D. Bucheton a ainsi invité les enseignants à allonger le temps d’activité des élèves, à les faire beaucoup écrire et à parler moins côté professeur, et cela dès l’entrée en classe pour favoriser un climat propice aux apprentissages. Certains enseignants ont été confortés dans des pratiques déjà initiées ou installées. D’autres ont repensé leur pédagogie en profondeur. D. Bucheton a souhaité que chacun s’engage à essayer et à partager sa pratique. C’est en analysant en équipe des pratiques individuelles que l’on peut gagner en expertise. “Le leitmotiv de D. Bucheton est d’amener les enseignants vers l’auto-analyse grâce au cadre théorique et à l’analyse de pratique”, note B. Quéron. Il était donc essentiel qu’à l’issue du premier temps de formation théorique, chaque nouvelle rencontre du groupe soit nourrie de retours du terrain, via des films de séances et l’échange des visites croisées. Le partage d’expérience a été central dans la formation. B. Quéron a ainsi filmé 14 professeurs volontaires. Il a développé une méthodologie pour filmer les séances et mener ensuite l’entretien avec l’enseignant. “Mon objectif est de donner à voir au professeur sa propre séance : ce qu’il voit, ce qu’il ne voit pas, ce qui est conscientisé dans sa démarche et ce qui ne l’est pas, explique-t-il. Je filme avec une tablette, je me déplace, je me poste à des endroits où le professeur ne va jamais par exemple. Je questionne aussi les élèves sur ce qu’ils font, pourquoi, comment ils le font. J’intègre au film des photographies de productions des élèves.” B. Quéron a parallèlement établi un panel de questions qui, lors de l’entretien, vise à ce que l’enseignant explicite et interroge le plus précisément possible ses pratiques. “On devient observateur de sa classe et de soi-même, témoigne D. Arnoux. J’étais étonnée de voir les élèves autant en activité, j’étais convaincue que je parlais plus. Cela m’a permis de prendre conscience de la nécessité d’expliciter davantage mes objectifs.” Le plus souvent, l’entretien avait lieu immédiatement après la séance et B. Quéron envoyait ensuite le film aux enseignants. Le formateur a constaté que généralement, les professeurs disaient ne pas avoir visionné l’intégralité du film, par manque de temps, ou parce que le rapport à l’image n’est pas si simple. Alors, il a décidé de modifier sa pratique. Pour le dernier film, il a différé l’entretien. “J’ai sélectionné des passages intéressants de la séance, j’ai adressé ce montage au professeur. Cela a servi de support à l’entretien ultérieur qui s’en est trouvé nettement enrichi : le professeur a réalisé sa propre analyse.”
Cette démarche facilite également la diffusion d’extraits de film en grand groupe (avec l’accord de l’enseignant), note le formateur. L’auto-analyse nourrie du cadre théorique permet de placer à distance sa propre pratique. Le regard des pairs en journée de formation, aussi bienveillant soit-il, est alors mieux vécu. D. Bucheton insiste justement sur l’importance de visionner des extraits de 3 à 5 minutes lors des temps communs : elle privilégie de courtes séquences filmées ciblées car riches, pertinentes pour développer des compétences d’analyse des pratiques professionnelles. Dans un atelier, il s’agit d’identifier les différentes postures du professeur, dans un autre celles des élèves, dans un autre on analyse l’impact de l’organisation géographique de la classe (en U, en frontal, sur deux salles) sur la qualité d’investissement dans les activités. Le minutage de la séance entière permet par exemple de mesurer le jeu des postures, l’éventuelle dominance de l’une ou leurs variations et l’impact sur les apprentissages. “Nous avons vraiment développé notre capacité d’analyse, explique D. Arnoux. Avec une collègue d’anglais au collège, nous avons fait une visite croisée CM2/6e en utilisant les six postures de l’enseignant comme support d’analyse. Cet outil, je l’ai toujours dans un petit coin de ma tête. On peut s’observer, s’améliorer. J’ai appris que l’on peut se former soi-même, ça c’est une découverte !”.