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voyage en pédagogie flexible

mis à jour le 24/11/2021


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Sandrine Penven enseigne l’anglais et les lettres depuis 18 ans au lycée professionnel privé de la coiffure Pierre Masson à Saint-Herblain. Son signe distinctif ? Sa valise remplie d’étiquettes pour ses zones de travail et de jeux pour ses activités de coopération. Dans sa classe ou dehors, ses élèves choisissent de travailler seuls ou en groupe, dans des espaces aménagés, très diversement. Certains échangent, d’autres écrivent et dessinent mais tous collaborent autour d’un projet commun. Comment cette pédagogie dite flexible permet-elle de mieux prendre en compte la personne dans ses apprentissages ?

mots clés : échanger, enseignement flexible, classe flexible, compétences du XXIe siècle, école de demain, différenciation, connaissance de soi, réflexivité


En fin d’année scolaire, un réservoir à compliments est déposé sur la table avec pour seule consigne : "vous devez écrire un message positif à l’un de vos camarades". Si la plupart ont rédigé pour leurs pairs, plusieurs ont choisi de s’adresser à leur professeure : "vous trouvez toujours la solution à tout", "grâce à vous, j’ai appris à aimer les cours. Ils étaient animés et intéressants", "merci de m’avoir accepté comme je suis. J’ai eu l’impression d’être comprise", "merci de m’avoir accompagné pour réussir", "vous m’avez aidé à grandir"1.

Pascale Toscani2, docteure en psychologie cognitive et responsable du GRENE Monde rappelle la nécessité de "former l’élève à la compréhension de qui il est". Il s’agit de construire des compétences qui lui permettront de mieux "se connaître, s’adapter, s’engager, coopérer"3 pour mieux vivre dans le monde de demain. C’est ce que cherche à développer Sandrine Penven en bricolant un "enseignement flexible"4. Il s’agit d’installer un climat de confiance et de respect mutuel, de favoriser une meilleure prise en compte des besoins de chacun. Entre souplesse et structure, droits et devoirs, Sandrine Penven met en œuvre des scénarios d’apprentissage qui s’ajustent au fil de l’eau à partir de sa trousse à outils.

 
Dans celle-ci, un droit au mouvement. Elle n’imagine pas "obliger ses élèves à rester assis" et elle a donc réfléchi à l’aménagement des espaces dans la classe. Elle a alors conçu huit zones de travail5 possibles. Celles-ci ne sont pas toujours toutes convoquées à chaque séance. L’enseignante peut décider de n’en installer que deux ou trois selon les objectifs qu’elle fixe au cours de sa séquence. Aux élèves en revanche d’éprouver toutes celles qu’elle propose. Les activités quant à elles, réalisées assis ou debout selon le choix des élèves, peuvent être différentes ou bien complémentaires. Elles dépendent toujours du projet commun, c’est-à-dire de la tâche finale. Elle suit leur évolution à l’aide d’un tableau de compétences et repère plus aisément ceux qui éprouvent des difficultés ou ceux qui au contraire ont des facilités : "chacun avance à son rythme". Enfin, au moment de la séance qu’elle juge le plus opportun, elle rassemble ses élèves en groupe classe pour fixer les apprentissages et faire le point sur la compréhension de tous.
 
Faire vivre la "créativité"6 des élèves est aussi une compétence clé pour l’école de demain. Et Sandrine Penven aime leur donner ce droit. Cela signifie qu’elle les laisse libres de la forme qu’ils veulent donner à la restitution de leurs activités. Chacun peut ainsi tirer avantage de sa personnalité, de ses forces et de ses besoins de mémorisation. Il ne serait pas rare par exemple de voir un élève pratiquer le sketchnoting7 dans son cours ou bien un autre expliquer sa suite de texte en construisant un origami. Chacun à sa manière donne à voir sa compréhension dans son cahier, autrement appelé le carnet de voyage.
 
Le voyage, c’est justement le chemin symbolique que donne Sandrine Penven à sa pédagogie flexible, voyage dans lequel elle invite ses élèves à la suivre et à "monter dans le train"8 avec elle : "j’ai un programme, je sais où je les emmène mais j’accepte qu’il puisse y avoir des itinéraires bis." Donner à l’élève la possibilité de proposer une autre voie, celle qu’il aura choisi, c’est aussi lui offrir le droit à l’erreur, droit qui s’accompagne toujours de son devoir : celui de réfléchir et d’accepter d’être évalué. Car pour apprendre, il faut comprendre. C’est la "persistance"9. Alors, lorsque ses élèves se sentent perdus, Sandrine Penven leur demande toujours d’expliquer leur cheminement intellectuel. L’évaluation doit pour l’enseignante être une source constante de réflexivité et de mise en valeur pour l’élève. En cela, l’enseignante leur propose à chaque évaluation, trois approches différenciées, organisées respectivement par niveaux de difficulté sur 12, 15 et 20 points. Les effets ? Des élèves plus mobilisés et des copies blanches qui n’existent plus.
 
