innovation pédagogique

En 2009, dans son mémoire de 2 CA-SH (Certificat complémentaire pour l’Adaptation scolaire et la Scolarisation des élèves Handicapés), B. Tiberge se questionne sur l’évaluation des compétences de l’élève et développe un outil de suivi pour l’élève qui l’aide à “réfléchir à son activité et lui permette d’assimiler plus rapidement et plus facilement les compétences qu’il aura travaillées”. Déjà à ce moment, l’enseignant souligne l’importance “et les avantages que tous les professeurs utilisent le même document”, inscrivant de fait sa réflexion dans une démarche collective. Alors que lui-même, de par son expérience et ses convictions, était plutôt “adepte de la note”, il constate que celle-ci peut être mal vécue. “Ils ont souvent un rapport négatif avec l’apprentissage, les notes et l’école en général.” Pour aider l’élève à progresser de là où il en est réellement, il crée une première grille de compétences. Celle-ci doit permettre de reprendre avec l’élève ce qu’il a fait, là où il a réussi ou échoué, et de trouver des pistes d’amélioration.
Sa réflexion personnelle a pris une autre dimension en 2018 quand le chef d’établissement de l'Érea, M. Serru, impulse l’idée d’abandonner les notes pour développer l’évaluation par compétences non chiffrée pour toutes les classes et tous les élèves. Trois enseignants, soutenus par Johnn Adam (accompagnateur Cardie), sont chargés de mener à bien ce projet, avec comme premier enjeu d’impliquer et d’entraîner leurs collègues.

Pour ce faire, une première journée de formation a lieu en juin, avec l’objectif de dégager des compétences transversales communes à l’Érea. L’idée est, qu’avant de réfléchir aux évaluations disciplinaires, il est fondamental de dégager les valeurs communes de l’établissement qui doivent devenir autant de savoir-être chez les élèves. Tous les adultes ayant une mission éducative (y compris les surveillants d’internat) participent à cette journée. Trois compétences transversales émergent et des échelles descriptives sont construites. En décembre 2018, une seconde journée de formation, plus spécifiquement destinée aux enseignants, permet d’approfondir les notions de compétences et d’enseignement explicite. L’outil propose quatre niveaux de compétence que chaque enseignant décline ensuite dans sa discipline. En mars 2019, les enseignants volontaires (un tiers environ) expérimentent l’évaluation non chiffrée. Les bulletins comportent à cette période encore notes et compétences. En septembre 2019, l’Érea passe à l’évaluation par compétences non chiffré pour tous les enseignants et tous les élèves. Le bulletin ne propose plus le double système.

Dans sa discipline, B. Tiberge a construit une nouvelle grille de compétences qu'il présente comme étant “plus axée sur des compétences générales et correspondant davantage au référentiel de formation”.

Le bilan de B.Tiberge concernant cette expérimentation est globalement positif. Au niveau de l'établissement, 33 des 35 enseignants de l'Érea ont été sondés en novembre-décembre 2020. Le résultat semble probant : la moitié des enseignants au moins ont fait évoluer leur pratique d'évaluation et deux tiers recourent aux échelles descriptives. Seuls 4 enseignants s’y retrouvent moins et regrettent les notes pour évaluer.
D'autres axes de travail restent à approfondir. En effet, un travail particulier est à envisager à destination des familles. Il s’agira de mieux communiquer sur ces nouveaux choix d’évaluation et de les interroger sur leurs perceptions. La nécessité “de questionner les élèves afin de croiser leur avis avec ce que l'on perçoit d'eux” et analyser comment ils perçoivent et vivent l'évaluation non chiffrée est aussi à envisager. Une enquête auprès des élèves début 2021 doit permettre d'avancer sur ce point. Une seconde année de pratique doit donner plus de recul et d'expérience pour un bilan plus approfondi.

Cette expérimentation à l'échelle d'un établissement nécessite, enfin, certaines conditions pour réussir, notamment pour mobiliser l'ensemble d'une équipe éducative. Si l'Érea reste un établissement spécifique avec plus de la moitié de ses enseignants qui, dans leur formation initiale et leurs pratiques d'enseignement antérieures, ont pratiqué l'évaluation non chiffrée et par compétences, un tel projet semble tout à fait transférable en collège et même lycée.