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l’apprentissage mutualisé pour construire et s’approprier ensemble les savoirs

mis à jour le 03/06/2020


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Au collège G. Goussault (Vibraye -72), un enseignant de lettres a enrichi ses pratiques pédagogiques pour développer l’apprentissage par les pairs. Ritualisée, l’organisation des séances permet de multiplier les interactions entre tous les élèves à la faveur d’une organisation spatiale (îlots) et matérielle (un tableau blanc associé à chaque îlot) repensée.Comment ces conditions nouvelles permettent-elles de favoriser la construction collective des savoirs ?

mots clés : échanger, collège, rituel, collaboration, coopération, posture


“On peut être debout, assis, on travaille toujours avec un groupe et on se sert du tableau pour expliquer aux autres les réponses que l’on a trouvées”. Par cette formulation laconique et enthousiaste, une élève de cinquième décrit la “classe d’apprentissage mutualisé”1 mise en place par son professeur de français. Elle pointe les différences avec le cours ordinaire : le travail constant au sein d’une équipe (mais pas systématiquement en équipe), l’investissement de l’espace par le corps, une réflexion écrite collective portée à la connaissance de tous. Pour Patrick Loukianoff, l’enseignant, l’apprentissage par les pairs, indissociable d’une mise en activité stimulante, permet d’ancrer solidement les apprentissages. Pour y aboutir, la condition sine qua non est de “mettre les élèves en situation de créer une demande savoir”, explique-t-il. Dans cette perspective, il a mis en place la classe coopérativedepuis plusieurs années. En cours, le professeur n’est plus celui qui détient le savoir, mais celui qui donne des clés pour y accéder. C’est un dispositif qui permet notamment aux élèves de développer leur autonomie. La “classe d’apprentissage mutualisé” s’appuie sur ce fonctionnement déjà instauré, avec un objectif supplémentaire, celui de “développer la coopération des élèves autour d’une même activité”, précise le professeur. Celui-ci pose l’hypothèse que la “classe d’apprentissage mutualisé” va permettre aux élèves de s’impliquer encore plus mais aussi les responsabiliser et les faire progresser. L’introduction dans la classe de 6 tableaux blancs, un par îlot, va créer de nouveaux de lieux de travail où l’on se rassemble et où l’on réfléchit ensemble.
 
Ce qui diffère d’emblée du cours ordinaire, c’est que les élèves bénéficient d’un temps long de travail en autonomie, absolument nécessaire pour faire émerger leur réflexion, construire leur raisonnement et l’expliciter ensuite sur un tableau. Le cadre d’une séance doit être structurant pour leur laisser ce temps nécessaire sans qu’ils le perdent en bavardages autour de préoccupations matérielles, d’organisation de l’équipe, de compréhension de la consigne.... “Il faut avant tout faire acquérir aux élèves des réflexes de mise au travail”, explique l’enseignant. Pour cela, la durée idéale d’une séance est d’1 h 30 et elle s’articule autour de trois étapes incontournables. La première dure 5 minutes : le professeur présente la séance (objectifs, activité/ateliers).  Un plan de travail est affiché pour que les élèves prennent connaissance des activités qu’ils vont réaliser (un/des ateliers suivi(s) d’une mise en commun de la réflexion sur tableau). Le professeur veille à parfaitement expliciter les consignes. La seconde étape, consacrée à l’apprentissage mutuel en groupe, dure 1 heure. Il s’agit “d’apprendre à construire ensemble un raisonnement”, note P. Loukianoff. Dans un premier temps, les élèves réalisent l’atelier ou les ateliers (seuls, par groupes…) dans l’ordre qu’ils souhaitent (selon leur préférence, leur besoin, ce que demande leur professeur). Au sein de leur îlot, ils font le choix de collaborer (se répartir les tâches) ou de coopérer (travailler tous ensemble sur la même tâche). Cette première phase dure 30 minutes. Ensuite, l’équipe se reforme pour proposer un bilan, une trace écrite de l’activité réalisée sur le tableau blanc (30 minutes). Les élèves ont réfléchi sur les mêmes supports mais parfois selon une temporalité différente. Il faut maintenant confronter les réponses, construire ensemble, se mettre d’accord, expliciter. Tout au long de cette étape centrale d’apprentissage mutualisé, l’enseignant circule dans la salle, observe l’avancée du travail, propose des outils d’aide ou “met en relation l’élève qui a compris avec celui qui est en difficulté”. La troisième et dernière étape est celle de la restitution. Elle dure 20/25 minutes et commence toujours par un très court débriefing lancé par le professeur (“Qu’est-ce qui a été difficile ? Comment avez-vous fait ?”...). Chaque équipe présente ensuite aux autres son bilan écrit. C’est une étape interactive : les autres élèves posent des questions, proposent des corrections, des modifications. L’élaboration du raisonnement et son explicitation sont au centre des échanges, on formule, on reformule, on complète… Quand le raisonnement est abouti, les élèves l’écrivent dans leur classeur. Chaque séance, qu’elle soit à dominante de lecture, d’écriture ou de langue par exemple est structurée selon ces trois étapes.
 
