Contenu

innovation pédagogique

Recherche simple Vous recherchez ...

espace pédagogique > actions éducatives > innovation pédagogique > échanger

apprendre le Français langue seconde (FLS) avec une nouvelle approche neurolinguistique

mis à jour le 30/04/2021


dossier_10.png

Apprendre une langue étrangère et savoir l'utiliser dans une conversation courante reste un défi pour nombre d'élèves. Depuis deux ans, trois enseignantes chercheuses de l'Université d'Angers et de Nantes ont lancé une expérimentation sur une nouvelle façon de s'approprier la langue seconde auprès d’élèves allophones, via l’Approche neurolinguistique (ANL). Comment les enseignants auprès d’élèves allophones ont-ils fait évoluer leur façon d’enseigner grâce à cette méthode ? Peut-on en tirer des bénéfices plus largement pour l’enseignement des langues vivantes en milieu ordinaire ?

mots clés : échanger, langue étrangère, FLS, méthode ANL, inclusion


C'est en 1997 que deux universitaires canadiens, Claude Germain et Jean Netten, ont introduit le Français intensif (FI) comme méthode d'apprentissage du français langue seconde pour les élèves canadiens allophones à partir de dix ans. Cette méthode, contrairement à la pratique courante du français de base, consiste à consacrer 70 % de l'emploi du temps d'un élève au français langue seconde sur une période de cinq mois. Le fait de se consacrer majoritairement à l’apprentissage d’une langue seconde pendant plusieurs mois ne donnerait pas de retard à terme aux élèves dans les autres matières. Comme l’explique Vygotsky dans sa conception unitaire du développement cognitif (1985), le cerveau de l’enfant étant “unifié” et non compartimenté, chaque matière scolaire contribue, à des degrés divers, au développement de tous les processus cognitifs de l’élève. Des transferts et processus cognitifs s’opèrent ensuite entre les différentes disciplines. Passés les cinq mois d’immersion, les élèves sont intégrés dans des classes post FI où l’horaire consacré au français reste d’environ 90 minutes tous les deux jours. Des évaluations de cette méthode de français intensif ont permis de montrer que non seulement cette dernière permet une meilleure maîtrise du français in fine, mais aussi qu’elle a une incidence positive sur l’apprentissage des autres disciplines. C’est en 2010, après une visite de Claude Germain que David Bel, directeur du département de français de l’Université de Chine du Sud a décidé d’implanter l’ANL au sein de son université.
Depuis 2018, il a été décidé de mener sur Nantes une expérimentation de cette méthode ANL (nommée ANI4AMi, approche neurolinguistique pour adolescents migrants) auprès d’élèves allophones issus de trois structures : une UPE2A pour élèves allophones Scolarisés antérieurement (SA), une UPE2A pour élèves allophones Non scolarisés antérieurement (NSA) et une MAST. Entre novembre 2018 et janvier 2019, une formation certifiante à la méthode ANL de 21 heures a été proposée aux trois enseignants des trois structures, ainsi qu’à 6 étudiants en MASTER 2 Didactique des langues et de l’Université d’Angers et Master 2 de psychologie de l’Université de Nantes. Puis, a suivi une expérimentation sur l’année scolaire 2019-2020 réduite à 7 mois du fait du confinement. Cette application de la méthode ANL s’est faite dans chaque structure à raison de 5 à 9 heures hebdomadaires (6 heures hebdomadaires sur 18 heures de cours dans la MAST de Nantes), avec à chaque fois un groupe expérimental qui applique la méthode ANL et un groupe contrôle qui apprenait sans cette méthode. Pour la MAST, tous les élèves de Nantes ont appliqué la méthode ANL et le groupe contrôle était un groupe classe de la MAST d’Angers. Enfin, trois journées de suivi animées par V. Clavreul ont permis aux enseignants engagés dans l’expérimentation des échanges de pratiques, des retours sur l’application des stratégies d’enseignement et sur la conception d’unités pédagogiques.
 
Si l’on s’appuie sur l’expérimentation de la méthode ANL au sein de la MAST de Nantes, on observe la mise en place des cinq piliers de cette méthode : le premier propose une stratégie d’enseignement de l’oral, la base de l’apprentissage d’une langue selon cette méthode en huit étapes. Le second pilier est nommé “cercle de la littératie” (la “littératie” étant “la capacité d’utiliser le langage et les images, de formes riches et variées, pour lire, écrire, écouter, parler, voire représenter et penser de façon écrite”, selon le ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2004). Une prééminence est accordée à l’expression orale pour l’articuler avec les apprentissages de la lecture et de l’écriture. Suite à la phase orale, vient une phase de lecture. Le passage à l’écrit ne vient que dans un troisième temps, car “il est mieux d’observer comment la langue est écrite, en contexte authentique, avant même de se risquer à l’écrire soi-même1”. Enfin, la boucle est bouclée avec un retour à l’oral, chaque élève lisant la phrase précédemment écrite par un autre élève. Les deux autres grands principes de la méthode ANL sont la pédagogie de projet et le choix de situations authentiques de communication.
 