Si l’objectif de l’enseignement flexible, c’est mieux se connaître, alors c’est aussi pour l’enseignante donner le droit aux élèves d’avoir des émotions et le devoir de les analyser. C’est en quelque sorte les aider à faire preuve d’adaptabilité10, c’est-à-dire les inciter à renforcer leur capacité à identifier ce qu’ils ressentent, à l’exprimer et à le réguler. Lorsqu’un élève peine à entrer dans les apprentissages ou bien lorsqu’il exulte trop fortement sa joie ou sa colère, Sandrine Penven lui laisse la possibilité de prendre quelques minutes pour se calmer dans l’espace canapé, autrement appelé Le Coin cocotte-minute. Cette zone est la seule à rester identique dans sa salle de classe. Elle peut aussi choisir de s’entretenir individuellement avec lui. Pour le réintégrer dans les activités alors, elle lui propose à l’aide d’outils d’analyse de son émotion – le Blob Tree ou mur d’humeur – de réfléchir d’abord sur son ressenti et ensuite de choisir la posture qui pourrait lui permettre de se remobiliser en classe. Le travail n’étant jamais négociable, seules les modalités pouvant l’être.
 
Pour faire de ses élèves des citoyens capables de vivre ensemble, Sandrine Penven leur confie le droit à la parole à condition qu’ils coopèrent et qu’ils renforcent leur capacité à être respectueux et tolérant envers les autres. Cette conscience sociale et culturelle11 se traduit dès l’entrée en seconde par la construction collective d’une charte du vivre ensemble créée à l’occasion d’une séquence de français intitulée Mon passeport citoyen. L’enseignante propose alors à ses élèves de réfléchir à leurs besoins et au sens qu’il donne au travail collectif dans une classe. L’objectif étant de développer des relations positives entre ses élèves et d’encourager l’empathie entre pairs. L’enseignante les laisse aussi volontiers prendre son rôle. Ils deviennent alors ses Assistant Teacher et verbalisent chacun à leur tour leurs apprentissages devant le groupe classe. Cet esprit de cohésion se confirme aussi par le contenu des cours, toujours interactif et ludique. D’ailleurs, les élèves prennent plaisir à collaborer pour créer des jeux en lien avec les disciplines enseignées.

"Créer une école ouverte où les jeunes aiment leur environnement et prennent plaisir à apprendre"12,c’est la quête perpétuelle de Sandrine Penven qui continue de compléter sa trousse à outils. Elle cherche sans cesse à renforcer chez eux leur sentiment de réussite et à développer leur capacité à devenir des citoyens du monde.


1. Propos d’élèves recueillis par Sandrine Penven et rapportés par elle en visioconférence pour la Cardie, juillet 2021.
2. Groupe de recherche en neurosciences et en éducation.
3. Diaporama de Pascale Toscani, docteure en psychologie cognitive, "neurosciences cognitives et école du XXIe siècle" "Les Compétences du XXIe siècle", déclinées par l’OCDE.
4. Pratique qui se rapproche du modèle "pédago-centré" proposé par Didier Paquelin, professeur titulaire de la Chaire de leadership en enseignement sur la pédagogie de l’enseignement supérieur, Université de Laval, Canada.
5. Une zone individuelle, une zone coopérative, une zone d’écriture, une zone d’échange privilégiée avec l’enseignant, une zone de retrait, une zone de découverte du sujet, une zone de discussion entre pairs.
6. "Les Compétences du XXIe siècle", déclinées par l’OCDE.
7. Technique de prise de notes mêlant visuels et textuels.
8. Interview de Sandrine Penven en visioconférence - Cardie - Juillet 2021.
9. "Les Compétences du XXIe siècle", déclinées par l’OCDE.
10. "Les Compétences du XXIe siècle", déclinées par l’OCDE.
11. "Les Compétences du XXIe siècle", déclinées par l’OCDE.
12. Tedx Rennes de Pascale Toscani, "L’intelligence reconsidérée à la lumière des neurosciences", consultée en septembre 2021.
 
auteur(s) :

J. Jacquat

contributeur(s) :

S. Mandret Peven, LP Pierre Masson [44]

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