre dans la rubrique "Ressources", certains encore ajoutaient d’autres consignes dans la partie "Communication". J’ai aussi vu un enseignant demander à des sixièmes de trouver seul une vidéo, puis de remplir un questionnaire sur Pronote avant de rédiger une "trace écrite" qu’il fallait ensuite envoyer via e-lyco. Un vrai dédale technique qui aboutit à un taux de travaux non-rendus évidemment très élevé.” Quant aux enfants, parmi ceux qui se rassuraient encore avec l’agenda habituellement, certains n'avaient plus leurs codes ou étaient complètement perdus dans la somme de consignes, ressources ou travaux envoyés chaque jour par des professeurs scrupuleux et craignant eux-aussi de mal faire ou de ne pas faire assez.
 
Mais certains professeurs ont aussi cherché et trouvé de nouvelles ressources et outils à l’occasion de ce confinement, à l’image de D. Viennot ou C. Lhommeau. “J’ai appris à maîtriser des outils et dispositifs numériques que je voulais tester depuis longtemps : classe virtuelle, capture d’écran animée, vidéo à partir d’un diaporama, chaîne Youtube. J’ai aussi exploré des fonctionnalités d’Itslearning : questionnaire, inscription en ligne, débat.”
 
Des parents ont parfois été confrontés à certains professeurs qui ne renvoyaient soit aucune correction aux travaux, soit une fiche de correction standard et difficilement exploitable par un enfant seul, surtout lorsque cette fiche arrive deux semaines après l’envoi des exercices. Pour éviter cela, d'autres professeurs, à l’image de D. Viennot, expliquent qu’ils ont délaissé l’évaluation sommative pour une évaluation plus formative : “Nous envoyions régulièrement les corrigés, et les élèves pouvaient s’autoévaluer.” Les professeurs se sont rendus compte que pour maintenir chez les élèves une mobilisation et un travail dans la durée, il leur fallait des retours réguliers et, surtout, des encouragements, au-delà de la qualité intrinsèque du rendu. Ainsi, L. Rivallin témoigne : “J’évalue uniquement l’implication/autonomie et je ne garde que les niveaux de compétences "très satisfaisant ou satisfaisant" pour valoriser les élèves concernés.” D’autres ont profité de cette période pour innover. C. Lhomeau a choisi de développer des formes d’évaluation diversifiées, notamment orale et vidéo. Pour l’évaluation orale, l’enseignante a enregistré son corrigé sous forme audio avec ses remarques pour chaque élève et chaque copie. L’effet chez les lycéens s’est avéré très positif : “Il a enclenché un dialogue sur leur travail, et pas seulement parmi les plus motivés.” Ces derniers réagissaient spontanément, demandaient des précisions. Quant à l’évaluation vidéo, il s’agit d’une correction de copie par capture d’écran ensuite transmise à l’élève. “Les élèves en ont apprécié le caractère très explicite avec l’impression d’être "dans la tête du prof", et les attentes sont mieux cernées.”
 
M. Gavaland a développé des modes de travail et des évaluations adaptés à l’apprentissage à distance. Après un premier temps de travail et de recherches personnelles pour l’élève, une classe virtuelle permet de vérifier et consolider les savoirs. Ensuite, par des exercices ou recherches complémentaires, les élèves approfondissent leur travail, avec la possibilité de s’autoévaluer (QCM et feedbacks immédiats). In fine, une trace écrite est envoyée à l’enseignant sur e-lyco afin de réaliser une évaluation sommative. Par ailleurs, cet enseignant a choisi de développer l’autoévaluation de l’élève sur sa copie et la co-évaluation menée par l’élève. Il s’appuie sur les possibilités des outils académiques numériques (devoirs en ligne, autoévaluation, co-évaluation entre pairs, choix du nombre de co-évaluateurs) qui “assurent ces modalités d’évaluation avec une plus grande facilité que ne le ferait tout enseignant dans sa classe”. Le professeur “peut à tout moment accéder à la visualisation de la copie de l’élève, de l’autoévaluation menée par l’élève ainsi que des évaluations menées par un élève sur d’autres copies d’élèves”. Quant aux élèves, ils vont non seulement travailler leurs savoirs et savoir-faire, mais aussi le savoir-être, notamment dans la façon d’émettre un jugement sur le travail d’un camarade qui sera visible par celui-ci et qui devra l’éclairer sans le blesser. D’autres professeurs ont utilisé, via Pronote, e-lyco ou les messageries professionnelles, des corrections personnalisées et détaillées, adressées directement à l’élève à chaque réception d’un travail. Cette démarche a souvent permis un dialogue, une confiance et finalement un regard beaucoup plus positif sur les efforts de l’élève que lorsque celui-ci était en classe.

On ne peut que constater que cette période fut l’opportunité, pour les professeurs notamment, de découvrir ou de mieux connaître les réalités de vie et les conditions de travail de leurs élèves. De belles démarches sont aussi apparues pour revivifier le lien école-famille, le lien professeur-élève, et aller davantage dans le sens de l’individualisation et de la personnalisation de l’enseignement, au bénéfice des élèves.
 
auteur(s) :

S. Billon

contributeur(s) :

C. Brouard, C. Lhomeau, V. Camus, D. Pouzet, M. Gavaland, D. Viennot

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