Concernant ce dernier objectif de mettre les élèves en situation réelle de communication et de les impliquer dans leur expression, C. Deschiens, enseignante dans la structure, explique : “Les thèmes abordés en ANL ont été les suivants : L’entrée au lycée et la présentation, la description et l’expression des goûts, le voyage, l’alimentation, le sport, le logement, le corps et la santé, la famille, la musique.” Ces thèmes doivent permettre l’expression authentique des apprenants et les réponses personnalisées. Concernant le travail par projets et mini-projets, Catherine Deschiens précise : “Le projet final consiste à mettre en pratique les notions acquises au cours de la séquence, elle-même découpée en mini-projets.” À titre d’exemples, les différents mini-projets de la séquence sport sont les suivants : décrire le sport qu’on pratique et celui qu’on aime regarder à la télévision ; présenter le sport qu’on aimerait pratiquer et dire pourquoi. Quant au projet final, il est intitulé : présenter son athlète préféré.
Dans l’état actuel de l’expérimentation, Delphine Guedat-Bettighoffer reconnaît elle-même qu’il est encore “impossible de démontrer clairement la plus-value de l’ANL”. Quantitativement d’abord, le projet a concerné 70 élèves sur les trois structures, 38 dans le groupe expérimental et 32 dans le groupe contrôle, ce qui reste limité en terme d’effectifs. Au niveau qualitatif ensuite, afin d’essayer d’évaluer l’impact de la méthode ANL sur les élèves et leurs conditions psycho-affectives d’apprentissage, des entretiens de 15 minutes ont été menés auprès de 14 élèves allophones SA. Là encore, difficile de tirer des leçons de ces entretiens dans la mesure où la plupart des élèves ont abordé essentiellement leurs difficultés sur les temps de classe ordinaire ou la bouée de sauvetage que pouvait incarner l’UPE2A ou la MAST.  Deux élèves ont néanmoins apporté des éléments concernant la méthode ANL. L’une a remarqué que “c’est la première fois que le professeur parle de lui, c’est une autre habitude”, et l’autre, qui est sans doute celle qui a le mieux conscientisé l’authenticité propre à cette méthode, explique : “on parle de nos parents, de nos frères et sœurs, de nos animaux de compagnie […]. Oui, j’ai aimé : on parle beaucoup plus, on peut poser des questions à qui on veut, après on écrit sur une feuille et après c’est quelqu’un d’autre qui le lit, c’était trop bien !” De fait, une poursuite de l’expérimentation et une nouvelle étude sont prévues sur les années scolaires 2020-2021 et 2021-2022.
 
Néanmoins, certains indices plaident en faveur de l’intérêt de cette méthode par rapport à des pratiques plus traditionnelles ; notamment le témoignage très positif de Mme. Deschiens à la MAST de Nantes et de Mme Croué enseignante à l’UPE2A NSA, qui soulignent l’intérêt de la méthode pour les élèves comme pour l’enseignant et cela même si l’on peut émettre certaines limites à cette pratique auprès d’élèves allophones. Par ailleurs, on notera la mise en place à la rentrée 2020 d’un projet intitulé “ANL au collège” pour expérimenter l’apprentissage de l’anglais selon la méthode ANL, avec des classes de sixième de l’académie de Nantes. Ce projet ouvre des perspectives quant à l’utilisation des spécificités de cette méthode pour l’apprentissage des langues vivantes auprès de publics dits ordinaires.


1. Claude Germain, L’approche neurolinguistique (ANL) : foire aux questions, Éditions Myosotis, 2017, p. 37.
 
auteur(s) :

S. Billon

contributeur(s) :

D. Guedat-Bittighoffer, V. Clavreul, C. Deschiens, S. Croué, Université d’Angers - Campus Belle-Beille

ressource(s) principale(s)

echanger dossier 10 analyser ses pratiques pédagogiques 14/05/2012
L'objectif de l'analyse de ses pratiques professionnelles est de s'interroger sur une situation identifiée (souvent difficile, mais pas obligatoirement) pour mieux maîtriser sa vie profess ...
échanger, analyse, autoévaluation, échanges, critique

haut de page

innovation pédagogique - Rectorat de l'Académie de Nantes