Le temps de travail collectif autour des tableaux blancs, lieu de rassemblement central dans la réussite du dispositif, fonde la confiance de chacun, nécessaire aux apprentissages. Cette confiance qui se forge est étroitement liée au droit de regard affirmé et porté par tous sur le travail des uns et des autres. Ceci constitue un élément nouveau dans le cadre d’une classe. Après avoir réalisé les activités selon des modalités libres, à ce moment-là l’équipe doit se mettre d’accord et pour cela il y a débat. La place du corps n’est pas étrangère à l’implication de chacun dans les échanges : on ne débat pas de la même façon débout, assis, avec ou sans feuille dans la main, en prenant la posture de celui qui écrit, etc… Debout, à côté de ses camarades, on peut moins se retrancher qu’assis à sa table. “Sur les tables en îlots, les élèves se font face et seuls les élèves assis l’un à côté de l’autre peuvent être réellement actifs”, précise l’enseignant qui note aussi que des élèves discrets ont de plus en plus pris la parole dans le cadre de ces échanges restreints. Ils ont ensuite pris confiance pour s’exprimer aussi en classe entière. “Autour du tableau blanc, on apprend à comprendre le raisonnement de l’autre, souligne P. Loukianoff.  Le tableau est comme un grand brouillon témoin d’une réflexion collective”. On réfléchit ensemble, on efface, on corrige, le droit à l’erreur est reconnu. Le tableau blanc permet également de travailler la clarté de la trace écrite : les choix typographiques (couleurs, mots écrits en majuscules, mots soulignés...), la mise en forme (carte mentale, schémas, tableaux, texte)… Les compétences du domaine 2 du socle commun “les méthodes et outils pour apprendre” sont ainsi travaillées à chaque séance. Enfin, au moment de la restitution, “en exposant à ses camarades, l’élève prend la posture de celui qui sait quelque chose. Expliquer aux autres permet de vérifier qu’il détient bien un savoir qui intéresse ses camarades. Il se met lui-même en situation de réussite et acquiert une estime de lui-même”, précise P. Loukianoff.

Le plus souvent lors des travaux de groupes, il est difficile de choisir le rapporteur ou bien c’est toujours l’élève le plus à l’aise qui se lance. Ici, le passage à l’oral et le choix de l’intervenant ne donne pas lieu à débat d’une part parce que l’on porte la réflexion du groupe et que l’on s’est d’abord assuré d’avoir tous compris la même chose, d’autre part parce que l’on est invité à dire en priorité ce que l’on a réussi, enfin parce que le droit à l’erreur est légitimé. La phase de débriefing joue elle aussi un rôle essentiel pour déconstruire la “peur de se tromper face aux autres” si fréquente chez les collégiens. Échanger sur les difficultés rencontrées met au jour le fait qu’il y avait un/des obstacle(s) à surmonter pour tous. “Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas revu ces règles, on ne connaissait pas la conjugaison, ce n’était pas facile à expliquer…” déclarent les élèves lors d’une séance d’orthographe. “Face aux difficultés, comment avez-vous fait ?”, demande l’enseignant. Les collégiens évoquent les stratégies et outils utilisés, le chemin qu’ils ont suivi (par exemple, l’ordre qui leur a semblé le plus judicieux pour réaliser les activités). Cette brève médiation cognitive basée sur l’échange et à chaque séance renouvelée invite chacun à utiliser sa mémoire de travail et à partager ses méthodes. Elle introduit efficacement le travail du rapporteur : “Il faut être capable de dire facilement et sans gêne ce que l’on n’a pas compris, l’objectif est aussi de faire sortir de soi des idées reçues, des règles même erronées, et on peut toujours commencer par dire ce que l’on a réussi”, explique P. Loukianoff. C’est une étape indispensable à la construction du savoir et à son ancrage.
 
Les clés du dispositif s’articulent donc autour de trois points forts : une grande autonomie accordée aux élèves au sein d’une organisation ritualisée de la séance, la multiplicité des interactions verbales, la posture apparemment en retrait du professeur, observateur et chef d’orchestre. À l’issue de la première année d’expérimentation, P. Loukianoff souligne l’engagement accru des élèves dans leur travail. Il envisage une nouvelle piste de réflexion pour la rentrée prochaine : comment renforcer la qualité de l’écoute et de l’explication ? Savoir communiquer efficacement, respectueusement : l’apprentissage mutualisé s’inscrit pleinement dans le parcours citoyen du collégien.


1. C’est ainsi que P. Loukianoff nomme le dispositif qu’il a mis en place, inspiré de "L’école mutuelle” (méthode d’enseignement développée en France au XVIIIe siècle) et de la classe coopérative d’inspiration Freinet.
 
auteur(s) :

N. Le Rouge

contributeur(s) :

P. Loukianoff, Collège G. Goussault - Vibraye [72]

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