Dans le contexte actuel, on peut craindre une convergence accélérée vers une hégémonie linguistique exercée par l'anglais. Une telle évolution s'avère inefficace en termes d'allocation des ressources, injuste en termes de distribution, dangereuse pour la diversité linguistique et culturelle, et préoccupante quant à ses implications géopolitiques. Il est donc nécessaire d'examiner des alternatives à un tel scénario (2). Celle qui a été retenue au plan européen est de favoriser le multilinguisme, ce qui implique d'identifier précisément les acquis linguistiques, mêmes modestes, dans les différentes langues que les élèves étudient. L'anglais, langue des publications universitaires, étant désormais incontournable, des parcours bilangues expérimentaux émergent dans l'académie, dès le primaire.
Le CECRL offre une base commune. Il décrit aussi complètement que possible ce que les apprenants d'une langue doivent apprendre afin de l'utiliser dans le but de communiquer ; il énumère également les connaissances et les habiletés qu'ils doivent acquérir afin d'avoir un comportement langagier efficace (3). Mais ce cadre, parfois encore décrié par les enseignants parce qu'il bouscule leurs pratiques évaluatives, ne dit (heureusement!) rien sur les pratiques d'enseignement propices à faire acquérir ces compétences. Tout au plus incite-t-il à penser qu'il est primordial de familiariser les enfants à la diversité des variétés linguistiques (variétés de sons et structures, mais aussi similitudes avec leur propre langue, pour un apprentissage plus efficace de la langue maternelle et des autres langues), par des formes d'éveil au plurilinguisme (4).
L'évaluation des compétences linguistiques, mais aussi l'architecture des enseignements (élargissement de l'offre linguistique, porosité des groupes LV1/LV2...) vivent donc une période de profonde mutation. C'est pourquoi il nous a paru nécessaire de repérer les pratiques pédagogiques innovantes engendrées par ces évolutions. C'est l'objet de ce numéro qui vise à montrer comment, dans les classes, les langues étrangères sont aussi bien vivantes.
1. Évaluation des compétences en anglais des élèves de 15 à 16 ans dans sept pays européens; réseau européen des responsables des politiques d'évaluation des systèmes éducatifs, 2002.
2. L'enseignement des langues étrangères comme politique publique, rapport du Haut Conseil de l'évaluation de l'école, n° 19, septembre 2005.
3. Cadre européen commun de référence pour les langues, apprendre, enseigner, évaluer ; Conseil de la coopération culturelle; Conseil de l'Europe, Didier, 2001.
4. Legendre (Jacques), L'enseignement des langues étrangères en France, rapport d'information n° 63 (2003-2004) , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 12 novembre 2003.