Le temps de travail collectif autour des tableaux blancs, lieu de rassemblement central dans la réussite du dispositif, fonde la confiance de chacun, nécessaire aux apprentissages. Cette confiance qui se forge est étroitement liée au droit de regard affirmé et porté par tous sur le travail des uns et des autres. Ceci constitue un élément nouveau dans le cadre d’une classe. Après avoir réalisé les activités selon des modalités libres, à ce moment-là l’équipe doit se mettre d’accord et pour cela il y a débat. La place du corps n’est pas étrangère à l’implication de chacun dans les échanges : on ne débat pas de la même façon débout, assis, avec ou sans feuille dans la main, en prenant la posture de celui qui écrit, etc… Debout, à côté de ses camarades, on peut moins se retrancher qu’assis à sa table. “Sur les tables en îlots, les élèves se font face et seuls les élèves assis l’un à côté de l’autre peuvent être réellement actifs”, précise l’enseignant qui note aussi que des élèves discrets ont de plus en plus pris la parole dans le cadre de ces échanges restreints. Ils ont ensuite pris confiance pour s’exprimer aussi en classe entière. “Autour du tableau blanc, on apprend à comprendre le raisonnement de l’autre, souligne P. Loukianoff. Le tableau est comme un grand brouillon témoin d’une réflexion collective”. On réfléchit ensemble, on efface, on corrige, le droit à l’erreur est reconnu. Le tableau blanc permet également de travailler la clarté de la trace écrite : les choix typographiques (couleurs, mots écrits en majuscules, mots soulignés...), la mise en forme (carte mentale, schémas, tableaux, texte)… Les compétences du domaine 2 du socle commun “les méthodes et outils pour apprendre” sont ainsi travaillées à chaque séance. Enfin, au moment de la restitution, “en exposant à ses camarades, l’élève prend la posture de celui qui sait quelque chose. Expliquer aux autres permet de vérifier qu’il détient bien un savoir qui intéresse ses camarades. Il se met lui-même en situation de réussite et acquiert une estime de lui-même”, précise P. Loukianoff.
Le plus souvent lors des travaux de groupes, il est difficile de choisir le rapporteur ou bien c’est toujours l’élève le plus à l’aise qui se lance. Ici, le passage à l’oral et le choix de l’intervenant ne donne pas lieu à débat d’une part parce que l’on porte la réflexion du groupe et que l’on s’est d’abord assuré d’avoir tous compris la même chose, d’autre part parce que l’on est invité à dire en priorité ce que l’on a réussi, enfin parce que le droit à l’erreur est légitimé. La phase de débriefing joue elle aussi un rôle essentiel pour déconstruire la “peur de se tromper face aux autres” si fréquente chez les collégiens. Échanger sur les difficultés rencontrées met au jour le fait qu’il y avait un/des obstacle(s) à surmonter pour tous. “Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas revu ces règles, on ne connaissait pas la conjugaison, ce n’était pas facile à expliquer…” déclarent les élèves lors d’une séance d’orthographe. “Face aux difficultés, comment avez-vous fait ?”, demande l’enseignant. Les collégiens évoquent les stratégies et outils utilisés, le chemin qu’ils ont suivi (par exemple, l’ordre qui leur a semblé le plus judicieux pour réaliser les activités). Cette brève médiation cognitive basée sur l’échange et à chaque séance renouvelée invite chacun à utiliser sa mémoire de travail et à partager ses méthodes. Elle introduit efficacement le travail du rapporteur : “Il faut être capable de dire facilement et sans gêne ce que l’on n’a pas compris, l’objectif est aussi de faire sortir de soi des idées reçues, des règles même erronées, et on peut toujours commencer par dire ce que l’on a réussi”, explique P. Loukianoff. C’est une étape indispensable à la construction du savoir et à son ancrage.