Contenu

innovation pédagogique

Recherche simple Vous recherchez ...

espace pédagogique > actions éducatives > innovation pédagogique > échanger

construire les compétences transversales en lycée professionnel grâce au chef d’œuvre

mis à jour le 02/12/2022


dossier_1.png

Deux enseignants de lycée professionnel qui souhaitent valoriser les élèves dans leurs parcours de formation et créer des situations motivantes qui les impliquent ont développé les compétences transversales dans leurs classes de lycée professionnel, notamment par le biais du nouveau dispositif du chef d’œuvre où ils interviennent ensemble. De fait, comment les enseignants construisent-ils les compétences transversales dans cette perspective de projet liée à la réalisation d’un chef d’œuvre ?

mots clés : compétences transversales, chef d'œuvre, coopération, autonomie, é-changer


Marina Bossard est professeure de lettres et histoire au lycée Sadi Carnot-Jean Bertin de Saumur et son collègue, Kévin Grabin, enseignant en production cuisine. Or, depuis deux ans en CAP et depuis l’an dernier en Bac professionnel, il se trouve que les élèves doivent réaliser un chef d’œuvre pour valider leur examen. Il s’agit, à raison de plusieurs heures hebdomadaires sur les deux années de CAP ainsi qu’en première et terminale de Bac professionnel, de produire une réalisation individuelle ou collective : celle-ci peut être concrète ou prendre une forme immatérielle, allant d’un texte à une vidéo en passant par une manifestation ou la création d’une entreprise virtuelle par exemple. Un élève peut réaliser plusieurs projets sur les deux années, il choisit ensuite celui qui sera son chef d’œuvre et qu’il présentera à l’oral de l’examen.
 
La mise en place de ces nouvelles modalités pédagogiques, ajoutée au constat des deux enseignants que leurs élèves éprouvent des difficultés dans l’expression en général et dans “les compétences d’oral” particulièrement, va les amener à réfléchir sur des moyens de valoriser ces compétences transversales dans la construction du parcours des apprenants.
 
Travaillant régulièrement par projets, ils avaient déjà plus ou moins consciemment utilisé les compétences transversales : mais une web-formation sur la présentation de l’outil Rectec (reconnaître les compétences transversales en lien avec l’employabilité et les certifications) va permettre de “conscientiser”, selon M. Bossard, cette pratique et de prendre la mesure de son intérêt pour les élèves.
 
Ce recours aux compétences transversales est enfin renforcé par le fait que M. Bossard et son collègue ont choisi de travailler sur le projet en co-intervention. Cette co-intervention peut se définir par le fait que deux enseignants, un de matière générale et un de matière professionnelle, interviennent ensemble dans une même salle au même moment pour développer des compétences propres à leur discipline. Cette pratique va amener les deux professeurs à “croiser les référentiels pour faire acquérir aux élèves les compétences” comme l’explique M. Bossard et mettre en corrélation des compétences générales (en français construction d’une phrase, d’un texte, savoir s’exprimer, mettre le ton, convaincre, décrire, expliquer…) et des compétences professionnelles (liées directement à la cuisine).
 
Pour mieux appréhender ce développement des compétences transversales en lycée professionnel à travers le projet de chef d’œuvre réalisé notamment en co-intervention, voici un exemple de chef d’œuvre mené de janvier à avril 2021 par K. Grabin et M. Bossard avec une classe de première Bac professionnel cuisine, à raison d’une heure hebdomadaire et intitulé : “Des podcasts pour une visite virtuelle”.
 
Le point de départ de ce projet est la nécessité d’organiser la journée portes ouvertes de l’établissement en distanciel du fait des mesures sanitaires liées à la Covid. La première étape de ce projet a été un brainstorming où les élèves se sont vu présenter le projet et ont cherché les différentes idées de podcasts à réaliser pour permettre aux familles de découvrir l’établissement et les formations dispensées à distance. Voici la liste des principaux podcasts que les élèves ont établie : TP cuisine, présentation du restaurant d’application, passage du CAP vers le Bac pro cuisine, description de l’internat et de la vie d’interne, présentation des soirées à thèmes, informations sur les sections hôtellerie du lycée, explications sur les stages (fréquence, durée, objectifs, déroulement…) durant la formation, concours de cuisine entre professeurs et élèves. Chaque élève a ensuite choisi le thème de son podcast, ces derniers ayant la particularité de comporter des éléments visuels et d’être filmés1. L’étape suivante a été de rechercher des idées puis de les classer et de les organiser, afin de constituer le squelette du podcast. Ensuite, les élèves ont dû mener un travail de rédaction afin de rédiger le conducteur du podcast, avec toutes les exigences syntaxiques et lexicales d’un texte destiné à informer et retenir l’attention des familles, et se devant donc d’être à la fois concis, précis, fourni et clair. Puis, a été abordé le volet communication, notamment en apprenant aux élèves à être convaincants et à adopter une tonalité en lien avec leur thème et leur intention. Pour cela, des séances de théâtre vont être menées sur quelques heures d’accompagnement personnalisée (AP) français dans l’espace “Noëlla Rouget” du lycée, avec des exercices permettant de travailler le regard, la posture, le débit, l’articulation ou l’intonation notamment... Enfin, les élèves réalisent leur podcast avec l’enregistreur vocal de leur téléphone, puis le partagent aux enseignants. Le montage sera réalisé par les élèves eux-mêmes, dans la perspective de valoriser et d’optimiser leur maîtrise des outils numériques.
 
Le chef d’œuvre et son évaluation s’appuient sur les compétences professionnelles et également les compétences développées en enseignement général par les élèves. Il permet de porter un regard sur les compétences humaines, sociales, de créativité ou de communication que l’on peut regrouper sous l’intitulé de compétences transversales. Chaque compétence est évaluée à travers trois ou quatre attendus (par exemple pour travailler en équipe : savoir écouter, prendre en compte l’avis de l’autre, être capable d’aider un autre membre de l’équipe, participer activement au projet) et sur quatre niveaux de compétences, allant de la maîtrise très partielle de la compétence à une autonomie totale. Cette évaluation finale et notée est précédée d’une auto-évaluation qui reprend, en les reformulant parfois pour plus de clarté, les différentes compétences transversales. Celle-ci permet d’engager le dialogue avec les élèves afin qu’ils conscientisent où ils en sont et le chemin qu’il leur reste à parcourir.
Quant à la co-intervention, elle va renforcer le travail sur les compétences transversales. Hormis la première heure de cours consacrée au brainstorming, les deux enseignants font un rapide point en début de cours sur l’avancée du projet, les objectifs du jour, puis choisissent de rester en retrait et “à la disposition en fonction des besoins de chaque groupe. Nous avions plutôt un rôle de conseil, d’aide à la résolution de problèmes”. Cette co-intervention constante tout au long du projet, cette nécessité pour les deux professeurs de “croiser [leurs] référentiels pour développer les compétences des élèves” matérialise bien comment un projet en lien avec une formation professionnelle peut participer à développer des compétences disciplinaires.
Pour évaluer les effets de ce travail en co-intervention sur le développement des compétences transversales via les projets qui concourent au chef d’œuvre, les deux professeurs ont proposé aux élèves un sondage de métacognition en fin d’année scolaire : une dizaine d’entre eux, soit la moitié de la classe environ, y a répondu. Concernant la pratique de la co-intervention, les élèves y ont trouvé trois avantages principaux : enrichir les compétences personnelles, acquérir des compétences de communication orale et mieux pouvoir préparer le chef d’œuvre. Concernant leurs propres progrès et acquis, les élèves sont unanimes pour dire qu’ils ont progressé à l’oral et dans la prise de parole. Les enseignants relèvent pour leur part des effets bénéfiques, au niveau individuel d’abord : plus grande prise d’initiative, confiance en soi renforcée, meilleure acceptation des différences, prise de conscience des compétences requises dans le métier et meilleure maîtrise du numérique. Des effets positifs sur le groupe classe sont aussi relevés : solidarité-entraide entre élèves, climat scolaire positif (peu d’absentéisme, bon état d’esprit) et respect de la liberté d’expression de chacun notamment. Quant à la notion de compétences transversales elle-même, “elle n’a pas été donnée en tant que telle aux élèves, mais cela pourrait s’envisager à l’avenir”, notent les deux enseignants.

En tout état de cause, ce sont bien nombre de compétences transversales dépassant le cadre des apprentissages disciplinaires que les lycéens ont pu travailler et développer à travers ce projet de podcasts pour une visite virtuelle du lycée à destination des familles. Mais il serait restrictif de limiter cette importance de travailler les compétences transversales avec les seuls élèves de l’enseignement professionnel. Ces dernières renvoient en effet vers une vue plus globale de la personne et renforcent la construction du parcours de l’élève. Elles consolident le sens des apprentissages dans les situations et en conséquence l’engagement des jeunes dans leur formation. On peut ainsi, de manière adaptée certes, utiliser ces compétences transversales au collège, par exemple dans le cadre d’un EPI (enseignement pratique interdisciplinaire : chaque élève doit en avoir fait un au terme du cycle 4) et plus encore en lycée général, à travers une pédagogie de projets notamment.


1 Si les podcasts furent au départ des médias purement audio, 17 % d’entre eux comportent aujourd’hui des éléments visuels.
 
auteur(s) :

S. Billon, LP Sadi Carnot-Jean Bertin - Saumur (49)

contributeur(s) :

M. Bossard, K. Grabin

ressource(s) principale(s)

echanger dossier 1 construire, évaluer des compétences 11/01/2011
La question de la construction et de l'évaluation des compétences prend aujourd'hui une nouvelle actualité avec la mise en œuvre du socle commun de connaissances et de compétences. Désormais, ...
évaluation, évaluer, compétences, livret, socle commun

haut de page

innovation pédagogique - Rectorat de l'Académie de Nantes